« On pense qu’une phase de croissance économique va suivre. Et on veut être prêt. En 2013-2014, la situation des finances publiques sera réglée, ou presque, au Québec. Pendant que nos voisins seront à se battre pour mettre de l’ordre dans leurs finances publiques, chez nous, ce sera fait », déclarait le ministre des Finances Nicolas Marceau au Téléjournal, le 13 novembre dernier.
Régler les finances publiques avant de passer à autre chose, on croirait entendre Lucien Bouchard lors du Sommet du Déficit Zéro.
Plusieurs, à l’époque, y ont cru. On sait maintenant que Bouchard avait tout simplement capitulé devant les marchés financiers, devant Wall Street. Et que ce sont les libéraux qui ont profité du « ménage » qu’il avait fait dans les finances publiques.
L’histoire est-elle en train de se répéter? Des rumeurs circulent à l’effet que le ministre Marceau aurait déclaré à huis-clos devant des groupes de la société civile que sa motivation à maintenir le cap sur l’objectif de l’équilibre budgétaire, et donc atteindre le Déficit zéro, viendrait des pressions des agences de notation qui, une nouvelle fois, menacerait de « décote » le gouvernement du Québec.
Un retour sur les réactions, fort différentes, de Lucien Bouchard et Jacques Parizeau face aux pressions des marchés financiers est instructif et devrait, espérons-le, inspirer le ministre Marceau.
Lucien Bouchard et le Déficit zéro
Dans un article paru dans le journal Les Affaires du 5 novembre 2005, Lucien Bouchard a révélé comment, à la fin juin 1996, il était accouru à New York – dans un avion loué pour que la chose demeure secrète – pour rencontrer les financiers de Wall Street qui menaçaient de décoter le Québec.
« Nous nous sommes retrouvés devant quatre analystes, manifestement sceptiques. J’avais l’impression d’être devant un tribunal, raconte Bouchard. Je leur ai demandé de nous donner une chance puisque nous avions la ferme intention de remettre de l’ordre dans les finances. On s’est fait répondre que le Québec déviait depuis 40 ans et que le bilan n’était pas bon. »
Le premier ministre avait déjà annoncé avant de partir qu’il imposerait aux employés de l’État une baisse des salaires de 6 % (qui s’est transformée plus tard en un programme de retraites anticipées). « Il a même été question, devant les gens de l’agence de crédit Standard & Poor’s, que je m’engage par écrit à tenir parole. J’aurais refusé. Quand même : un premier ministre, élu démocratiquement, ne va pas jusque-là ».
Bouchard poursuit ses confidences au journaliste des Affaires. « Nous avions passé notre temps à emprunter sans trop compter. C’était normal qu’on nous pose des questions. J’ai plaidé comme si c’était la cause de ma vie. Au bout de trois ou quatre heures, ils nous ont dit de repartir, qu’ils allaient réfléchir et nous téléphoner. L’appel est entré le lendemain : le Québec n’était pas décoté, mais il était sous surveillance étroite. »
On connaît la suite. Ce fut le Sommet du Déficit Zéro avec ses compressions budgétaires dont on subit encore les conséquences, particulièrement dans le réseau de la santé et, au plan politique, le démantèlement de la coalition des Partenaires pour la Souveraineté que M. Parizeau avait mis sur pied.
Les milieux d’affaires pouvaient se réjouir. La menace d’un nouveau référendum était écartée. Pour une deuxième fois en moins d’un an, l’argent venait de battre les souverainistes.
Quelle leçon tire Lucien Bouchard de cet épisode. « Je sais qu’un premier ministre passe la moitié de son temps à s’arracher les cheveux. Il ne faudrait plus qu’il doive également aller se traîner à New York pour demander grâce aux financiers. »
L’attitude de Parizeau
Au cours de sa carrière, Jacques Parizeau a développé une autre attitude à l’égard des milieux financiers.
Dans un documentaire, il déclarait, après avoir expliqué comment il avait réussi, sous le gouvernement Lesage, à briser le syndicat financier qui avait provoqué la défaite de Duplessis en 1939 et intimidait les gouvernements du Québec : « Si tu n’es pas baveux avec les banques, elles vont te manger tout cru. »
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