Paul Cliche est l’auteur d’une thèse sur les élections québécoises Dans l’hypothèse d’élections cet automne, quelles circonscriptions le Parti québécois ciblera t’il en priorité afin de tenter de décrocher un gouvernement majoritaire ? Une analyse des résultats des élections de septembre 2012 dans chacune des 125 circonscriptions de l’Assemblée nationale permet d’obtenir une réponse fiable à cette question. On constate alors qu’une majorité des circonscriptions stratégiques, qui pourraient détenir la clé d’un gouvernement péquiste majoritaire, se trouvent dans la région métropolitaine. Les premières circonscriptions-clés se trouvant dans la mire des stratèges péquistes sont certes les neuf qui ont fait faux bond à leur parti avec de faibles majorités pour l’empêcher de former un gouvernement majoritaire, soit passer de 54 à 63 députés. Il ne lui manquait qu’un total de 5 784 vote dans l’ensemble de ces dernières pour que les candidats du PQ soient élus. Il s’agit, par ordre croissant de majorités, de celles de La Prairie, Papineau, Richmond, Verdun, Jean-Lesage, St-Jérôme, Trois-Rivières, L’Assomption et Mégantic. Le PQ a perdu cinq de ces dernières aux mains des libéraux et quatre aux mains de la CAQ, dont L’Assomption et St-Jérôme qui ont élu François Legault et Jacques Duchesneau. La circonscription de La Prairie a été celle où le résultat a été le plus serré: 75 voix en faveur du candidat caquiste. Une analyse micro des résultats démontre que le parti gouvernemental peut espérer s’emparer d’une trentaine de nouveaux sièges. Il s’agit de ceux où les députés libéraux et caquistes ont été élus avec moins de 10% des voix. Prioritairement, les stratèges péquiste cibleront les 13 circonscriptions dont les députés d’opposition ont obtenu moins de 5% des suffrages. Parmi elles, on en compte sept qui ont élu un candidat libéral et 6 un candidat caquiste. Aux neuf mentionnées plus haut, il faut ajouter les quatre autres suivantes: Maskinongé et Soulanges (députés libéraux) ainsi que Groulx et Montarville (députés caquistes). Parmi les 15 circonscriptions dont la majorité du député se situe entre 5% et 10% on en compte deux qui ont élu un candidat caquiste, soit Blainville et Drummond-Bois-Francs et 13 un candidat libéral, soit Anjou-Louis-Riel, Brôme-Missisquoi, Châteauguay, Fabre, Hull, Jean-Talon, Laporte, Laurier-Dorion, Mille-Îles, Orford, Rivière-du-Loup-Témiscouata, Saint-Henri-Sainte-Anne et Vimont. Évidemment, l’organisation péquiste surveillera de près les circonscriptions où leur parti l’a emporté de justesse en 2012, notamment Saint-François. Le ministre de la Santé Réjean Hébert n’a remporté son siège que par une majorité de 65 voix sur la candidate libérale (0.16% de différence), soit la plus faible parmi les 125 sièges en jeu. C’est aussi le cas de la circonscription de Johnson où le ministre de l’Environnement Yves-François Blanchet n’a obtenu qu’une majorité de 200 voix sur le caquiste, soit un mince 0.5%. Abitibi-Est est dans une situation semblable, la ministre déléguée aux Affaires autochtones Élizabeth Larouche ne l’ayant emporté que par 777 voix sur le libéral, soit une majorité de 3,5%. Des luttes intéressantes à prévoir La situation de la circonscription de Laurier-Dorion est particulière parce qu’en plus du candidat péquiste celui de Québec solidaire a aussi été vaincu par le candidat libéral par une majorité de moins de 10%; les deux souverainistes ne récoltant que quelques votes de différence. À Montréal, on assistera également à une lutte serrée dans Sainte-Marie-St-Jacques où le député péquiste Daniel Breton, qui s’est vu soudainement démettre de ses fonctions de ministre de l’Environnement par la première ministre Marois, jouit d’une avance de moins de 10% sur la candidate de Québec solidaire. Une autre lutte s’annonce intéressante dans Roberval où le chef libéral Philippe Couillard va affronter un député péquiste qui jouit d’une confortable avance (plus de 18% des votes). La côte sera raide à remonter pour M. Couillard. Il faut aussi porter attention à la circonscription de Nicolet-Bécancour. Jusqu’à quel point les votes accordés à l’ancien chef d’Option nationale Jean-Martin Aussant, qui s’est classé deuxième avec 7 869 votes, s’y reporteront-il sur le candidat péquiste arrivé quatrième avec un retard de 4 000 voix sur le député adéquiste ? Ce serra une indication de la proportion de votes que le PQ devrait récupérer d’Option nationale à l’échelle provinciale suite à la démission de son fondateur. Un autre facteur significatif entrera en ligne de compte: l’effet de nuisance des candidats de Québec solidaire sur le PQ. On sait qu’en 2012 il s’est fait sentir dans plusieurs circonscriptions. Certains estiment même qu’il serait la principale cause du fait que le PQ n’a pu obtenir un gouvernement majoritaire. Qu’en sera-t-il la prochaine fois? Si ce phénomène s’intensifiait le parti indépendantiste de gauche pourrait-il jouer encore les trouble-fête et même avoir un rôle plus important s’il fait élire plus de deux députés ? Enfin, le chétif Parti vert va-t-il réussir à survivre à sa désastreuse campagne de l’année dernière et reprendre peut-être du poil de la bête ?