Hydro-Québec engrangera des surplus d’électricité jusqu’en 2023. Paradoxalement, notre société d’État est présentement liée, par 134 contrats d’achat d’électricité, à des producteurs privés.
Par exemple, elle a jusqu’à maintenant payé un milliard de dollars en dédommagement à l’Albertaine Trans Canada Energy pour sa centrale au gaz, construite à Bécancour en 2006, qui est à l’arrêt et n’a à peu près jamais produit d’électricité.
Cette année, Hydro-Québec achète l’énergie éolienne à un prix moyen de 9,3 cents le kilowatt/heure (¢/kWh). Les derniers contrats signés prévoient un coût d’achat de 13,2 ¢/kWh. Cette électricité est ensuite exportée et vendue sur le marché spot à 3,75 ¢/kWh.
Le Québec compte aujourd’hui 1 700 MW de puissance éolienne installée. Il en reste presque autant à construire pour des contrats déjà signés. Il s’agit de choix politiques imposés par l’ancien gouvernement libéral à la direction d’Hydro-Québec.
En ayant davantage recours au privé, notre société d’État s’oblige à acheter, au prix fort, de l’électricité dont elle n’a pas besoin ou encore à compenser les entreprises productrices. Les contrats sont souvent d’une durée de 20 ans.
Ce choix politique constitue un cadeau aux producteurs privés sur le dos de notre société d’État. Il est navrant de constater que l’actuel gouvernement semble poursuivre le modèle de son prédécesseur.
Pour sauver les usines qui fabriquent des tours à Matane et des pales à Gaspé, le gouvernement Marois vient d’annoncer un ajout de 800 MW d’énergie éolienne. Le quart de cette allocation sera développé par Hydro-Québec, et les trois-quarts iront à l’entreprise privée, en partenariat avec les communautés locales et autochtones.
En plus de gonfler les surplus d’électricité inutiles, ce choix contredit le programme du Parti Québécois, qui prévoyait que le gouvernement « nationalisera le développement futur de l’énergie éolienne afin que celui-ci soit contrôlé par Hydro-Québec, avec une exploitation en coopération avec les communautés des régions productrices ».
Le gouvernement va à l’encontre d’une partie de son programme et accroît la production d’électricité inutile, qui devra être achetée par notre société d’État, afin d’éviter la fermeture des fabricants de composantes éoliennes en Gaspésie. Ce sont 2 milliards $ pour le maintien de 800 emplois.
Une telle dépense pourrait être justifiée, si elle permettait à terme aux usines de fonctionner sans l’aide constante du gouvernement. Il est malheureusement permis d’en douter, puisque leurs coûts de production sont très élevés, principalement en raison de leur positionnement géographique, qui fait exploser les coûts de transport. Lorsque le gouvernement cessera de contraindre Hydro-Québec à acheter l’électricité produite par l’éolien, les usines de Matane et Gaspé risquent de ne pas avoir suffisamment de contrats d’exportation pour demeurer en activité.
Le gouvernement fait face à un choix déchirant : soutenir une stratégie économique régionale, pour une région qui en a bien besoin et qui appuie son parti, ou mettre fin à cette stratégie vraisemblablement non viable.
Ce triste dilemme découle du développement bâclé de l’éolien au Québec. On se retrouve avec une filière qui nous coûte 70% plus cher qu’ailleurs, selon les propos tenus au Canal Argent, le 3 juin dernier, par le spécialiste de l’éolien Réal Reid.
Développée et exploitée par Hydro-Québec, avec une vue d’ensemble, la filière aurait coûté beaucoup moins cher et aurait permis d’accroître les retombées nationales et régionales. À l’heure actuelle, les composantes des éoliennes à plus haute valeur ajoutée, comme les turbines, proviennent des États-Unis, de l’Allemagne et du Danemark.
Présentement, les producteurs privés commandent leurs éoliennes à des multinationales, en leur demandant que les tours et les pales soient construites en Gaspésie. Ensuite, ils trouvent du financement pour la construction du parc éolien et vendent leur électricité à notre société d’État. Tout ça fait exploser les coûts.
Il aurait été préférable qu’Hydro-Québec aille négocier directement l’achat des éoliennes en bloc auprès des multinationales pour en faire diminuer le prix, et même exiger l’implantation d’usines au Québec pour l’ensemble des composantes.
Avec des infrastructures de transport adaptées, ces usines auraient ensuite été en mesure d’exporter leurs éoliennes dans le Nord-Est de l’Amérique à un prix tout-à-fait concurrentiel.
De plus, étant donné l’importance de ses actifs et de son faible niveau d’endettement, Hydro-Québec aurait pu financer les parcs éoliens à des taux beaucoup plus avantageux que ceux obtenus par les producteurs privés, faisant chuter d’autant le prix de cette filière.
Évidemment, on ne peut pas revenir en arrière et le prix payé pour ce manque de vision est élevé. Il est toutefois désolant que l’actuel gouvernement agisse contre son propre programme en reprenant à son compte ce modèle.
Notre société d’État se trouvera liée à un nombre encore plus important de contrats de producteurs privés, qui lui vendent une énergie dont elle n’a pas besoin, et à un prix beaucoup plus élevé que si elle avait développé elle-même la filière.
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