Le retour du Bloc est indéniablement une occasion de rapprocher l’objectif de l’indépendance d’ici les élections québécoises de 2018. Pourquoi porter son regard si loin alors que nous aurions un devoir plus près de nous et plus urgent de battre Harper ?
Parce que le projet de pays en est un stratégique pour perpétuer le combat celui-là centenaire du Québec et des Québécois-e-s. Dès lors que nous nous sommes fixé-e-s l’objectif de remettre en cause l’existence persistante d’un Canada impérial, nous nous sommes donnés comme réalisable le rêve de faire reculer, jusqu’à son évanouissement, un des pays impérialiste les plus réactionnaire de la planète en nous appuyant sur les luttes exemplaires de notre peuple. Même Henri Bourassa, fondateur du Devoir, était de cette école contre l’Empire britannique.
Ce pays, étranger pour la plupart des Québécois-e-s, nous soumet à des politiques réactionnaires depuis plus de 150 ans. Un de ses fondateurs, John A Macdonald, premier ministre d’un Canada toujours soumis à l’Empire britannique, appuyait déjà les esclavagistes aux États-Unis avant de réaffirmer sa ferme volonté de pendre Louis Riel contre le vent de sympathie émanant « des chiens aboyant du Québec».
C’est ce même Canada, docile aux vœux de l’Empire, qui a envoyé des soldats combattre la jeune République socialiste en 1918 aux côtés des Blancs.
Mais cette histoire aurait fait long feu, soi-disant, et le Canada d’aujourd’hui devrait susciter notre sympathie après tant de promesses trahies. Nous y aurions des allié-e-s comme ce jeune anarchiste qui, venant mobiliser à Québec pour une manifestation à Toronto, s’excusait de son incapacité de s’exprimer en français comme d’une attitude colonialiste.
Sans doute qu’il défendrait notre choix démocratique et «anticolonial» de faire l’indépendance, mais il n’avait nullement la prétention de nous dire comment le décider. C’est pour ça que les supposées sympathies imaginaires d’un Canada de gauche au sein du NPD devraient nous encourager plutôt à édifier nous-mêmes notre pays en ne «comptant que sur nos propres forces», sans attendre un quelconque soutien qui devrait se manifester aussi dans le souhait de nous voir décider en tout liberté … comme en Écosse ou en Catalogne. Mais sans l’ingérence du NPD. Celui-ci s’engage déjà pourtant à faire campagne contre l’indépendance et à tenter de combattre en faveur d’un vote en bas du 50 % plus un qu’il promet pourtant de reconnaitre! Quelle belle contradiction d’un parti s’affirmant toujours et à jamais fédéraliste. Ce sont les contradictions elles-mêmes de tous ceux qui nous dénoncent comme des «nationalistes étroits» parce que nous mettons l’épaule à la roue du combat national du Québec.
Bien que l’on s’en garde chez une certaine gauche radicale au Québec, le vote pour le NPD en est un qui confortera les politiques réactionnaires pour nous de l’État canadien. Est-ce que le NPD n’entend pas perpétuer le militarisme sous sa forme plus «soft» ? Est-ce que le NPD pourra infléchir durablement une politique de droite pour longtemps implantée dans les institutions fédéralistes du Canada comme la promotion en leur sein du bilinguisme, privant ainsi d’emploi les unilingues français du Québec ou du reste de Canada ?
S’engage-t-il seulement à restaurer l’importance des Casque bleus dans la diplomatie canadienne au lieu de répondre aux vœux de son armée de toujours plus se munir des dernières technologies militaires au détriment du choix en faveur des programmes sociaux ? Il y a dans ces achats un gaspillage et une collusion envers les marchands de canon que les Québécois-e-s ont longtemps reprouvés.
Nous nous targuons de vouloir remplacer ce type de dépenses par des investissements dans les écoles et les hôpitaux. «Plus créateurs d’emploi» dit-on couramment depuis les grandes manifestations planétaires pour le désarmement nucléaire.
L’armée du Canada est plus que jamais appelée à supporter toutes les ignominies des guerres de conquêtes pour des marchés élargis disponibles en faveur des transnationales du Canada et du monde sous le prétexte de «la lutte au terrorisme». Celle-ci s’avère être au pire, un fiasco monumentale pour les civils du Tiers-Monde, ou au mieux, une faillite gigantesque pour endiguer le terrorisme. Nous y faisons un tel nombre de «martyrs» que leurs rangs se gonflent à un rythme ahurissant.
Le NPD sortira-t-il le Canada de son embrigadement dans l’OTAN, bras armé du néolibéralisme à l’échelle de la planète ? S’attardera-t-il aussi à «discipliner» l’industrie extractive, dont le Canada est le paradis mondial ? Que ce soit pour le pétrole sale des sables bitumineux et son exportation. Que ce soit pour l’uranium ou encore pour l’appropriation des richesses naturelles dans les pays du Tiers-monde ou en territoires autochtones, au détriment du droit fondamental de ceux-ci à décider eux-mêmes de ce qui se fera sur leurs territoires, … comme pour le Québec lui-même d’ailleurs !
Ces politiques sont au menu d’un Canada contre lequel nous bataillons sur notre gauche depuis des années. Qu’on pense à la cause du désarmement nucléaire des années 80 avec l’opposition de la rue à l’achat de F-18. Pensons à l’autonomie presqu’acquise de nos Centrales syndicales. Sur tous ces problèmes, il y a un flou inquiétant du NPD à propos de ces questions essentielles pour la gauche québécoise et une grande partie des Québécois-e-s eux-elles-mêmes.
Le bilan des politiques canadiennes que la gauche québécoise a combattu sous toutes sortes de formes pourrait continuer de se décliner sur une course effrénée vers l’accaparement des ressources immenses du territoire québécois, autochtones et tout autant qu’à l’échelle de la planète. Nous pourrions aussi faire un bilan fort notable de la présence du Bloc à Ottawa comme de ce parti ayant toujours eu à cœur d’offrir à la Chambre des Communes des alternatives toutes québécoises aux réactionnaires propositions des Conservateurs.
Ce n’est pas pour rien que le NPD a retiré le mot «socialisme» de son programme. On ne pourra plus désormais dans ce parti penser aux nationalisations qui démocratiseraient les richesses collectives des Canadien-ne-s, par exemple. Il y a dans cette manière de «faire de la politique autrement» une volonté manifeste de ne pas heurter ces transnationales canadiennes et planétaires dont les lobbyistes sont aux aguets à Ottawa.
Que dire de l’attitude du NPD sur la question palestinienne ? Il faudrait bien que Monsieur Mulcair renonce à censurer ses candidats, sinon en les perdant, qui voudraient exprimer plus ouvertement leurs sympathies au peuple palestinien. Nous en apprendrions certainement plus sur ce peuple et la complicité odieuse d’un Canada pour le maintien de celui-ci dans la mire d’Israël depuis 60 ans.
Le Bloc Québécois a déjà fait son choix dans le passé. Je me souviens bien des positions très clairement affirmées de Madame Christiane Gagnon, élue du Bloc à Québec, sur cette question lors des manifestations que nous organisions dans la Capitale Nationale et où elle prenait la parole. Le Bloc encore là rejoint bien des Québécois-e-s dont l’opinion penche à gauche.
Je rappelle, pour un geste particulièrement apprécié, l’intervention à contre-courant du Bloc à Ottawa pour questionner les Conservateurs sur les possibilités de rapatrier le super brise-glace Diefenbaker aux Chantiers Davie à Lévis. Tout le monde de la construction navale a soudainement constaté que le chantier Seapan de Vancouver ne pouvait le réaliser dans les coûts et dans les temps requis. Les nouveaux investisseurs aux Chantiers ont aussitôt manifesté le désir de reprendre le contrat du chantier déficient. Qu’à cela ne tienne, les Conservateurs ont maintenu leur favoritisme outrancier en faveur du ROC. La position du Bloc était, elle, très clairement pour les travailleurs, mais sur laquelle le NPD s’est contenté d’une enquête dont on attend toujours les résultats.
Mais pourquoi travailler à élire le Bloc changerait quoique ce soit dans ce scénario de l’élection des Conservateurs si terrifiante pour le Québec ? Voilà bien un des enjeux des prochaines élections fédérales : l’affirmation du Québec comme une nation de salarié-e-s qui peut déjà entrevoir des progrès, et de société pour notre Québec, et pour ses salarié-e-s en termes de revenus et de conditions de vie au travail. L’implication pour rapprocher l’émergence de notre pays se continuera objectivement, si non subjectivement, dès cet automne dans le combat singulier des salarié-e-s du secteur public contre un parti ouvertement fédéraliste et néolibéral.
Le mantra de certains comme quoi le PQ ne ferait pas mieux est mensonger et il repousse encore, par son discours sectaire, une force fragile mais capable de se rallier à la cause des services publics et de celle des salarié-e-s qui les assument. Les accusations d’opportunisme électoral ne font pas le poids : quel parti de pouvoir s’avancerait dans ses engagements sans que ses promesses ne le rattrapent une fois élu et majoritaire ?
Dans quel embarras les Libéraux se sont-ils eux-mêmes effectivement placés de telle manière que plusieurs peuvent maintenant affirmer qu’ils «n’ont pas voté pour ça» devant toutes ces politiques d’austérité qu’ils tentent tant bien que mal de faire passer comme de la «rigueur administrative». Ce sont pourtant bien des coupures auxquelles sont confrontés les parents d’école et leurs professeurs. Elles résonnent comme les conséquences d’un choix pour l’ouverture d’une nouvelle clientèle aux entreprises privées au détriment d’un service public. Voyez toutes ces annonces pour supporter à coûts croissants «l’assistance aux élèves» ou des «soins médicaux express» si vous payez. Les Libéraux sont de cette famille politique qui les favorise en nous mentant effrontément sur leurs objectifs.
On dirait que toute la gauche de Québec solidaire découvre la sociale démocratie québécoise. Pourtant elle-même, pour un grand nombre de membres en tout cas, se réfère au discours du renouvellement de la sociale démocratie. Il en a presque toujours été ainsi des prises de positions controversées au sein d’un PQ hésitant, mais tout de même réformiste. Et son bilan objectif ne saurait exclure toutes les conquêtes sociales de ce parti : les garderies, les congés parentaux, la Loi 101, la parité salariale, … gagnées bien sûr sous de fortes pressions populaires mais encore mal reconnue par le patronat, les Libéraux et la CAQ comme des acquis de société incontournables.
Qu’on se rappelle la naissance dans les années 70 d’un mouvement populaire comme «SOS garderie», très politisé par les marxistes-léninistes et les parents y étant associés, qui a abouti à la création par le PQ de l’Office des services de garde, embryon du réseau des garderies québécoises connues maintenant sous le vocable de Centres de la Petite Enfance (CPE). L’économiste Pierre Fortin en a d’ailleurs prouvé la contribution à l’enrichissement collectif du Québec. Que les patrons, pour la plupart des fédéralistes derrière les Libéraux ou la CAQ, veillent en finir avec ces avancés en finançant le retour des femmes à la maison (comme les Conservateurs, d’ailleurs) explique bien leur antipathie envers ce PQ qui en cède bien trop à leur goût.
Le travail et le vote pour le Bloc est donc au cœur des enjeux fondamentaux qui se posent pour les indépendantistes et surtout pour ceux de la gauche. Non seulement pour tout le Québec en tant que nation aspirant à son indépendance, mais aussi pour cette gauche québécoise renaissante autour de Québec solidaire, du mouvement populaire et des syndicats. Ses affirmations nationalistes ont été très précieuses dans son évolution historique vers un nouveau type de vie militante. Et qui a fait et fait encore la marque de commerce d’un Québec populaire engagé politiquement qui se rallie lentement à Québec solidaire.
Ce peuple, «quelque chose comme un grand peuple» est toujours attaché, par son histoire, à faire progresser au mieux sa société, bien qu’elle ne soit pas encore socialiste ou «sous contrôle populaire», et à ce que le Québec s’affirme maintenant par la voix de ses nouveaux tribuns populaires à l’Assemblée nationale.
Relève d’un Michel Chartrand, orateur s’il est un de la cause nationale liée à celles des salarié-e-s, Amir a repris le flambeau de l’intérieur d’une Assemblée Nationale, un peu ébranlée à cause de lui, comme leader incontesté de «la cause du peule» et de tout le Québec. Son équipe n’est pas pour rien dans l’appui unanime de l’Assemblée Nationale à la cause du rapatriement du Diefenbaker aux Chantiers Davie pour y consolider des emplois que les Conservateurs ont refusé catégoriquement de répartir équitablement au Canada avec cette conséquence de ce coup malicieux à toute l’économie québécoise. Ils s’enferment dans cette position comme à l’époque des «chiens jappant de tout le Québec».
Il y aurait dès maintenant tout un livre à écrire sur les interventions de Québec solidaire à l’Assemblée Nationale et qui sont restées discrètes à cause du boycott des médias traditionnels. Qu’on pense seulement à Pharma Québec qui ferait indéniablement baisser le coût des médicaments dans le système de santé, comme ailleurs dans le monde, mais dont personne ne répercute honnêtement les conséquences parce que justement le lobby des pharmaceutiques veille !
Concluons sur cet autre dossier des Chantiers. Consultez la réponse de ces pleutres politiques, que sont les Conservateurs de Harper, liés, s’il en est, eux aussi, au Bloc Canadien. Voyez leur non catégorique au Bloc Québécois à la Chambre des Communes. Celui-ci avait compris l’importance de cette question qui prenait pourtant un temps important de ses faibles capacités d’intervenir. Vous trouverez tout notre dossier sur les Chantiers dans la colonne qui affiche le traitement que nous faisons de ces questions depuis un an ou deux.
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