« La Vierge, les coptes et moi », le documentaire de Namir Abdel Messeeh, poursuit sa carrière après une présentation spéciale récente au RIDM (Rencontres Internationales du documentaire de Montréal).
L’histoire commence au souper de Noël 2009. Une amie de la mère du cinéaste sort de son sac une cassette rapportée d’Égypte contenant les images d’une apparition de la Vierge au Caire devant des milliers de croyants de la communauté copte. Fait inusité : la mère de Dieu a aussi été vue par les musulmans.
Intrigué par cette manifestation religieuse, le cinéaste français d’origine égyptienne, pourtant athée, s’empare de l’idée et, malgré son scepticisme, part au pays de ses ancêtres documenter le phénomène.
La réalité n’est pas à la hauteur de ses attentes. Les gens qui ont « vu » le miracle s’accomplir sous leurs yeux sont réticents à discuter de la « chose » et, trop souvent, se contredisent. On peut être à côté de quelqu’un et ne pas voir la même chose que lui. À la limite ne rien voir du tout. C’est une question de croyance. Pour les coptes, les « vrais » Égyptiens, descendants de Toutankhamon, la vierge Marie est la femme parfaite, la mère idéale. En Égypte, coptes et musulmans la vénèrent. La croyance est le ciment du peuple.
Conscient que la recherche s’éternise et que le documentaire ne va nulle part, son producteur lui coupe les vivres. Changement de trajectoire.
La mère de Namir en a vu d’autres. Complètement raté, son premier film, lui rappelle-t-elle. Beaucoup d’imagination, peu d’organisation, le fiston! Mais de là à laisser tomber son fils chéri… Son expérience de chef comptable à l’ambassade du Quatar lui permet d’apporter son soutien au projet. Non seulement, la mère protectrice reprend les cordons de la bourse et, par la force des choses, s’initie à la production. C’est reparti.
Le cinéaste, son équipe et sa mère arrivent dans le village d’Assiout, en Haute-Égypte. Toute la smala maternelle les accueille à bras ouverts. Gens très croyants, ils ont tous au moins une apparition à leur actif. Au cafouillis d’une montagne de discussions, Namir répond par l’action. Il va monter de toutes pièces une scène de l’apparition de la Vierge. Tout le village y prend part, chacun selon ses compétences. La débrouillardise est au menu. Le casting a lieu chez grand-maman. On fait des essais, les acteurs sont triés sur le volet, les autres choisis comme figurants. Malgré les imprécations de la productrice, l’équipe n’a aucune gêne à trafiquer les fils électriques : une apparition, ça prend beaucoup de lumière.
Durant tout ce temps, la caméra tourne. Le film est en train de se faire. Il se terminera dans les délais annoncés.
Il aura fallu un an de montage pour que le documentaire rejoigne la fiction et que la démarche, très personnelle voire familiale, de Namir Abdel Messeeh, prenne le pas sur le reste. Homme de plusieurs talents, il n’a jamais eu peur de remanier son scénario, l’adaptant sans cesse à la situation présente. Devant et derrière la caméra, Namir s’est avéré un acteur exceptionnellement doué. Il est partout, de toutes les scènes, ce qui donne une force extraordinaire au film. On le sent émotif, on le voit en contrôle de la machine qu’il a mise en branle.
Sa mère, sa meilleure actrice, dit-il, a su ignorer la caméra qui capte ses moindres gestes. Tantôt improvisées, tantôt écrites, les répliques, elle sait les dire avec justesse, comme si elle les vivait au quotidien. La relation mère/fils est enflammée, jamais consumée.
Les scènes, souvent cocasses, rivalisent de situations comiques. Les habitants du village tour à tour s’inquiètent et s’amusent, doutent parfois, mais font confiance à ce « cousin », un peu farfelu, venu de l’étranger. Après tout, ils restent en famille, personne de l’équipe ne parle arabe.
Portrait d’un coin de pays reculé, chronique familiale, l’aventure cinématographique inédite du réalisateur de 39 ans est, à première vue, loufoque. Mais n’oublions pas que le documentaire recèle une manière inattendue de voir et de comprendre le monde. Là aussi, l’habileté de Namir Abdel Messeeh est au rendez-vous.
La vierge, les coptes et moi, à l’affiche le 23 novembre. D’une durée de 91 minutes, le film distribué au Québec par K-Films Amérique est une coproduction France/Quatar, en français et en arabe, avec S.-T.F
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