Réaction des anglos au projet de loi 14 modifiant la Loi 101 : rien n’est acceptable !

2013/03/06 | Par Pierre Dubuc

Après avoir monté en épingle l’histoire de la « pasta » au Buonanotte pour sonner le rappel de tous leurs alliés en Amérique du Nord – et cherché par cette opération à intimider les francophones – les anglos sont à établir leur plan d’attaque face au projet de loi 14.

Dans un éditorial d’une demi-page en fin de semaine dernière (The coming language crackdown. When language politics get ugly), le Globe and Mail faisait la liste de ce qu’il considère inacceptable dans le projet de loi 14.

Alors que les modifications proposées apparaissent trop timides aux yeux des défenseurs du français, le Globe and Mail décrit le projet de loi comme « une révision massive et une extension de chaque chapitre de la Charte de la langue française, tout comme de la Charte des droits et libertés ».

Selon le journal le plus influent du Canada anglais, « le projet de loi 14, s’il est adopté tel que présenté, accordera de nouveaux pouvoirs dramatiques aux inspecteurs de la langue, au gouvernement et aux militants qui voudront les utiliser ».

Horreur, la loi pourrait avoir des dents!

Pour le Globe, les pouvoirs accordés aux fonctionnaires pour l’application de la loi constituent un des enjeux les plus importants.

Aussi, s’attaque-t-il, en premier lieu, à l’article 175 de la loi parce qu’il permet que le fonctionnaire puisse « EXIGER aux fins d’examen, reproduction ou établissement d’extraits, la communication de tout livre, compte, registre, dossier ou document » et « SAISIR immédiatement toute chose dont elle a des motifs raisonnables de croire qu’elle est susceptible de faire la preuve de la perpétration d’une infraction à la présente loi ou à ses règlements », alors que la loi actuelle ne lui permet que de DEMANDER de tels documents.

Le Globe s’insurge également du fait que l’infraction pourrait désormais être référée au Directeur des poursuites pénales et criminelles, plutôt que d’être seulement signalée en donnant tout le temps voulu à l’exploitant de se conformer avant que des poursuites soient déposées.

Pour le Globe, ce sont là des pouvoirs policiers et non d’inspection.

Déjà, les anglos qualifiaient de « polices de langue » les inspecteurs qui n’avaient que le pouvoir de « demander ». Comment vont-ils maintenant les nommer : « commandos de la langue »? Ou peut-être « terroristes de la langue »?

Évidemment, le Globe n’apprécie pas non plus que les dispositions de la Loi 101 soient étendues aux entreprises de 25 employés et plus. Rappelons que présentement la loi s’applique à celles de 50 employés ou plus.

Mais le Globe en a surtout contre l’article 50 du projet de loi 14 qui donne au travailleur victime d’une violation de ses droits linguistiques par son employeur le droit « d’adresser une plainte à la Commission des normes de travail ».

Éducation : la négation du français, langue commune

Le Globe n’admet pas que le projet de loi 14 stipule que toute personne étudiant dans des établissements anglophones ait le « droit de recevoir de l’établissement qu’elle fréquente une formation visant à lui permettre d’acquérir les compétences suffisantes en français pour pouvoir interagir, s’épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement » (article 5).

S’en prendre à cet article, c’est la négation même du français, langue commune qui est le cœur de la Charte de la langue française.

Deux dispositions plus précises relatives à l’éducation indisposent la direction du Globe. Ce sont les suivantes :

« 88.0.2. Le diplôme d’études secondaires ne peut être délivré à l’élève qui n’a du français, parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

« 88.0.3. Le diplôme d’études collégiales ne peut être délivré à l’étudiant domicilié au Québec qui n’a du français, parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie. »

Les anglos de Montréal nous chantent sur tous les tons que leurs enfants sont maintenant bilingues, mais il ne faudrait surtout pas qu’on puisse vérifier, aux termes de leurs études, s’ils sont capables de s’acheter un billet de métro en français!

Cependant, que les francophones aient l’obligation de réussite du cours d’anglais en 5e secondaire pour l’obtention du diplôme d’études secondaires est dans l’ordre des choses !

Est aussi inadmissible pour le Globe que la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance soit modifiée pour y ajouter le paragraphe suivant : « amener progressivement l’enfant à se familiariser avec la langue française »!!!

Qui a besoin de protection : la minorité anglaise ou la majorité française?

Bien entendu, le Globe n’oublie pas de monter aux barricades pour s’opposer à la suppression du droit accordé aux membres des Forces armées d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise et la non-reconduction du statut bilingue des municipalités ayant une population anglophone inférieure à 50%.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette dernière question. Nous y reviendrons. Contentons-nous, pour l’instant, de signaler que, dans plusieurs de ces municipalités, la force d’attraction de l’anglais est telle que les données des recensements démontrent que ce sont les anglophones qui, malgré leur statut minoritaire, assimilent des francophones et non l’inverse!

En fait, dans plusieurs de ces municipalités, ce sont les droits de la majorité francophone qu’il faudrait protéger !

Cela nous renvoie à ce qui suscite l’indignation suprême du Globe : soit le fait que le projet de loi 14 propose de modifier la Charte des droits et libertés pour y inclure que « toute personne a le droit de vivre et de travailler au Québec en français dans la mesure prévue dans la Charte de la langue française ».

Pour le Globe, c’est un « geste extraordinaire » que d’accorder au français la même protection dans la Charte des droits et libertés que celles qu’on garantit à la liberté de religion et à la liberté d’expression.

C’est un scandale, selon le Globe, parce que les chartes des droits et libertés ont été inventées pour protéger les minorités, alors que la Charte de la langue française a pour but de protéger les droits de la majorité de la population québécoise.

Toutes ces mesures, tout ce projet de loi 14, ce n’est, selon le Globe, que de la « ugly politics », que de la « politique répugnante », qu’une « stratégie de confrontation délibérée avec Ottawa et le Canada anglais pour créer les conditions d’une polarisation qui va favoriser la tenue d’un autre référendum ».

Il n’y a aucune considération, dans l’analyse du Globe, pour le statut du français. Tout est ramené à un sombre « complot séparatiste », ce qui a pour effet d’occulter les enjeux linguistiques et le statut privilégié de la minorité anglophone du Québec.

Appel à la mobilisation !

Les anglophones se mobilisent. Des « angryphones », associés au journal partitionniste The Suburban, ont été les premiers à monter au front en manifestant devant les bureaux de la Première ministre.

Puis, à la faveur de la crise de la « pasta », on a ameuté tous les alliés potentiels en Amérique du Nord.

The Globe vient maintenant nous dire ce qui est acceptable et non acceptable dans le projet de loi 14. Le décompte est facile à faire : rien n’est acceptable !

À nous maintenant, d’établir notre liste de priorités, de proposer nos bonifications au projet de loi 14, et de se mobiliser et prouver que nous ne nous laisserons pas intimider par quelque campagne « pasta » que ce soit !

Un premier rendez-vous est fixé. Des porte-parole des formations politiques et des principaux groupes souverainistes seront présents. Soyons-y !

Rassemblement pour un renforcement de la loi 101
À l’occasion du début des travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi 14
Lundi 11 mars 2013 À 19h
Théâtre Plaza, 6505, rue Saint-Hubert (métro Beaubien)

Photo: Jacques Nadeau