La Commission Robillard recommande (recommandation no. 39) de maintenir le financement public des écoles privées parce que, affirme-t-elle, « les évaluations disponibles – avec leurs limites – permettent de conclure qu’une réduction du financement public au secteur privé n’entraînerait pas d’économies pour le gouvernement du Québec, en raison de la charge supplémentaire que représenterait le financement d’une nouvelle clientèle dans le réseau public ».
Cette affirmation est sans valeur. D’abord parce que la Commission reconnaît elle-même ne pas avoir eu « accès à des informations considérées comme fiables sur cette question ».
Deuxièmement, parce que la méthode employée pour en arriver à cette recommandation tient du bricolage et n’a aucune valeur scientifique.
Deux études
La Commission cite deux études, l’une réalisée par Louise Tremblay (2014) pour le compte de la Fédération des commissions scolaires du Québec et l’autre, produite par François Larose et Vincent Grenon de l’Université de Sherbrooke, mais en omettant de signaler que cette dernière a été réalisée pour le compte de la Fédération des établissements d’enseignement privés!
Dans le cas de l’étude de Louise Tremblay, le pourcentage de parents qui retireraient leurs enfants d’un établissement privé subventionné varierait de 8% pour une augmentation des frais annuels de 999 $ à 33% pour une hausse de 3 999 $.
Dans le cas de Larose et Grenon, la variation serait de 31% pour une hausse de 999 $ à 84% pour une hausse de 3 999 $.
Un écart considérable qui tient à la méthodologie utilisée. Louise Tremblay a appliqué une méthode américaine au contexte québécois. Larose et Grenon ont interviewé des parents fréquentant des écoles privées. Facile de comprendre que les parents avaient avantage à dramatiser la situation.
La Commission émet des réserves sur la méthodologie Louise Tremblay – le contexte québécois étant différent du contexte américain – mais aucune réserve sur la méthodologie totalement subjective de Larose et Grenon!
Une méthode bric-à-brac
Dans un jugement qui se veut à la Salomon, la Commission décide de faire une moyenne entre les deux études, tout en affirmant que « les résultats de ces études semblent représenter les deux bornes d’une fourchette des évaluations de ce qui pourrait se produire ». Très scientifique comme méthode!
La Commission établit donc que « le pourcentage de parents retirant leurs enfants d’un établissement privé subventionné varierait de 20% pour une augmentation des frais annuels de 999 $ à 59% pour une hausse de 3 999 $.
Elle en arrive donc à la conclusion qu’une diminution de la subvention de 999 $ versée aux établissements privés subventionnés se transformeraient au net en coûts additionnels pour l’État – en raison de la hausse des subventions à verser au secteur public à cause des transferts de clientèles vers les établissement public – à 10,6 millions $ dans le cas d’une hausse de 999 $ des frais de scolarité et de 114 millions $ dans le cas d’une hausse de 3 999 $, ce qui équivaut à l’élimination de la subvention aux écoles privées.
Une économie de 135 millions $, selon Louise Tremblay
L’étude Louise Tremblay évalue qu’une réduction de 50% des subventions de 50% entrainerait une migration de 20 000 élèves du privé vers le public.
Cela constituerait une dépense supplémentaire pour le Ministère, mais il ferait des économies plus importantes par la réduction de la subvention aux écoles privées.
« En prenant compte de ces deux éléments, conclut Louise Tremblay, et en comparant le total des subventions versées par le Ministère aux établissements privés de 494 millions $ en 2011-2012, l’économie pour le Ministère serait de 135 millions $, résultant du transfert des élèves du secteur privé vers le secteur public en raison de la baisse des subventions aux écoles privées. Cette économie qui représenterait environ un montant de 130 $ de plus par élève en ETP pourrait être transférée aux commissions scolaires. »
Ailleurs au Canada
La Commission nous invite à constater la coexistence de deux réseaux scolaires, privé et public, dans les toutes les provinces du Canada. Mais elle doit reconnaître qu’outre le Québec, seulement quatre autres provinces subventionnent l’enseignement privé primaire et secondaire à partir de fonds publics, soit le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique.
Cela signifie que 5 autres provinces ne le subventionnent pas, dont l’Ontario, une province dont le Québec aime habituellement à se comparer, comme la Commission l’a fait dans le cas de la SAQ.
La Commission ne mentionne pas non plus que le taux de réussite scolaire en Ontario est plus élevé qu’au Québec.
La Commission omet aussi de signaler qu’en 2012-2013, c’est au Québec que la fréquentation scolaire du réseau privé est la plus importante (12,7%), suivie par la Colombie-Britannique (11,6%), le Manitoba (7%) et l’Alberta (6,2%).
Louise Tremblay a également signalé que les effectifs scolaires du privé ont augmenté malgré la décroissance scolaire importante depuis le début des années 1980. Les élèves du privé représentent près de 12,6% des effectifs scolaires totaux en 2013-2014 alors qu’ils ne représentaient que 9,6% en 2011-2012.
Cela représente une croissance de près de 40% des crédits aux établissements privés alors que, pour la même période, les crédits pour les commissions scolaires augmentent de 32%.
Une étude de l’OCDE
La Commission Robillard cite en appui à sa position une étude de l’OCDE sur la coexistence des réseaux scolaires public et privé qui dégagerait comme conclusion que « la stratification – c’est-à-dire la création de ‘‘classes’’ d’élèves en fonction de leurs origines socioéconomiques – était moindre dans les pays où les écoles privées recevaient une proportion plus élevée de financement public ».
C’est une évidence que « la réduction du financement public aux écoles privées pourrait réduire l’accès des élèves issus d’un ménage à plus faible revenu au réseau des écoles privées ».
Mais quel est notre objectif? Démocratiser l’accès à l’école privée ou développer un système d’éducation public basé sur l’égalité des chances?
Louise Tremblay rappelle que les grandes enquêtes internationales démontrent que les pratiques de sélection ne servent qu’une minorité d’élèves déjà performants et nuisent à la réussite du plus grand nombre.
Avec justesse, Louise Tremblay affirme que le transfert des élèves du privé vers le public pourrait être bénéfique pour le réseau scolaire public car « les élèves du réseau scolaire privé ont, règle générale, moins de difficultés d’apprentissage, leur influence pourrait être positive dans les classes et permettre d’améliorer les taux de réussite et de diplomation du réseau scolaire public et l’efficience ».
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