Soyons charitable pour une fois ! Acceptons sans poser davantage de questions les affirmations de la ministre Maltais, qui n’a de cesse, depuis quelques jours, de soutenir que le règlement publié in petto dans la Gazette officielle est le fruit d’une soudaine empathie à l’endroit des moins bien nantis de notre société et que ledit règlement n’a qu’un objectif : le bonheur des prestataires d’aide sociale. Encore que…
Or quand un gouvernement se sent pris d’une sollicitude aussi soudaine pour la frange citoyenne qui a le moins de pouvoir, il n’hésite pas d’ordinaire à convoquer au moins une conférence de presse, sinon deux, avec la ou le chef du gouvernement en renfort. Exercice de pettage de bretelles, on en conviendra. Mais fort légitime en revanche quand c’est pour annoncer une bonne nouvelle.
Mais si je ne m’étais pas engagé à demeurer charitable, il me viendrait à l’esprit que la ministre, en plein pédalage dans la choucroute, a essayé d’en passer une petite vite. Le problème, c’est que la chose est arrivée quelques jours seulement après qu’elle a monté à l’assaut du gouvernement Harper, qui s’acharne sur les plus faibles. Et que des esprits chagrins et mal tournés en ont profité pour faire un amalgame avec les deux mesures.
Qu’une Québécoise pur sucre comme elle s’expose à la moquerie en se présentant à Tout le monde en parle en dit long sur l’urgence d’un contrôle de dommages qu’on a senti dans les coulisses du pouvoir. Personne n’aura compris comment une tempête de neige à Ottawa a pu provoquer la parution du projet de règlement dans la Gazette officielle.
Qui aura compris qu’il n’y a pas de jobs disponibles au Québec quand les personnes sont liées à l’assurance-emploi, mais qu’elles nous sortent par les oreilles, les jobs, quand ce sont des personnes dépendantes de l’aide sociale qui sont en cause ?
Le directeur de la santé publique s’est inquiété des mesures Maltais. Plusieurs établissements qui traitent les personnes aux prises avec des toxicomanies craignent de devoir fermer leurs portes.
Quand 500 prestataires sont convoqués à Sherbrooke, ce n’est pas, oh non ! pour vérifier leur situation. C’est plutôt pour leur annoncer la bonne nouvelle : ils auraient droit à des prestations plus élevées ! Ben voyons donc !
Mais faisons-nous violence et demeurons charitable, même si la ministre nous a déjà fait la démonstration que son jugement pouvait faire voir un déficit peut-être encore plus important que celui de l’État québécois.
On se souvient qu’elle avait défendu bec et ongles la reconstitution de la bataille des Plaines d’Abraham. On se souvient aussi qu’avec son projet de loi 204, qui permettait au maire Labeaume de contourner un certain nombre de règles dans son projet d’amphithéâtre, elle avait réussi à provoquer une crise dont le Parti québécois ne s’est pas encore remis.
Pour demeurer toujours dans la charité active, on passera sous silence le sourire de Jean Charest à l’époque, celui d’un chat qui vient de se faire à peu de frais une souris insouciante, les libéraux encaissant les bénéfices et le PQ les pertes. Mais trêve d’ironie et de balivernes !
Madame la ministre, comme d’autres collègues, est aujourd’hui confrontée à la difficile opération qui consiste à tenter de remettre dans son tube la pâte dentifrice qu’on a laissé s’échapper. Ainsi, Le Devoir nous apprenait quelques jours après son passage devant Guy A. que « Maltais change de ton ». Croit-on vraiment que poser un muffler à un bulldozer, cela le transforme en Alfa Romeo…
Ce n’est bien sûr pas le rôle de Pauline Marois de vérifier tous les détails de la plomberie. Mais c’est sa responsabilité de nommer à des postes stratégiques des personnes capables d’assurer le trafic de toutes ces lois, règlements, livres blancs, verts ou autres qui émanent tous les jours des ministères.
Or il y a un certain Hubert Bolduc, sous-ministre à la communication gouvernementale, en poste depuis début octobre. Issu du sérail de Cascades – une prédestination en quelque sorte tant les mauvaises nouvelles déboulent en cascade depuis son arrivée – le Bolduc en question ne s’était pas particulièrement illustré dans son rôle de conseiller en matière de communication de Bernard Landry.
Soyons encore charitable et faisons l’hypothèse qu’un sombre complot, ourdi par les libéraux, a sans doute conduit à cette nomination, dont les effets dévastateurs s’accumulent jour après jour.
Madame Maltais s’explique du matin au soir ces jours-ci. Si elle est tellement sûre de la valeur de ses réformes, peut-être devrait-elle faire sien ce conseil de Willie Lamothe confié à Lise Payette : « Vous savez, madame, je préfère être incompris que de passer ma vie à m’expliquer… »
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