Les auteurs sont respectivement président et secrétaire du SPQ Libre
En rompant les négociations avec les associations étudiantes, le premier ministre Jean Charest a déclaré espérer que s’ouvrirait une « période d’accalmie ». De toute évidence, c’est exactement le contraire qu’il souhaite et prépare.
Quel scénario, à cet effet, a-t-il concocté avec son chef de cabinet, Daniel Gagnier, présenté comme un spécialiste en « gestion de crise », mais qui est surtout un stratège fédéraliste?
Nous ne le savons pas. Mais un scénario de plus en plus plausible, selon plusieurs observateurs de la scène politique, serait de mettre le feu aux poudres, laisser se dégrader la situation sociale et déclencher une élection en pleine crise majeure.
Malheureusement, Jean Charest trouvera, du côté étudiant, des interlocuteurs prêts à jouer dans ce film. Nous avons tous vu, lors des manifestations, les immenses bannières appelant à une « grève sociale ».
Mais le déclenchement d’une telle « grève sociale » serait, à ce moment-ci, une erreur magistrale. Elle n’aurait d’autre effet que de faciliter la réélection du Parti Libéral.
Rappelons qu’au Québec, Robert Bourassa a été élu en 1970 après la crise étudiante des années 1968-1969 et réélu en 1973 après la crise d’Octobre. En France, De Gaulle, qui était la cible privilégiée de Mai 68, a remporté une éclatante victoire électorale par la suite.
Aujourd’hui, Charest veut associer le Parti Québécois à la violence et aux perturbations. Lors de sa conférence de presse, il a même dévoilé son slogan de campagne : « Mme Marois, c’est le carré rouge et les référendums ». Avec l’appui des journaux de Power Corporation et, possiblement de Quebecor, il cherchera à imposer son thème : Qui mène, la rue ou le gouvernement?, occultant ainsi tout son bilan de gouvernement corrompu.
N’oublions jamais – et la présence de Daniel Gagnier est là pour nous le rappeler – que les fédéralistes et le Canada anglais sont prêts à tout, depuis la Grande Frousse de 1995, pour empêcher la tenue d’un autre référendum sur la souveraineté. Et la meilleure façon d’y arriver est de bloquer l’arrivée au pouvoir du Parti Québécois.
Quelle stratégie pour les progressistes?
Nous devons demeurer mobilisés et continuer à manifester contre le gouvernement Charest. Mais il faut se garder de tomber dans un traquenard. La lutte est politique et se jouera sur le terrain électoral.
Aussi, nous devons éviter de laisser le conflit étudiant occulter le bilan du gouvernement Charest. Pour ce faire, il faut bâtir une large coalition autour du Parti Québécois sous le thème : « Charest divise, le PQ unit! ».
Au premier rang, il faut y retrouver les organisations syndicales. Elles doivent tout mettre en œuvre pour inciter leurs membres à s’impliquer dans la prochaine campagne électorale, dans leurs milieux de travail, leurs milieux de vie et leurs circonscriptions.
Les organisations syndicales doivent demander que le Parti Québécois s’engage, une fois au pouvoir, à rouvrir le Code du travail pour moderniser la loi anti-scab et favoriser la syndicalisation, particulièrement du 30% de la main d’œuvre qui occupe des emplois atypiques.
De nombreuses études démontrent que les travailleuses et les travailleurs de ces derniers secteurs sont les plus vulnérables. Leur insécurité se traduit par une grande volatilité au plan électoral et politique. En exigeant des mesures favorisant la syndicalisation de ceux qui le désirent, le mouvement syndical se projetterait au-delà des intérêts corporatistes de ses membres et prendrait à bras le corps les intérêts de l’ensemble du monde du travail.
Une coalition PQ-QS
La gravité de la situation impose également une entente entre les différentes forces politiques progressistes. À moins d’un accord, vu les caractéristiques de notre mode de scrutin, Québec solidaire et le Parti Québécois risquent de se diviser le vote progressiste et favoriser l’élection de Libéraux ou de Caquistes.
L’entente entre les deux partis pourrait avoir deux volets. Premièrement, le Parti Québécois laisserait la circonscription de Rosemont, vacante avec le départ de Louise Beaudoin, à Françoise David. Celle-ci devrait renoncer à la circonscription de Gouin, le PQ ne pouvant sacrifier Nicolas Girard, un de ses meilleurs députés.
Deuxièmement, le Parti Québécois offrirait, s’il est élu, à Québec solidaire de faire partie d’un gouvernement de coalition, en offrant des ministères à Amir Khadir et/ou Françoise David, bien entendu s’ils réussissent à se faire élire.
Une telle proposition serait valable uniquement si les membres de Québec solidaire renoncent à faire campagne pour leur propre parti dans les circonscriptions identifiées comme « prenables » par le Parti Québécois et acceptent plutôt de travailler à l’élection des candidatures péquistes.
De plus, le Parti Québécois et Québec solidaire devraient intervenir auprès d’Option nationale pour que ce parti intègre, lui aussi, la coalition.
Élargir la coalition et présenter une équipe rajeunie
Au-delà de ces ententes entre le Parti Québécois et les organisations syndicales, d’une part, et Québec solidaire, d’autre part, la coalition électorale s’élargirait à l’ensemble des organisations étudiantes, environnementales, populaires et autres qui ont composé, au cours des dernières années, le front uni contre les politiques du gouvernement Charest.
Le Parti Québécois devrait inviter des leaders de ces différents mouvements à se porter candidates ou candidats sous ses couleurs, en leur réservant des circonscriptions « prenables ».
Enfin, la direction du Parti Québécois doit montrer que le parti offre aux électeurs un « réel changement » en plaçant à l’avant-scène, lors de la campagne électorale, son équipe de députés, plus particulièrement celles et ceux qui se sont signalés au cours des dernières années et qui représentent le renouveau du parti.
Mentionnons les Nicolas Girard, Martine Ouellet, Véronique Hivon, Bernard Drainville, Denis Trottier, Monique Richard, Alexandre Cloutier, Carole Poirier, Nicolas Marceau, Dave Turcotte, Guy Leclair, Marie Bouillé, Mathieu Traversy, Sylvain Gaudreault et autres, de même que les candidats Réjean Hébert et l’environnementaliste Daniel Breton.
Ces propositions paraîtront audacieuses, mais la situation le commande. La grève étudiante a engendré une toute nouvelle dynamique sociale et politique. Elle peut se transformer en un grand mouvement libérateur.
Les forces conservatrices, opposées au changement, jalouses de leurs privilèges en ont pris la pleine mesure. Soyons assurés qu’elles vont tout mettre en œuvre pour briser cette dynamique. À nous d’y voir. C’est dans cette perspective que nous soumettons à la discussion ce plan de match.
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