L’auteur est directeur québécois des TCA
Jeudi dernier, le ministre des Finances Nicolas Marceau a présenté une mise à jour de l’état des finances publiques. Essentiellement, on y apprend que les finances du Québec se portent moins bien qu’il avait prévu. On constate un ralentissement économique marqué et les résultats espérés ne sont pas au rendez-vous.
Malgré tout, le ministre Marceau maintient le cap pour l’atteinte du déficit zéro pour l’exercice financier 2013-2014. C’est à ne rien y comprendre!
Lors du dépôt du budget, l’objectif du déficit zéro avait été fixé en tenant compte d’une certaine croissance économique et les compressions budgétaires étaient ciblées en fonction de cette croissance.
Maintenant, on ne déroge pas au plan préétabli même si la croissance prévue n’est pas au rendez-vous. Est-ce que ça signifie plus de compressions? Jacques Parizeau déclarait, il y a quelques semaines, que « l’obsession du déficit zéro empêche de réfléchir ». Il avait bien raison!
La même bonne vieille ritournelle
Ces derniers jours, on a annoncé des hausses des tarifs d’électricité de 2,5 % et de la taxe sur l’essence d’un sou le litre. Des augmentations qui, s’il faut en croire les titres de journaux, risquent d’« étouffer la classe moyenne ».
Avec la période de la production des rapports d’impôts qui s’ouvre, nous aurons droit, comme chaque année, aux études sur le taux d’imposition « inhumain » des Québécois et sur les « folles dépenses » de l’État québécois comparées à celles de l’Ontario ou de la moyenne canadienne.
On réaffirmera que nous payons plus de taxes et d’impôts que nos voisins canadiens et américains, ce qui ferait des Québécois les citoyens les plus pauvres de l’Amérique du Nord.
Il n’y a rien là de nouveau! C’est la bonne vieille ritournelle de nos pseudo-analystes politiques, devenus, pour l’occasion, experts en fiscalité.
Petite variante. Dans certains écrits, on a pris soin de « moderniser » le discours. On reprend le tout à l’envers, en disant que le filet social que le Québec s’est donné au fil des ans est très louable, mais que nous n’avons malheureusement plus les moyens de se le payer!
Quand la tarification remplace l’impôt
Pierre-Antoine Harvey et Érik Bouchard-Boulianne, tous deux économistes à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), ont cosigné un article fort intéressant dans l’édition du 30 mars dernier du journal Le Soleil de Québec.
Dans cet article, les coauteurs rappellent, entre autres, que le Québec a fait le choix, depuis les années 60, de se doter d’un filet social qui fait du Québec l’une des sociétés les plus performantes sur le continent en matière de répartition de la richesse, de santé publique et de bas taux de criminalité.
Mais ils nous rappellent également que, depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs ont pris tous les moyens pour s’empêcher d’être capables de maintenir la qualité de ces services, notamment en diminuant leurs revenus avec des baisses d’impôt des particuliers et des entreprises.
Quand, finalement, le gouvernement s’est résigné à augmenter ses revenus, il l’a fait en augmentant les tarifs.
Le gouvernement Charest a augmenté les tarifs d’électricité, imposé la taxe santé et haussé les droits de scolarité. Le Parti Québécois a reconduit ces augmentations, mais de façon plus modérée.
Avec comme résultat aujourd’hui que les inégalités sociales entre le club sélect du 1 % des mieux nantis et les travailleurs ne cessent de s’accroître.
Poser la question de l’offre des services publics
La CSQ réclame, depuis un certain temps, la tenue d’un sommet sur les finances publiques et j’appuie cette demande.
Mais, je suis d’avis qu’un tel sommet ne devrait pas se limiter au financement des services publics. Il faut poser la question de l’offre des services publics.
La question centrale devrait être : « Quels sont les services que les citoyens d’une société moderne sont en droit de s’attendre? Et, surtout, comment rendre ces services accessibles?
Par exemple : « L’accès aux services de santé est-il établi en fonction de mes besoins ou de ma capacité de payer et du type d’assurance privée auquel mon portefeuille et mon état de santé me permettent de souscrire? »
Même chose pour l’éducation. Quels sont les critères d’accès aux maisons d’enseignement? Ma capacité de payer, le lieu où j’habite, mon appartenance à une certaine élite ou mes aspirations comme individu?
Quel sort réservons-nous aux personnes dans l’incapacité de travailler, de façon temporaire ou permanente, à cause d’une maladie, d’un accident ou d’un handicap? Comment voulons-nous traiter les travailleurs qui perdent leur emploi?
Un sommet sur le “comment”
Les services de santé, l’éducation, le filet social, en cas d’incapacité de travailler ou de perte d’emploi, ne devraient pas se poser comme des choix. Ce sont des besoins auxquels une société moderne se doit de répondre.
Il en va de même pour nos infrastructures, les routes, les ponts, etc.
J’irais même jusqu’à dire que l’intervention de l’État dans l’économie pour régulariser le capitalisme sauvage, l’élection de dirigeants ayant une vision d’un développement économique à long terme, respectueux de l’environnement, axé sur le bien-être des travailleurs et de leurs familles, ne devrait pas non plus être considérée comme des choix de société.
Ce filet social, ces travaux publics, ces dirigeants dotés d’une vision à long terme devraient être classés parmi les “services essentiels” d’une société moderne.
Pas de débat sur leur nécessité et pas de “liberté de choix” sur leur pertinence ou pas. Les choix doivent porter uniquement sur le “comment”. Comment voulons-nous, comme société, répondre à ces besoins? Individuellement ou collectivement? Chacun, en fonction de sa capacité de payer ou par la mise en commun de nos ressources?
À mon avis, poser la question, c’est y répondre. Un sommet sur les finances publiques? Oui, à condition de ne pas perdre de vue que la santé, l’éducation, le filet social, nos infrastructures, un État visionnaire pour notre bien-être, ne sont pas des choix, mais des besoins essentiels.
Sylvain Martin
Directeur des TCA-Québec
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