Le projet de loi no 2 présenté par le ministre Drainville sur le financement des partis politiques se rapporte à un autre projet de loi no 2, celui présenté, en 1977, par Robert Burns sous le gouvernement de René Lévesque. On doit donc l'analyser à la lumière de son célèbre prédécesseur. Il est symptomatique, à cet égard, que M. Burns ait signé, conjointement avec deux de ses anciens collaborateurs, une lettre au Devoir qui fait une critique assez sévère du nouveau projet de loi et préconise une approche différente.
À mon sens, c'est surtout une application laxiste de la loi de 1977, par tous les partis politiques à partir de la fin des années 80, qui a entrainé les excès qu'on veut maintenant corrigés. Plus de vigilance et d'intransigeance auraient évité bien des abus. Mais après 30 ans, une révision de la loi peut se justifier pour corriger les déviations qui ont été identifiées.
Mais il ne faudrait pas, comme le fils du roi, viser le noir et tuer le blanc. Pour empêcher le financement caché des partis par des chercheurs de contrats gouvernementaux, on voudrait limiter à une somme minime de 100$ par année les contributions politiques de tous les citoyens à tous les partis politiques. Cela sonnerait le glas des petits partis politiques et empêcherait la formation de nouveaux partis. Car les nouveaux partis et les petits partis liés à une cause particulière ont besoin d'un certain nombre de généreux donateurs qui croient intensément à la cause qu'ils défendent. Pour faire une analogie avec le monde économique, ces partis ont besoin de « seed money ». Et il n’y a pas de formule possible pour que ces partis reçoivent l'aide de l'État au moment même où ils en auraient le plus besoin. J'ajouterais que ces nouvelles règles sont tout à fait irréalistes en ce qui concerne les courses à la chefferie d'un parti politique.
Or il n'y a pas de retour d'ascenseur possible dans le cas des petits partis politiques. Qui va contribuer au Parti vert ou à Option nationale dans le but d'avoir une préférence dans l'octroi des contrats gouvernementaux? Personne. Il n'y a donc aucun danger de collusion dans le cas de ces partis et on doit les traiter différemment de ce qu'on pourrait appeler les « partis de gouvernement ». Ce n'est que dans le cas des partis qui ont des chances de diriger le gouvernement qu'on doit se prémunir contre la tentation que pourraient avoir certains de contourner la loi à leur profit.
N'oublions pas que, en démocratie, la formation d'un parti politique est un droit fondamental des citoyens : on ne doit donc le limiter que dans la mesure où cela est strictement nécessaire dans le cadre d'une société démocratique. Ajoutons, comme l'a souligné M. Burns, que les partis sont d'abord au service des citoyens et qu'ils doivent appartenir à leurs membres. Le financement populaire des partis est un élément essentiel de notre démocratie québécoise.
Je propose donc que les nouvelles règles que M. Drainville veut imposer dans son projet de loi (qui pourront d'ailleurs être améliorées en commission) ne s'appliquent qu'aux seuls partis qui ont réussi à faire élire au moins un député à l'Assemble nationale. Ce sont les seuls qui peuvent être vus, réalistement, comme des gouvernements potentiels. Tous les autres partis pourraient rester assujettis aux règles actuelles.
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