L’auteur est membre du RVHQ
Dans une note économique intitulée «Les oubliés des gaz de schiste», [1] M Youri Chassin, économiste et directeur de la recherche à L'Institut économique de Montréal (IÉDM) affirme que «...Le moratoire présentement en vigueur bloque les activités dans le secteur des gaz de schiste au Québec et empêche de nombreux propriétaires terriens et de municipalités de signer des ententes avantageuses...».
Ententes avantageuses ou appât économique désastreux pour les «poissons» qui mordent à l'hameçon?
Dans son texte, M Chassin cite le cas d'un agriculteur de la région de Bécancour qui a loué sa ferme pour une période de 39 ans. Cela se compare assez bien à un contrat de location dont nous avons obtenu une photocopie, et ce malgré le mur du silence qui entoure habituellement cette industrie.
Ce bail avec une gazière date déjà de quelques années. Évidemment, il peut y avoir de légères variations d'un contrat à l'autre, dépendant de la négociation entre l'équipe avocats chevronnés d'une multinationale et un simple agriculteur.
Or, 39 ans, c'est la longueur d'une carrière; cela implique nécessairement «la relève agricole» (souvent les enfants de l'agriculteur) ou un acheteur éventuel. Est-ce que le futur propriétaire sera enchanté de cette «servitude»? S'il considère ce bail avec une gazière comme un effet négatif, il risque de vous offrir un prix inférieur pour votre propriété. Est-ce que les «sommes importantes» dont parle M Chassin couvriront au moins le prix de vente réduit?
Rien n'est moins sûr! Durant le BAPE #273, il a souvent été question d'un prix de location de 1,00$ /mètre carré. Comme l'emplacement d'un site de forage requiert environ un hectare (parfois un peu plus) le loyer de cette ferme en question est de 12 000,00$/an. Est-ce une somme assez importante pour «...réinvestir dans la ferme, notamment dans la modernisation de leur équipement...»? Somme dérisoire si on la compare, par exemple, à une nouvelle moissonneuse-batteuse qui coûtera au moins 300 000,00$.
Et puis, il y a la clause 1,1 de ce bail; c'est un petit bijou juridique qui donne à la gazière le «gros bout du bâton». Entre autres, elle peut «...forer et produire des puits d'eau, éliminer l'eau salée, injecter des substances dans le cadre de procédures ... afin de d'installer, de construire, d'entretenir, d'exploiter, d'inspecter, d'enlever, de remplacer, de reconstruire, et de réparer des réservoirs de stockage, des conduites, des pipelines, des unités de traitements, de compression et de transformation, des immeubles, des usines ... et poser les autres gestes que le locataire peut juger nécessaire...».
Ce court extrait de cette clause est la base légale de ce que l'on a vu durant notre voyage en Pennsylvanie en octobre 2011.
Sur la ferme des Vargson, la gazière avait son emplacement derrière la grange; pour y accéder, les camions devaient passer entre ce bâtiment et la maison. La compagnie a utilisé ses prérogatives pour y installer une station de compression et un entrepôt de matériel pour les autres forages de la région.
Le gros moteur du compresseur qui gronde et les camions qui passent près de la maison jour et nuit, ça vous plaît? Il faudrait au moins négocier des bouchons pour les oreilles!!!
Faute d'espace, je ne peux épiloguer sur les autres pièges de cette entente. Mais avant de prendre ce que M Chassin dit pour du «cash», parlez-en avec votre comptable, votre fiscaliste, votre agronome et surtout, ne signez rien sans le faire lire par votre avocat.
Il vous faudra toutes ces expertises pour démêler le vrai du faux. Dans une entreprise agricole moderne, 12 000,00$, ce n'est pas le «Pérou»! Alors, est-ce que M. Chassin vous propose une affaire en or ou un mirage? Après tout, ce «directeur de la recherche» d'un institut économique ignore qu'il n'y a jamais eu de moratoire légal dans les basses terres du Saint-Laurent!