Réjean Porlier est président du Syndicat des technologues d’Hydro-Québec depuis 2008. Il vient de publier Pilleurs d’héritages : confessions douces et amères d’un Hydro-Québécois. Il partage avec nous sa vision du syndicalisme, son attachement à sa région, la Côte-Nord, et surtout sa défense de ce joyau collectif qu’est Hydro-Québec.
En relatant l’histoire de notre société d’État, Réjean Porlier montre comment la nationalisation de 1962 a permis au Québec de développer son économie. Pour illustrer comment notre société d’État nous enrichit collectivement, il se réfère, entre autres, aux données du professeur Léo-Paul Lauzon selon lesquelles Hydro verse à l’État québécois plus que l’ensemble des 300 000 entreprises privées. « Huit millions d’actionnaires qui, ensemble, sont milliardaires ».
Pas étonnant que des intérêts particuliers suggèrent sa privatisation dans le but de se l’approprier. Pour le syndicaliste, il ne faut pas se laisser berner par ces discours trompeurs, mais plutôt comprendre pourquoi on cherche ainsi à nous rouler dans la farine.
L’auteur s’arrête sur le scandale des mini-centrales. En 1990, le Parti libéral de Robert Bourassa a introduit la dénationalisation de la production d’électricité, en permettant à des entreprises d’acquérir des mini-centrales et d’obliger Hydro à acheter cette électricité superflue à un prix trop élevé, en plus de dégrader de nombreux cours d’eau en milieu habité. « Cinquante-sept projets voient le jour, souvent dans la controverse. Avions-nous besoin de toute cette énergie? Pas du tout! »
Porlier explique que, depuis, l’État joue au yo-yo : un moratoire est adopté, puis levé, puis remis en vigueur, mis à part quelques exceptions, et ainsi de suite. Le syndicaliste déplore l’autorisation donnée par le gouvernement Marois de construire une mini-centrale à Val-Jalbert.
Pour le syndicaliste, c’est le genre de gestes qui démontre la nécessité de s’impliquer en politique pour défendre l’intérêt commun contre les intérêts des amis du parti. Il est toutefois déçu des partis traditionnels. C’est pourquoi il a même travaillé à créer un nouveau parti en 2010. Son projet s’est buté à des difficultés et il demeure pour l’instant en suspens.
Après le scandale des mini-centrales, Réjean Porlier aborde celui de la centrale thermique de Bécancour, construite dans l’ombre de la mobilisation contre la construction de la centrale thermique du Suroît. Depuis, Hydro-Québec paie 150 millions $ par année à TransCanada Energy pour ne pas la faire fonctionner! Hydro n’avait pas besoin de cette énergie, mais a dû répondre aux commandes du gouvernement Charest, sensible au lobby du gaz.
Le syndicaliste relate aussi le scandale des éoliennes, laissées aux promoteurs privés, notamment à TransCanada Energy. Cette façon de faire a mené à un développement anarchique de la filière. Encore une fois, notre société d’État se retrouve à acheter de l’électricité superflue, à un prix plus élevé que celui auquel elle peut l’exporter ou nous la vendre. Encore une fois, forcée d’agir sur ordre du gouvernement.
Malgré les exigences souvent irrationnelles du gouvernement, Hydro demeure première de classe. « Ce n’est pas sans raison qu’en 2010, Hydro-Québec était reconnue comme la meilleure entreprise d’électricité en Amérique du Nord par le magazine Electric Lights and Power, tant pour son service à la clientèle, que pour son rendement et ses tarifs abordables », se plaît à signaler Réjean Porlier.
Le syndicaliste rappelle aussi qu’Hydro-Québec n’était pas, à l’origine, évaluée uniquement sur son rendement interne, mais plutôt sur son impact positif dans l’économie du Québec et de ses régions. L’entreprise servait de levier économique à toute la société. Aujourd’hui, le gouvernement demande de plus hauts rendements à court terme, et tant pis pour le développement du reste de notre économie.
Cette façon de faire s’est tranquillement implantée à partir des années 1990. Porlier revient sur la réduction des effectifs de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, l’IREQ. C’est ainsi que l’expertise de la filière éolienne a été démantelée. Même chose pour le fameux moteur-roue. « En 1995, Hydro abandonnait le projet. ‘‘Pas assez d’argent’’ », soutient-on. L’auteur montre que ces deux domaines connaissent aujourd’hui un développement mondial spectaculaire et la société québécoise y joue un rôle beaucoup moins important qu’elle aurait dû.
Tout au long du livre, le syndicaliste montre la nécessité de demeurer informé, mobilisé et de travailler sans relâche pour défendre l’intérêt général contre l’avarice de quelques-uns. Pour lui, ça commence par protéger Hydro-Québec contre tout démantèlement. Il faut, au contraire, favoriser son développement pour soutenir davantage l’économie du Québec et de nos régions.
Réjean Porlier, Pilleurs d’héritages : confessions douces et amères d’un Hydro-Québécois, M éditeur
Du même auteur
2021/03/26 | L'économie post-pandémie et les emplois |
2021/02/24 | Le budget Freeland est à surveiller |
2020/12/02 | Pas pour demain le vaccin Trudeau |
2020/11/17 | À quand le rapport d’impôt unique ? |
2020/10/16 | Manawan : une responsabilité fédérale |
Pages
Dans la même catégorie
2024/02/14 | Les travailleurs étrangers temporaires ou l’esclavage moderne |
2024/02/14 | Grève du personnel des Fonds non publics |
2024/02/09 | Une entrevue avec M. Jean Gladu |
2024/02/02 | Le gouvernement se moque du pauvre monde |
2024/01/31 | La gauche, le mouvement syndical et l’immigration |