La date d’échéance des négociations sur l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG) a été reportée au mois de février. Les négociations devaient se terminer au mois de décembre, mais elles ont achoppé sur la gestion de l’offre en agriculture.
Les Européens désiraient pouvoir exporter plus de fromages au Canada et le Canada plus de bœufs et de porcs en Europe. Le différend semble résolu et la nouvelle échéance a été fixée au mois de février.
D’autre part, nous avons appris de source bien informée que le Québec s’apprêterait à ratifier l’accord, soit par décret gouvernemental ou une résolution de l’Assemblée nationale, alors que rien ne l’oblige à le faire. Le Québec serait la seule province à ratifier l’accord.
De plus, le Québec accepterait de défrayer une partie des amendes encourues en cas de poursuites par des entreprises en vertu de l’article sur la protection des investissements.
Actuellement, seul le Canada est responsable devant les tribunaux de tels accords, étant seul habileté à signer des traités internationaux. Ainsi, Ainsi, lorsque le gouvernement de Terre-Neuve a été condamné par le tribunal de l’ALENA en vertu du Chapitre 11 de l’accord pour avoir exproprié les actifs d’Abitibi Bowater, c’est Ottawa qui a dû payer l’amende.
Dans le cas d’accords de 2e génération, comme l’AÉCG, qui touchent aux juridictions des provinces, la question de leur responsabilité s’est posée.
Dans une étude intitulée « Accords commerciaux au 21e siècle : Des défis pour le fédéralisme canadien », Patric Fafard et Patrick Leblond, de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, après avoir étudié différents scénarios, envisageaient quatre scénarios possibles. On peut les résumer ainsi :
1) Le cas le plus simple consisterait pour les gouvernements provinciaux, une fois que le Canada et l’Union européenne se seraient entendus sur les modalités d’un accord, de ne rien faire et de laisser le gouvernement fédéral approuver et ratifier l’accord.
Cette approche est celle utilisée dans le cas de l’ALEN A et confirme l’autorité du gouvernement fédéral en ce qui concerne la conclusion et l’approbation des traités.
2) Un deuxième scénario pourrait prévoir une annexe à l’accord dans laquelle les obligations des gouvernements provinciaux seraient énumérées. En pratique, il y aurait une entente non officielle entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Dans un tel cas, les coûts financiers de la non-application ou du non-respect de l’accord demeurent la responsabilité du gouvernement fédéral.
Par exemple, si la ville de Montréal limitait l’accès aux entreprises qui souhaitent soumissionner dans le cadre de marchés visant l’acquisition de matériel de transport en commun afin de donner un avantage aux fournisseurs canadiens, Ottawa pourrait faire pression sur la ville et la province afin qu’elle abandonne son projet, mais il y aurait peu de choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour forcer la ville à respecter l’accord.
3) Un troisième scénario verrait les gouvernements provinciaux convenir de promulguer une loi (ou un règlement) pour faire respecter l’application de l’AÉCG.
Toutefois, cela n’éliminerait pas complètement la possibilité que l’accord ne soit pas respecté à l’avenir. Dans un tel scénario, le gouvernement fédéral aurait encore la responsabilité de payer les amendes au cas où une province ou une municipalité ignorerait les modalités de l’accord.
4) Un quatrième scénario – jugé improbable par les auteurs – verrait les gouvernements provinciaux devenir officiellement parties à l’accord avec l’Union européenne.
Les provinces concluraient un accord tant avec le Canada qu’avec l’Union européenne. Les provinces pourraient même s’exposer à des poursuites résultant du non-respect de l’accord.
Un tel scénario, selon Fafard et Leblond, marquerait une réorientation importante de la politique étrangère canadienne et renforcerait considérablement le profit international des gouvernements provinciaux.Quel scénario sera retenu par le gouvernement du Québec? Entend-il se servir de l’accord pour poser un « geste de souveraineté »? Quelle en sera la portée réelle? Purement symbolique du genre du strapontin à l’UNESCO?
Il ne faudrait tout de même pas ramasser la facture en échange d’une reconnaissance purement symbolique.
Au-delà du contenu même de l’accord, il faudra donc examiner attentivement ses répercussions politiques et constitutionnelles.
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