Les syndicats sont-ils des sociétés secrètes? Bien sûr que non! Néanmoins, c’est l’impression que veut propager le gouvernement Harper avec son projet de loi C-377 sur la « transparence syndicale ».
Depuis qu’il est majoritaire au Parlement, le gouvernement Harper s’emploie systématiquement à éliminer ou à marginaliser toutes les institutions, tous les groupes qui représentent une opposition potentielle à son action et ses politiques en faveur des lobbys pétroliers, miniers, financiers ou militaires.
Pour contrer les arguments scientifiques, le gouvernement a réduit considérablement les fonds à Statistique Canada et à différents instituts de recherche. À l’avenir, il sera difficile de fonder sur des faits prouvés scientifiquement l’impact, par exemple, de l’exploitation des sables bitumineux sur les changements climatiques, ou celui d’autres industries sur l’air que l’on respire, l’eau que l’on consomme.
Dans un deuxième temps, le gouvernement a coupé les fonds aux organismes environnementaux qui s’opposaient à ses politiques ou les a accusés d’être manipulés par des « intérêts étrangers », lorsqu’une partie de leur financement provenait de fondations américaines.
La complicité de Québecor
Aujourd’hui, Stephen Harper s’en prend, par le biais du projet de loi C-377, à la principale force organisée, seule en mesure d’opposer une riposte sérieuse à ses politiques : le mouvement syndical.
Dans ce cas-ci, comme dans les autres, il cible les assises financières. Mais, comme il ne peut priver les syndicats de leurs revenus, il essaie d’en restreindre l’utilisation à des activités étroites et corporatistes.
Comment? En obligeant, par le projet de loi C-377, les organisations syndicales à afficher sur un site Internet du gouvernement fédéral toutes les dépenses supérieures à 5 000 $.
On imagine facilement la suite. Le Journal de Montréal pointera du doigt toutes les dépenses qui sortiront du cadre étroit de la convention collective, toutes les sommes octroyées en soutien à des groupes environnementaux, étudiants, féministes, etc., comme le journal le fait déjà actuellement pour des dépenses d’organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux.
Déjà, les médias propriété de Sun Media, la filiale anglophone de l’empire Québecor, mènent campagne depuis des mois au Canada anglais en faveur de l’adoption du projet de loi C-377.
Le véritable objectif : la formule Rand
L’objectif, à court terme, est de provoquer une réaction négative chez les membres des syndicats pour que ces derniers s’autocensurent et effectuent un repli corporatiste.
À plus long terme, on vise la formule Rand, qui oblige chaque employé ou travailleur à payer une cotisation syndicale lorsqu’il est embauché dans un établissement syndiqué.
Dans le contexte politique actuel, l’abolition de la formule Rand provoquerait une débandade syndicale, ramenant le Québec 50 ans en arrière, au rang de réserve de « cheap labour ».
Bien que le projet de loi C-377 vise l’ensemble des syndicats canadiens, le Québec serait particulièrement touché parce que son taux de syndicalisation avoisine les 40%, alors qu’il est d’environ 31% pour l’ensemble du Canada.
Harper-Péladeau : copain-copain
Que l’empire Québécois se soit acoquiné avec le gouvernement Harper dans cette sale campagne ne devrait pas nous étonner. On se rappellera les longs conflits au Journal de Québec et au Journal de Montréal.
De plus, Pierre-Karl Péladeau est copain-copain avec Harper et ses journaux au Canada anglais ont fait campagne pour le Parti conservateur lors de la dernière campagne électorale fédérale.
Au Québec, les médias de Québecor ont créé de toutes pièces, à coups de pages frontispices élogieuses et de sondages douteux de Léger Marketing, la CAQ de François Legault.
Soulignons que Legault proposait, lors du dernier scrutin, de modifier le code du travail pour imposer le « vote obligatoire » pour la syndicalisation, un modèle, en vigueur aux États-Unis, qui rend extrêmement difficile la syndicalisation.
Les syndicats, des organismes transparents
Contrairement à ce que laisse entendre le projet de loi C-377, les syndicats ne sont pas des « organisations secrètes ».
Les statuts des diverses organisations syndicales prévoient tous, à un moment ou à un autre, la présentation de bilan des affaires financières et obligent à une vérification des états financiers par des bureaux accrédités et externes de comptables.
Plus que toutes autres, les organisations syndicales sont tenues à la transparence en ce qui concerne tant la définition de leurs objectifs que leurs activités et états financiers.
De même, comme pour toute association sans but lucratif, tout syndicat est tenu de rendre des comptes en vertu des lois fiscales, tant à l’Agence du revenu du Canada qu’à Revenu Québec. Les états financiers sont ainsi divulgués en détail aux autorités fiscales qui en vérifient la conformité.
Tous les membres peuvent consulter les états financiers de leur syndicat, poser des questions et obtenir des réponses.
Enfin, ce sont les membres, par le biais de leurs représentants, qui décident, dans les différentes instances, de l’orientation de leur organisation syndicale et, par voie de conséquence, de l’allocation des ressources.
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