Souhaitant chambarder le système de partis prévalant à Montréal depuis plusieurs décennies, l’aspirant maire Denis Coderre n’a cesse de marteler l’unique point qui lui tienne jusqu’ici de programme: «L’Hôtel de Ville n’est pas un Parlement. C’est une administration».
Voilà pourquoi l’«Équipe Coderre pour Montréal» se défend bien d’être un parti politique. Dans l’esprit de son créateur, cette dénomination n’est en effet qu’une bannière permettant de profiter des avantages qu’accorde la loi électorale québécoise aux groupes qui reçoivent une reconnaissance officielle du directeur général des élections.
Mais, en 2013, ceux qui considèrent les municipalités comme de simples fournisseuses de services de proximité ont tout faux.
Même si le statut juridique de ces dernières demeure toujours inchangé et qu’elles sont encore légalement des créatures du gouvernement provincial, leur rôle s’est en réalité complètement transformé depuis quelques décennies.
De simples corps administratifs elles sont devenues des gouvernements locaux qui gèrent la plus grande partie des infrastructures publiques.
Elles sont devenues également un lieu névralgique pour le développement économique et l’aménagement urbain.
Elles agissent souvent aussi comme d’importants diffuseurs culturels. Bref, leur rôle couvre presque toutes les sphères de l’activité politique.
Les partis politiques: des outils incontournables
Dans un tel contexte, les partis politiques sont des outils incontournables pour servir de catalyseurs aux nombreuses et complexes interactions qui affectent le fonctionnement d’une ville aujourd’hui.
Comme l’a écrit Michel Venne, directeur général de l’Institut de Nouveau Monde, ils sont des organisations qui débattent des enjeux politiques, les rendent intéressants, les mettent en évidence, attirent l’attention des citoyens, stimulent la discussion.
Leur existence assure également la présence au conseil municipal d’une opposition mieux structurée; ce qui est une condition de base du débat démocratique.
En voulant limiter la Ville de Montréal à la simple fonction de fournisseuse de services de proximité, le ci-devant député libéral de Bourassa à la Chambre des Communes s’affiche dorénavant comme le porte-étendard de ceux qui, au Québec, veulent bannir les partis politiques des villes sous prétexte que le rôle joué par ces dernières serait neutre.
Pourtant les partis constituent des forums efficaces pour permettre aux citoyens de se faire entendre et pour que les électeurs puissent trancher entre les visions idéologiques que lui proposent les différentes formations qui briguent leurs suffrages, et ce dans des domaines aussi vitaux que la justice sociale, l’aménagement, l’économie, le logement, l’environnement, la culture.
Le prochain maire de Montréal devra aussi aménager des espaces permettant au plus grand nombre possible de citoyens de prendre part aux discussions et aux décisions politiques.
Cela devrait se traduire par la mise en place de conseils de quartier et par l’implantation de budgets participatifs au niveau des arrondissements.
Autre priorité: il devra mettre de l’ordre dans les structures d’une ville balkanisée en partie à cause de maires d’arrondissements qui, se comportant comme des roitelets, tiennent le pouvoir central en otage.
Le nombre d’arrondissements (19) devra aussi être réduit et leurs frontières redécoupées de façon plus fonctionnelle. Quant au nombre d’élus (103) il devra subir une coupure drastique.
Mais surtout le mode de scrutin devra être réformé en profondeur pour que toutes les formations en lice soient traitées avec équité en matière de représentation et que le vote de chaque électeur compte.
Une conception menant au clientélisme
Jusqu’ici, le candidat Coderre s’est bien gardé de faire le moindre énoncé programmatique. On peut même douter que son groupe adopte sa plateforme électorale de façon démocratique tellement il souhaite que les projecteurs de l’actualité restent constamment braqués sur son personnage.
Mais son image de politicien ratoureux imprègne déjà l’atmosphère pré-électorale. Ainsi, il a réussi une première opération de racolage en attirant dans ses rangs la mairesse transfuge de l’arrondissement Rivières des Praires-Pointe aux Trembles qui était reconnue jusqu’ici pour sa probité. Il lui a confié la responsabilité de vérifier l’éthique des aspirants candidats.
Pourtant Chantal Rouleau, loin de témoigner de valeurs à la hauteur de sa réputation, n’a fourni qu’une seule raison pour expliquer son appui surprenant à M. Coderre: quitter les marécages de l’opposition pour l’autoroute du pouvoir.
Quel opportunisme! Puis elle s’est empressée de décerner un certificat d’éthique à son nouveau chef. Quelle farce!
Le candidat Coderre a aussi lancé un appel du pied aux cols bleus de la Ville en laissant miroiter l’embauche d’un contingent important de fonctionnaires suite à l’abandon de la sous-traitance.
Surtout, il faut réaliser que la conception préconisée par le candidat populiste Coderre - émule du maire Labeaume de Québec - mènerait directement au clientélisme.
On sait qu’il s’agit d’une sorte de maladie démocratique où un politicien cherche à élargir son influence par des procédés démagogiques d’attribution de privilèges.
On trouve cette pratique, qui voisine souvent la corruption, dans les pays les moins avancés en matière de mœurs politiques.
Les Montréalais retourneraient alors quelques décennies en arrière plus précisément à l’époque où le maire Jean Drapeau régnait en autocrate sur l’Hôtel de Ville sous la bannière d’un Parti civique fantoche.
Ils reviendraient aussi aux administrations peu glorieuses des prédécesseurs de ce dernier, celles des Camillien Houde, Adhémar Raynault, Sarto Fournier et les autres du même acabit qui se sont succédés au pouvoir durant la première moitié du XXe siècle.
Enfin, à ceux qui, faisant preuve de mauvaise foi, prétendent que la corruption est attribuable à l’existence des partis, on doit faire remarquer que des enveloppes brunes ont servi à financer l’élection de candidats indépendants dans maintes municipalités et que des élections clés en main ont également été organisées dans des villes où il n’y avait pas de partis.
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