Marc Laviolette et Pierre Dubuc sont respectivement président et secrétaire du SPQ Libre
Prenant prétexte de l’insignifiance du commentaire de François Legault dans le débat soulevé par la publication de « La bataille de Londres », Lucien Bouchard le largue et, par le fait même, le parti qu’il lui avait conseillé de créer après son départ du Parti Québécois. C’est une des principales conclusions qu’on peut tirer des deux entrevues accordées par l’ancien chef du Parti Québécois au journal Le Devoir.
Sondages à l’appui, Lucien Bouchard constate que la CAQ ne décolle pas et ne semble plus croire qu’elle réussira à représenter une alternative au Parti Québécois. Invoquant un soi-disant « devoir de mémoire obligatoire », il utilise les révélations de l’historien Frédéric Bastien pour revenir frapper à la porte du « drôle de parti » que constitue, selon lui, le Parti Québécois.
Tel un incendiaire qui revient sur les lieux de son crime, Monsieur Bouchard effectue un retour sur les événements qui lui ont valu d’être persona non grata au Parti Québécois. Soyons bons joueurs et acceptons de revoir les pièces à conviction du dossier Bouchard.
L’après-référendum de 1995
S’indignant d’avoir été hué par les militants péquistes, Lucien Bouchard réplique : « Ils pourront me huer quand ils feront 49,5% ou un peu plus que moi dans un référendum ». Petite précision : ces militants ont participé à la campagne référendaire et la paternité du référendum revient à Monsieur Parizeau.
Monsieur Bouchard aurait pu avoir « son » référendum, s’il avait voulu « remonter le ressort » souverainiste, au lendemain du référendum de 1995.
Mais il laisse entendre aujourd’hui que le Québec était « trop divisé » et qu’il avait la responsabilité « d’essayer de rétablir un minimum d’unité » et de « faire en sorte que tout le monde se sente dans le coup ».
Pour rassurer les « anglophones ulcérés » et les « gens d’affaires marginalisés », il a concocté, avec l’aide de Jean-François Lisée, le discours du Centaur et a mis à l’ordre du jour l’atteinte du déficit zéro, déclare-t-il en rappelant qu’il avait été « accueilli très durement dans un restaurant de Hudson le jour suivant le référendum ».
Bien sûr que le Québec était divisé. Mais, personne ne lui a demandé de jouer les bon-ententistes! Au contraire, on s’attendait à ce qu’il fasse preuve de leadership, qu’il s’appuie sur les 60% de la population favorables au OUI, comme le révélaient les sondages, et qu’il se donne pour mission d’être le porte-parole des Québécois « ulcérés » de s’être fait voler le référendum, comme il aurait pu le constater par une visite dans un restaurant de Hochelaga-Maisonneuve.
Mais Monsieur Bouchard a préféré répondre, lors d’une démarche humiliante, aux diktats de Wall Street et imposer les politiques du déficit zéro, avec le résultat qu’on connaît : le démembrement des Partenaires pour la souveraineté, la dislocation de la coalition souverainiste rassemblée par Monsieur Parizeau.
Aujourd’hui, Monsieur Bouchard nous dit que « la souveraineté ne se fera pas par la gauche » et, du même souffle, critique les « petits groupes de gens qui n’ont pas beaucoup vendu de cartes de membres » et « qui sont allés au micro pour faire peur aux gens plus qu’autre chose ». Ces gens, dit-il, « n’ont pas beaucoup aidé la souveraineté ».
En fait, mis à part quelques groupuscules actifs chez Québec solidaire, personne n’affirme que la souveraineté doive nécessairement se faire « par la gauche ».
Au SPQ Libre, nous avons toujours plaidé pour la coalition la plus large possible. Notre objectif, lors de la création de notre club politique en 2004, était précisément de faire signer leur carte de membre du Parti Québécois à celles et ceux qui, dans le mouvement syndical et les milieux progressistes, l’avaient déchirée en réaction aux politiques désastreuses de Lucien Bouchard.
Et, s’il en est un, après le référendum de 1995, dont les « déclarations au micro » et les actions « n’ont pas beaucoup aidé la souveraineté », c’est bien Lucien Bouchard. La preuve en est qu’à l’élection suivante, le Parti Québécois dirigé par Lucien Bouchard, bien que reporté au pouvoir, a recueilli moins de votes que le Parti Libéral de Jean Charest.
Par la suite, Lucien Bouchard s’est transformé en Père Fouettard, critiquant les Québécois pour leur manque de « lucidité », leur « fainéantise » et leur « immobilisme ».
Aujourd’hui, l’ancien lobbyiste de l’industrie du gaz de schiste, constatant son échec à remplacer le Parti Québécois par la CAQ, revient frapper à la porte du Parti Québécois en semonçant la gauche, comme si elle dominait le parti.
Soyez sans crainte, Monsieur Bouchard, la droite est toujours bien représentée à la direction du Parti Québécois, en dépit de la volonté de la majorité des membres. Refusant de tirer les leçons du passé, elle se réclame aujourd’hui de votre héritage, comme en témoigne l’objectif du déficit zéro. Vous avez raison sur une chose : c’est bien un « drôle de parti » que celui qui n'apprend pas de ses erreurs.
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