Postfaces

2015/09/04 | Par Virginie Boulanger

Revisiter Jacques Parizeau
 
La mort récente de Jacques Parizeau a laissé un grand vide, au Québec. Paraphrasant un ancien chef syndical, j'aimerais dire « Jacques Parizeau n'est pas mort ».  Si, Hélas!

Pourtant, s'il est vrai que nos disparus restent vivants par le souvenir de ceux qui les ont appréciés et aimés, alors il y a amplement de quoi se réjouir. Parce que Jacques Parizeau est présent plus que jamais dans nos librairies et nos bibliothèques.

Québec-Amérique vient de rééditer la trilogie que  Pierre Duchesne, alors journaliste respecté  à Radio-Canada, a consacré à celui qui fut – sinon le plus –  l'un des plus grands politiques du Québec.

Réédité dans la série Nomades – un format de poche à la facture plus modeste que l'édition originale, donc plus abordable à l'achat – les trois livres  consacrés à la biographie non autorisée de Jacques Parizeau couvrent trois périodes cruciales de la vie de celui qui fut successivement le plus spectaculaire des ministres des Finances et le Premier ministre qui a presque réussi son pari de faire du Québec un pays.

Le premier tome, qui raconte la période de 1930 à 1970, s'intitule  « Le croisé ». Divisé en trois parties, il relate la vie exceptionnelle d'un enfant lui-même exceptionnel qui, au dire de l'auteur devient un « aventurier intellectuel à l'oeil de braise ».

C'est dans ce premier tome, au début du chapitre 15, page 459, qu'on peut lire avec satisfaction la désormais célèbre sentence de Jacques Parizeau qui, monté, fédéraliste, à Montréal à bord du train devant le mener à Banff,  en est descendu dans la capitale albertaine, indépendantiste.

Le deuxième tome, intitulé « Le Baron », (1970-1985) couvre les années dans l'opposition, la prise du pouvoir en 1976, suivies des années fabuleuses comme ministre des Finances. Huit budgets en rafales. Huit budgets dont la lecture devient un spectacle dont Jacques Parizeau est la vedette.

Ce deuxième tome comprend aussi les années très difficiles autour du référendum, les dissensions avec René Lévesque, puis la rupture avec le chef aimé.

Avec comme titre « Le Régent », Pierre Duchesne  révèle, dans le troisième tome, comment son héros « a favorisé  l'unité des forces indépendantistes ». Et jusqu'à « quel point, il était préparé à faire naître le pays, au lendemain d'un OUI majoritaire, le 30 octobre 1995 ».

La trilogie de la biographie non autorisée de Pierre Duchesne compte trois fois, plus de 500 pages, mais jamais on ne s'y ennuie. Bien au contraire.

Petit rappel  aux lectrices et lecteurs qui auraient envie de visiter du Parizeau. En 1997, suivant la suggestion du poète Gaston Miron, Jacques Parizeau a publié chez VLB  « Pour un Québec souverain », où il explique son idée de l'indépendance du Québec qui n'est « ni un rêve, ni un vœu pieux, mais, au contraire, une aspiration légitime, un projet réaliste, un objectif souhaitable et accessible ».

Ce livre réunit aussi les textes et les discours les plus significatifs de Jacques Parizeau.  

Jacques Parizeau,  Tome 1 - Le Croisé (1930-1970); Tome 2 - Le Baron (1985-1995; Tome 3 - Le Régent (1985-1995) de Pierre Duchesne, collection Nomades chez Québec-Amérique.

 

Discours de réception , Dany Laferrière.

85 belles pages qui disent le bonheur et la reconnaissance de Dany Laferrière, consacré Immortel par la grâce des membres du club archisélect de l'Académie française.

Le nouvel académicien rappelle que, s'il est né en Haïti, c'est au Québec qu'il est devenu écrivain. Un écrivain prolifique qui a touché à tous les genres littéraires et publié pas loin d'une trentaine de titres.

Cherchez l'erreur. Quand j'ai appris la  nouvelle de sa nomination, je me suis précipitée dans les bonnes librairies, selon l'expression consacrée – sauf Renaud-Bray, dont je m'interdisais la fréquentation tant que durerait la fronde de son administration contre Dimédia – croyant y trouver en bonne place un étalage des livres publiés chez divers éditeurs du temps que Dany Laferrière était encore mortel. Simple question d'opportunité et de mise en marché. Me semble!

Peut-être ne suis-je pas allé aux bons endroits? Je n'ai trouvé aucune librairie qui ait regroupé et mis en valeur l'œuvre livresque de celui qui venait d'accéder à l'immortalité en raison de sa production littéraire. Je me suis alors tournée vers les bibliothèques.  Même constat.

Si on veut du Laferrière, on le trouve dans les rayons sous la lettre L.  Comme j'avais déjà quelques Laferrière chez-moi, j'ai voulu revisiter certains titres dont je gardais un bon souvenir: L'odeur du café, Pays sans chapeau, Je suis un écrivain japonais... Je me suis finalement  arrêtée sur « Le cri des oiseaux fous », que j'ai relu avec beaucoup d'émotion.

Il s'agit en fait du parcours dramatique que l'auteur a dû faire après l'assassinat, à Port-au-Prince, de son ami le journaliste Gasper Raymond. Il était le suivant sur la liste des Tontons macoutes.

Comme il est écrit dans le texte de présentation, ce roman pourrait s'appeler « Une journée dans la vie de Vieux Os », son surnom, en Haïti qu'il doit quitter précipitamment pour sauver sa peau.

Dans ce roman de quelque 300 pages, on fait le parcours, de quart d'heure en demie heure, des derniers moments avant le départ définitif de l'auteur, qui s'est mis dans la tête de rencontrer – faisant fi du danger –  les personnes importantes de sa vie pour leur faire ses adieux, sans jamais pouvoir leur dire qu'il part, qu'il quitte pour toujours. 

C'était en 1976. Dany Laferrière était un jeune journaliste, dans la mire mortelle du régime Duvalier qui, s'étant réfugié au Québec, y a construit une importante œuvre romanesque. Tout un parcours qui l'a mené jusqu'à l'Académie française! Ça mérite bien qu'on y jette ou rejette un œil!
 

1000 coups de fouet, parce que j'ai osé parler librement.  Raïf Badawi.

Une plaquette d'une soixantaine de pages où le lecteur trouve la traduction des textes publiés, entre 2010 et 2012, sur les sites Al-Bilad, Al-Hiwar al-Mutamaddin et Al-Zazira, qui ont valu à leur auteur le terrible châtiment que tous connaissent maintenant. 

Ça se lit sans commentaire. Par devoir de solidarité. D'autant plus qu'une partie des  bénéfices du livre seront versées à l'auteur pour assurer sa défense.

1000 coups de fouet -parce que j'ai osé parler librement. $9.95, Gallimard, dans la collection édito.


Éloge du blasphème, Caroline Fourest.

Quoi de plus satisfaisant qu'un éloge au blasphème au moment où le gouvernement Couillard, par la voix de sa ministre de la Justice Stéphanie Vallée, travaille sur un projet de loi visant à interdire les propos haineux.

Les restrictions visées peuvent comprendre certains blasphèmes ou le droit au blasphème. C'est ce que craignent  des voix autorisées, qui surgissent de toutes parts pour fustiger certaines dispositions de ce projet  de loi.

C'est le temps de réagir. Et comment mieux riposter à ce  projet de loi 59 contesté du gouvernement Couillard que de plonger dans cet éloge du blasphème?

L'auteure, Caroline Fourest est une femme engagée, en France, qui milite contre toutes les formes de censure. De la tragique affaire Charlie hebdo à la censure qui s'en est suivi, elle pourfend ceux dont la peur d'offenser conduit à la mondialisation de la censure.

« Critiquer les  religions n'est pas raciste. Le blasphème n'est pas la haine. » 
 
 Éloge du blasphème, Caroline Fauret, Grasset.
 


Second début,  cendres et renaissance du féminisme. Francine Pelletier.

Celle qui fut l'une des fondatrices et la rédactrice éditoriale  du magazine féministe La vie en Rose (1980-1987) n'en démord pas... Il faut continuer le combat. Rien n'est encore véritablement acquis pour celles qui forment plus que la moitié du monde.

Le constat de Francine Pelletier c'est que, bien sûr,  les femmes continuent à « prendre le pouvoir, mais sans prendre leur place ».

Dans une plaquette de 80 pages, dont la couverture d'un rose soutenue – dit rose Kennedy – l'auteure refait le parcours des 25 dernières années et étayent ses réflexions à partir de la fin tragique de 13 étudiantes de Polytechnique, tuées à bout portant parce qu'elles étaient des filles.

Encore aujourd'hui, rappelle-t-elle, les autorités policières ont du mal à reconnaître qu'il s'agissait là d'un acte haineux contre  la femme.

C'est intéressant de revoir ce que l'auteure décrit comme « les années de rêve », suivies des « années de plomb » et de ce qui pourrait être les années de fronde avec la pratique des décolletés à la Sylvie Moreau... et l'émancipation à la Nelly Arcand.

Enfin, un paragraphe est consacré aux jours de colère. Suivi d'un dernier, comme une invitation à l'action.

Second début, cendres et renaissance du féminisme,  Francine Pelletier, document 07 , sous  la direction de Nicolas Girard.

 

Fin de mission, de Phil Klay.

Un livre d'action qui n'est pas du tout dans  la fiction. C'est le récit des années de service militaire d'un marine américain, Phil Klay, faisant la guerre en Irak, il y a moins de 10 ans. Et qui raconte les ravages que la guerre fait à l'âme humaine. Un récit palpitant qui force la réflexion.

Très bien traduit par François Hoppe, ce livre tient le lecteur en haleine dès la première page. Fin de mission a d'ailleurs valu à son auteur le prestigieux prix du National Book Award et la lecture en est chaudement recommandée par le président Obama. 

Fin de mission, Phil Klay, Gallmeister.