L'auteur est directeur adjoint du syndicat Unifor
Il y a quelques jours, je lisais une déclaration du ministre Martin Coiteux, président du Conseil du trésor, portant sur les programmes sociaux du Québec. Comme tout bon président du Conseil du trésor, il s’exprimait en chiffres. Paraîtrait-il que cela fait plus sérieux, que cela donne de la crédibilité.
Il déclarait que les Québécois avaient 27% des programmes sociaux du Canada, alors que nous ne produisions que 20% de la richesse. Cela causerait un « déséquilibre ». Il y aurait trop de programmes sociaux par rapport à la richesse créée.
La suite de sa déclaration allait dans le sens d’une réduction de l’écart et de la recherche d’un point d’équilibre. Pour y arriver, il fallait malheureusement réduire notre pourcentage de programmes sociaux et tenter d’augmenter la production de richesse pour atteindre un point d’équilibre fixé à 23% ! Avec 23% de la richesse et 23 % des programmes sociaux, ce serait le nirvana!
Pour atteindre ce point d’équilibre, le gouvernement Couillard a annoncé la mise sur pied de deux chantiers. Le premier doit revoir l’ensemble des programmes sociaux et le deuxième notre régime fiscal.
Mais le gouvernement n’a même pas attendu le résultat des travaux de ces deux comités pour se mettre au travail. Des coupures sont déjà envisagés dans tous les ministères pour atteindre le sacro-saint déficit zéro. Le projet de loi no 3 a été déposé pour assurer la soi-disant pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées des employés municipaux, en refilant la note aux travailleurs et aux retraités.
Qu’en est-il maintenant des mesures pour augmenter la richesse produite au Québec?
Rien! Aucune mesure n’a été annoncée pour augmenter notre richesse collective ! Il y avait bien la promesse électorale d’investir 15 milliards de dollars dans les infrastructures du Québec, mais les firmes de cotation ont fait les gros yeux et cette promesse est partie en fumée quelques jours à peine après les élections.
Ah! Oui! J’oubliais, il y a l’investissement dans la cimenterie de Port-Daniel, qui sera en compétition avec les autres cimenteries implantées au Québec, et qui se traduira par des pertes d’emplois dans ces dernières.
Il y a également la création d’une usine de silicium qui, elle aussi, entrera en concurrence avec l’usine de Bécancour. On s’attend à ce que le résultat, quant aux emplois, soit le même que dans les cimenteries.
Nous connaissons la fameuse «main invisible» d’Adams Smith, ce principe économique de droite qui consiste à laisser agir les lois du marché sans contraintes, en pariant qu’une « main invisible » finira pour tout régler comme dans le « meilleur des mondes ».
Maintenant, nous avons la « pensée magique » du ministre Coiteux, un autre principe économique de droite, qui consiste à faire croire aux Québécois qu’il doit y avoir un « équilibre » entre la richesse que nous produisons et nos programmes sociaux.
Et que la façon d’atteindre ce mystérieux « équilibre » serait de diminuer la portée des programmes à la population, sans causer de heurts à personne.
Le trio des ministres Coîtreux, Leitao et du premier ministre Couillard fait fausse route. Nos programmes sociaux ne sont pas un luxe. Ils constituent un choix de société. Supprimer, en tout ou en partie, nos programmes sociaux ne fera pas disparaître les besoins de notre société et, surtout, ne rendra pas ces services gratuits.
Qu’un CLSC soit contraint de réduire son personnel du service de radiothérapie par suite des coupures exigées par le ministère de la Santé n’éliminera pas nos besoins de soins. Les patients n’auront d’autre choix que d’attendre des mois pour un rendez-vous à l’hôpital – aussi victime des compressions – ou payer de leur poche pour se faire soigner au privé.
Quand une école coupe dans l’aide aux étudiants, cela ne rayera pas les besoins des parents et des étudiants. Les parents auront le choix entre se passer de ce service ou de recourir au privé et de payer pour obtenir le service désiré.
Je pourrais faire le même exercice pour toutes les coupures de services aux citoyens, parce que nos programmes sociaux répondent à des besoins essentiels pour la population et non à des caprices, comme semblent le croire nos bons idéologues de la droite.
J’invite notre super trio de droite, Messieurs Coiteux, Leitao et Couillard, à réfléchir au fait que nos programmes sociaux contribuent à la répartition de la richesse et qu’il n’y a aucune économie pour nous, les travailleurs, dans les coupures qu’ils ont faites ou qu’ils feront parce que nous avons besoin de ces services.
Plutôt que de payer collectivement pour un service et ainsi bénéficier de l’économie d’échelle qu’il en découle, nous allons devoir payer le gros prix et acquitter ces factures individuellement.
L’équation n’est pas de trouver un point d’équilibre entre le pourcentage des programmes sociaux et le pourcentage de la richesse créée par notre société, mais bien de tout mettre en œuvre pour que la société québécoise soit une société juste et équitable.
Le talent et les énergies de nos dirigeants politiques devraient être consacrés, entre autres, à la création d’emplois de qualité avec la création d’un forum permanent où tous les acteurs – gouvernement, syndicats, employeurs et sociétés d’investissement – seront amenés à travailler ensemble dans cet objectif de création d’emplois de qualité.
Quant à la fiscalité québécoise, elle doit être revue pour faire en sorte que les travailleurs, les entreprises et les dirigeants d’entreprises paient leur juste part d’impôts et de taxes. Voilà le véritable point d’équilibre que devrait rechercher le ministre Coiteux!
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