L’arrivée inopinée de Pierre Karl Péladeau dans l’élection québécoise pose un paquet de questions quant à l’avenir du Québec, soulève plein d’inquiétudes chez plusieurs militants et sème le désarroi, pour ne pas dire la frayeur, chez les défenseurs du statu quo fédéral qui les sert si bien.
Hélas, cette arrivée a aussi permis à la direction du Parti Québécois - qui a une solide expérience en la matière - de s’autopeluredebananiser, pour reprendre cette expression sur laquelle Monsieur possède un trade mark. Pourquoi, on se le demande, avoir retiré de son programme la modernisation du Code du travail en ce qui a trait à l’utilisation de scabs lors de conflits de travail, cela même à la veille de l’arrivée de PKP au PQ ?
« Inacceptable ! », a clamé avec raison un Gérald Larose, pourtant ouvert à l’idée qu’il mette l’épaule à la roue. « C’est pas une convention qu’on négocie, c’est un pays qu’on bâtit », a rappelé avec justesse Marc Laviolette, lui aussi ex-président de la CSN.
La politique étant ce qu’elle est, PKP devra bien mettre un peu d’eau dans son vin-aigre antisyndical…
Le fondateur de l’Union paysanne, Roméo Bouchard, qu’on ne peut certes pas taxer de complaisance péquiste, écrivait récemment sur son blogue : « Avec le temps, si la présence de Péladeau s'installe correctement, le PQ lui-même va en prendre pour son rhume, car il devra cesser de ronronner dans la gouvernance souverainiste médiocre et complaisante qui le caractérise depuis 20 ans pour redevenir une coalition pour l'Indépendance, et l'Indépendance elle-même redevenir un moyen, comme le disait Lévesque, une clé pour nous définir ensuite comme nous le voudrons, sans l'entrave canadienne et coloniale. L'Indépendance ne se fera ni à gauche ni à droite, sinon, elle sera une Indépendance imposée par un groupe ».
Tant il est vrai qu’à 23 chapelles, on ne construit pas une cathédrale…
Il y a une quinzaine d’années, je m’étais penché avec toute l’attention qu’elle le mérite sur une question, délicate entre toutes. « La question existentielle sur laquelle ont trébuché maintenant trois générations d’indépendantistes est à nouveau posée : l’œuf ou la poule ? », avais-je constaté à l’époque. Nous sommes actuellement en plein dans ce débat.
On entend : Tant qu’il y aura de la pauvreté ! Tant que nous n’aurons pas une économie verte ! Tant qu’il n’y aura pas le plein emploi ! Avec la conclusion : Pas question, pour l’instant, de faire un pays si on ne sait pas d’avance de quoi il sera fait !
Ne pourrions-nous pas, ab absurdo, en conservant les mêmes prémices, conclure autrement : Pas question de demeurer dans ce carcan fédéral qui nous prive d’avoir accès à tous les outils qui nous permettraient de nous attaquer à tous ces problèmes.
La poule, on l’aura compris, c’est l’indépendance nécessaire. L’œuf, c’est le projet de société chargé de donner de la consistance à l’indépendance. Mais dans combien de chaumières québécoises s’est-on s’agité, jusqu’à se déchirer, quand est abordé l’ordre dans lequel ces questions tenues pour existentielles doivent être posées ?
Faut-il, en tout premier lieu, mirer l’œuf, en définir les contours pour mieux les programmer et vérifier, avec l’acharnement d’un enquêteur de Scotland Yard, si sa teneur vitaminique prouve hors de tout doute que la poule portait vraiment à gauche au moment de la ponte ?
Autrement dit, sommes-nous en présence d’un œuf pur et dur, ou bien d’un œuf plutôt mollet ? À combien de querelles théologiques cette question nous a-t-elle conduits, question à ce point complexe que même un byzantinologue n’y retrouverait plus son bas latin.
Ou alors, comme le soutiennent ceux pour qui s’impose la préséance de la poule, n’est-il pas futile de se perdre en débats abscons ? La première chose qui soit impérative, ne serait-ce pas que la poule le ponde, son œuf ? Or force est de constater, avec le regretté Pierre Falardeau, qu’à varger à temps et à contretemps sur la poule pour qu’elle livre un œuf pur et dur, la poule risque de finir par ne plus être en mesure de le pondre, son œuf.
L’œuf ? La poule ? Soyons sérieux ! On n’a toujours pas de poulailler. Tout juste un enclos sous surveillance fédérale dans lequel on ne se prive toutefois pas de piailler à qui mieux mieux, pour le plus grand plaisir des coqs de la haute finance et du pouvoir fédéral, plutôt anglais comme il se doit. Car attendre, avant de prendre possession de notre poulailler, que la poule ait des dents et ponde cet œuf pur et dur, c’est garantir aux habitants du West Island qu’ils dormiront en paix jusqu’au prochain millénaire.