L’autorité morale du peuple et de ses représentants

2012/09/13 | Par Sylvain Martin

L’auteur est directeur québécois des TCA

Le gouvernement que nous venons d’élire à Québec est-il dépourvu de toute autorité morale? Sa courte majorité l’enferme-t-il dans une camisole de force? C’est l’impression que j’en retire quand je lis les déclarations du gouvernement Harper et des « donneurs de leçons » qui sévissent dans nos journaux, sous le titre de chroniqueurs ou d’éditorialistes.

Dès le lendemain de l’élection, Stephen Harper nous a dit qu'il ne « croyait pas que les Québécois veuillent rouvrir les vieilles chicanes constitutionnelles du passé ». Son bras droit (il n’a pas de bras gauche!), Christian Paradis, a ajouté : « C’est business as usual ».

Le message du gouvernement Harper, nous rapportent les journalistes, est que rien n’a changé avec l’élection d’un gouvernement souverainiste à Québec. Comme le gouvernement Charest a été le moins revendicateur de notre histoire, le message est clair!

Avant même que Mme Marois ne formule ses demandes, il oppose une fin de non-recevoir. Pas question, par exemple, de répondre favorablement à une requête pour étendre les dispositions de la loi 101 aux travailleuses et aux travailleurs régis par le Code du travail fédéral.

Pourtant, on sait que ça touche 10 % de la main d’œuvre au Québec. Ça comprend les travailleuses et les travailleurs du transport aérien, maritime et ferroviaire, les employés de la fonction publique canadienne, des banques, des radios et télévisions publiques, etc.

Selon Stephen Harper, la première ministre Marois n’aurait pas l’autorité morale, ni la légitimité politique, pour faire des demandes à Ottawa au nom du Québec.

Pourtant, Harper a été élu avec moins de 40 % des voix (39,6 %). Au Québec, il n’a récolté que 16,5 % des suffrages et n’a fait élire que 5 députés!

Si M. Harper reconnaît vraiment que le Québec est une nation, il doit reconnaître le choix démocratique de la nation québécoise.



Répartir la richesse

L’autre dossier que Mme Marois n’aurait pas l’autorité morale d’ouvrir, c’est celui de la répartition de la richesse. Le Parti Québécois propose de hausser les taux d’imposition de 28 % à 32 % pour les revenus supérieurs à 130 000 $ et à 35 % pour ceux au-dessus de 250 000 $, pour remplacer la taxe santé de 400 $ par famille et financer en partie le gel des droits de scolarité et des services de garde. Cela serait « un choix idéologique qui entache la légitimité de la ponction », nous dit ce matin Alain Dubuc dans La Presse!

Bien entendu, diminuer les impôts des plus riches et faire porter le fardeau fiscal sur le dos de la classe ouvrière et des plus démunis avec des hausses de tarifs, comme l’a fait le gouvernement Charest, n’était pas un « choix idéologique »! C’était de la « bonne gestion »!

Quand, en plus, Mme Marois propose de réduire de moitié l’exemption pour les gains en capital et pour les dividendes, là, rien ne va plus! Ce n’est rien de moins que la « création de la richesse » qui serait compromise!

On n’en est pas encore aux cris de détresse sur « l’exode des riches », mais ça s’en vient!

On suit de près, du côté de nos éditorialistes et chroniqueurs, la réaction du patronat français qui vient de se faire imposer une taxe à 75 % sur les revenus dépassant un million d'euros par an. Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, vient de demander la citoyenneté belge pour mettre son argent à l’abri du fisc français.

Nous autres, les travailleuses et les travailleurs, on sait trop bien que nous ne pouvons pas partir, changer de province ou de pays. Et on aimerait pouvoir nous considérer comme les richesses naturelles. Toujours là, tout juste bons à être exploités, selon le bon vouloir des patrons.

Mais ce ne sera pas le cas.

Je vois avec plaisir que la gauche française ne se laisse pas intimider par ces menaces. Et j’ai bien ri en voyant la réaction du quotidien français Libération, devant les menaces d’exode fiscal de Arnault, avec son titre : « Casse-toi riche con! »

Le 4 septembre dernier, nous avons, nous aussi, commencé à relever la tête avec un gouvernement qui s’est engagé à refléter nos aspirations comme nation et à établir une plus grande justice sociale. Je pense que ce gouvernement, et sa première ministre ont toute l’autorité morale et la légitimité pour mettre en œuvre son programme.

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