Le PLC, le NPD et le niqab: à pieds joints dans l'intégrisme

2015/03/02 | Par André Lamoureux

À tous ceux et celles qui croyaient que les plus hautes instances judiciaires canadiennes pourraient servir de rempart contre l'intégrisme et l'islamisme au Canada, la Cour fédérale vient de donner une réponse révélatrice. Le 6 février dernier, elle a déclaré illégales les prescriptions fédérales actuelles interdisant aux postulantes à la citoyenneté de porter un voile intégral. La Cour fédérale a accepté sans réserve l'argument de la plaignante Zunera Ishaq qui prétendait porter le voile intégral en vertu de sa religion. Ce jugement fait donc suite à celui de la Cour suprême du Canada, prononcé le 20 décembre 2012, autorisant le port du Niqab par un témoin en salle d'audience d'un tribunal. À ce moment-là, la Cour suprême disait le faire aussi en vertu de « la nécessité de respecter les croyances religieuses sincères » (R. c. N.S., 2012 CSC 72, [2012] 3 R.C.S. 726). 

Dans sa requête devant la Cour fédérale, Zunera Ashaq a appuyé son argumentation sur l'article 2 (a) de la Charte canadienne des droits et libertés garantissant la liberté de religion, mais aussi sur les prescriptions de la Loi sur le multiculturalisme canadien qui oblige les institutions fédérales à encourager et à prendre en compte la « réalité multiculturelle du pays ». La Cour lui a donné raison en toute concordance avec l'article 27 de la Charte qui dicte l'obligation de valoriser et de promouvoir le multiculturalisme. Même si le gouvernement Harper a décidé d'en appeler de ce jugement de la Cour fédérale, tout cela est fort instructif sur les fondements de l'État fédéral canadien.


L'asservissement, rien que l'asservissement

A-t-on vraiment appris des attentats et tueries perpétrés à Ottawa, en France et à Copenhague? Tour à tour, la Cour suprême et la Cour fédérale sont tombées dans le panneau. Comment les mouvements islamistes intégristes peuvent-ils effectuer une telle percée en territoire canadien avec la bonne écoute des tribunaux? Sur le plan symbolique, cette percée est majeure. Ce n'est pas le drapeau noir de l'État islamique qui a désormais droit de cité dans les salles de prestation du serment de citoyenneté au Canada, mais bien l'une de ses marques de commerce favorites: le voile intégral. Ce cadeau est évidemment fourni aux islamistes en l'absence au Canada de toute prescription constitutionnelle stipulant la séparation de l'État et des religions. Faut-il rappeler que partout dans le monde, les intégristes musulmans les plus durs cherchent à imposer la croyance selon laquelle le port du voile intégral par les femmes découlerait prétendument de l'islam.

Pourtant, ni la burqa ni le niqab ne renvoient à une prescription formelle du Coran. Combien de fois Fatima Houda-Pépin a-t-elledéconstruit pour nous cette prétention? La problématique du niqab dépasse d'ailleurs largement la nécessité de se découvrir le visage au cours d'une cérémonie officielle d'octroi de citoyenneté. Le prérequis du visage découvert devrait être une évidence dans l'exercice du droit de vote ou à l'occasion d'un témoignage en cour. C'est tout particulièrement la nature intégriste du niqab comme symbole qui est incompatible avec la démocratie. Les juges accepteraient-ils qu'à l'occasion d'une cérémonie d'octroi de citoyenneté, un membre de l'Hammerskin Nation affiche son logo (composé de deux marteaux croisés), un symbole raciste valorisant la suprématie de la race blanche? Bien sûr que non! Or, si ce n'est pas le cas pour eux, pourquoi le serait-il pour les islamistes qui pratiquent l'oppression des femmes, l'apartheid envers celles-ci et leur imposent une véritable camisole de force? Le port du niqab ou de la burqa ne relève pas de « croyances religieuses ». Ces tenues vestimentaires sont instrumentalisées par les intégristes islamistes. Elles consacrent le contrôle, l'asservissement et l'avilissement des femmes, supposément pour les protéger contre les désirs et les pulsions sexuelles incontrôlables des hommes.


La complicité du PLC et du NPD

Ce qui est surtout renversant dans cette situation, c'est la reddition complète et aveugle du PLC et du NPD devant ce jugement de la Cour sur le niqab. L'intégrisme islamique est avalisé, sans une ombre de critique de leur part. Les positions qu'ont exprimées Marc Garneau (PLC) et Hélène Laverdière (NPD) dans le cadre de l'émission 24/60 du 18 février dernier, sur les ondes d'Ici Radio-Canada, ont de quoi secouer.

En tant que porte-parole du PLC pour les affaires étrangères, Marc Garneau explique qu'il faut se réjouir du jugement de la Cour fédérale sur le port du niqab: «Si on veut préserver les droits et libertés dans notre pays, dit-il, il faut respecter tous les droits et libertés».

Pour sa part, satisfaite du jugement, Hélène Laverdière explique «qu'il faut respecter la décision de la Cour ». Marc Garneau n'a pas été contredit par son chef Justin Trudeau. Par conséquent, on doit conclure que le chef libéral ne fait que suivre la voie tracée par son père sur le terrain du multiculturalisme et du communautarisme.

Même s'il a été fort discret quant à ses prises de position depuis son élection à la tête du PLC, Justin Trudeau vient de dévoiler manifestement ses cartes sur la question de l'islamisme. Le feu vert est donné à l'incursion de pratiques intégristes dans les institutions et procédures de l'État.

En ce qui concerne le NPD, celui-ci confirme également son attachement au multiculturalisme. Ce qui est particulièrement désolant, c'est de voir un parti se réclamant de la gauche faire un tel compromis avec l'intégrisme.

Comment le NPD peut-il tolérer qu'un symbole aussi rétrograde que le niqab, si abaissant pour les femmes puisse se faufiler dans la cérémonie du serment de citoyenneté avec les bonnes grâces du système judiciaire?

Alors qu'il clame haut et fort combattre pour les droits des femmes et des homosexuels, sachant en plus que ces deux groupes sont généralement les premières victimes de l'intégrisme et de l'islamisme. Les salafistes imposent le voile intégral aux femmes, les maintiennent dans une situation de ségrégation et assassinent les homosexuels. De plus, en convenant de se plier au jugement de la Cour fédérale, le NPD se place en situation de faiblesse.

Comment peut-il se présenter auprès des travailleurs, des femmes et de la jeunesse comme une alternative aux libéraux tout en se collant à leurs positions sur l'intégrisme? Ce n'est certainement pas en faisant front avec eux qu'ils pourront se démarquer.

Pourtant, à leur congrès fédéral d'avril 2013, tenu à Montréal, les néo-démocrates avaient l'occasion de modifier leurs orientations sur cette question, mais ils ne l'ont pas fait. De fait, la Section Québec du NPD y a présenté une résolution intéressante visant à modifier les statuts du parti pour remplacer la promotion du multiculturalisme par une nouvelle politique prônant l'interculturalisme.

Cette proposition est demeurée lettre morte, car le Comité des résolutions du congrès ne l'a pas priorisée, comme si ce n'était pas suffisamment important. Faisant fi de la crise des accommodements religieux et méprisant la puissante aspiration à la laïcité du peuple québécois, le NPD se ferme les yeux, se bouche les oreilles et répète, de concert avec les islamistes, que le projet de charte de la laïcité relève de l'islamophobie!

La servilité devant l'intégrisme islamique, déjà confirmée à Québec par le gouvernement Couillard, est donc maintenant officialisée sur la scène partisane fédérale par le PLC et le NPD. Paradoxalement, c'est le gouvernement Harper qui se chargera d'en appeler de ce jugement de la Cour fédérale sur le niqab, un gouvernement pourtant ouvert aux particularismes religieux.


La laïcité, première base de fortification contre l'intégrisme

La reddition devant l'intégrisme s'appuie aussi sur un argumentaire selon lequel même une laïcité formelle de l'État et des organismes publics n'empêcherait pas les mouvements islamistes d'agir et non plus les djihadistes de se lancer dans l'action. La France en serait l'illustration. Bien sûr que la laïcité formelle ne suffit pas pour stopper la dérive islamiste, mais le premier défi à relever, c'est celui de la protection de la cité, des fondements de l'État et des organismes publics des influences religieuses et intégristes. La mouvance islamiste en France est effectivement beaucoup plus imposante qu'au Québec, mais cela est dû à des circonstances particulières. La différence est tout simplement imputable à l'importance des liens tissés par les communautés françaises d'origine maghrébine, arabe et africaine avec la France depuis la période coloniale. Il faut aussi reconnaître que la France a toujours été un lieu de refuge et une terre de liberté pour ces populations des anciennes colonies.

Quoi qu'on en dise, malgré les assauts de l'islamisme contre l'État français depuis la fin des années 1980 et la vague communautariste qui s'y est affirmée, la République tient le coup avec une résilience particulièrement remarquable. L'attentat contre Charlie Hebdo a entraîné le ralliement autour de la laïcité. Même le Parti socialiste français s'est ressaisi, lui qui, comme le NPD, valsait du côté des intégristes islamiques depuis de nombreuses années. L'ossature laïque de l'État français devient, dans le contexte présent, un gage de sûreté pour la préservation de son caractère séculier, tant en ce qui concerne la prise de photo à tête nue pour l'obtention d'un passeport, l'absence de signes religieux dans les écoles ou un témoignage devant une cour de justice. On peine à concevoir ce que serait la France sans son socle commun de laïcité garanti par l'État dans le contexte de montée de l'islamisme moussée par la révolution iranienne de 1979 et la résurgence du djihadisme en Algérie depuis les années 1990.

En définitive, ce sont d'autres actions complémentaires qui peuvent ensuite bloquer le djihadisme : le travail sociopolitique pour déconstruire l'intégrisme et freiner le radicalisme tout comme les mesures législatives antiterroristes.

Le même raisonnement est valide pour le Québec. Une charte de la laïcité établirait ce cadre commun pour l'État et ses organismes publics. À cause de l'intégrisme montant, sa nécessité est encore plus évidente qu'elle l'était en 2013 dans le contexte du projet de loi 60. Selon un sondage Léger Marketing de janvier 2014, les Québécois appuyaient à plus de 60% la proposition d'interdire les signes religieux pour les employés des institutions de l'État et des organismes publics. Cette volonté majoritaire est toujours là au moment présent. Tout à fait intacte! C'est pourquoi les candidats en lice dans la course à la direction du Parti québécois, eux qui plient l'échine un à un sur cet enjeu, devraient sérieusement réfléchir avant d'abandonner la partie. S'il y a bien un caractère distinctif du peuple québécois, en comparaison avec le reste du Canada, c'est bien le rejet de l'intégrisme et le désir profond d'un parachèvement de la laïcité.