La « réforme Couillard » en santé

2014/02/19 | Par IRIS


Introduire en santé des pratiques inspirées du privé ne réduit pas la centralisation du système et fait même augmenter le personnel d’encadrement. Une note publiée aujourd’hui par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) révèle que les stratégies au centre de la réforme entreprise il y a dix ans par Philippe Couillard s’avèrent contre-productives.

En 2003, le ministère de la Santé a créé les Agences de la santé et des services sociaux (ASSS) et les Centres de santé et de services sociaux (CSSS). Ce changement de structure devait participer à l’introduction d’une nouvelle « gouvernance » dans le système de la santé.

Cette approche devait réduire les coûts et la bureaucratie du système en s’inspirant des pratiques du secteur privé alors célébrées pour leur efficacité.

Depuis, on cherche à implanter une logique de compétition entre les établissements et on développe des méthodes de travail de type Lean-Sigma qui accentuent la pression sur le personnel clinique dans le but de le rendre plus efficace.

« L’introduction de cette gouvernance privée dans le secteur de la santé a causé une augmentation du nombre de cadres dans le réseau et les Agences ne sont pas étrangères à cette croissance. En effet, le ratio d’employé.e.s par cadre est passé de 19 à 17,5 depuis 2003 alors que la réforme de 2003 visait plutôt l’inverse.

De plus, la pression exercée sur les salarié.e.s n’a guère diminué et le réseau est plutôt aux prises avec d’importants problèmes en matière d’épuisement professionnel et de congés de maladie. Tous ces phénomènes participent à augmenter les coûts de la santé plutôt que de les résorber » constate Guillaume Hébert, l’auteur de la note socio-économique.

L’introduction du privé en santé devait également contribuer à décentraliser le système de santé. Les résultats ne sont pas non plus au rendez-vous à ce chapitre.

« Le bilan de ces réformes inspirées du privé n’est pas concluant, au contraire. La fameuse centralisation qu’on souhaitait tant combattre a perduré. De fait, tant l’introduction de la méthode Lean que la mise en place du financement à l’activité favorisent une centralisation de plus en plus grande du réseau. Toutefois, cette centralisation est dorénavant d’une autre nature, elle n’est plus fondée en principe sur les besoins socio-économiques des populations, mais sur les soucis d’optimisation à tout prix. En cherchant autant à surveiller, évaluer et développer des indicateurs de performance, on s’engage dans une dynamique qui n’a rien à voir avec l’allégement des structures et il est par conséquent peu surprenant de constater un recul du personnel clinique à l’emploi du réseau », constate Guillaume Hébert.


La note socio-économique La gouvernance en santé au Québec est disponible gratuitement sur : www.iris-recherche.qc.ca