Entrevue avec Luc Picard
Attrapé au vol entre deux journées de tournage du film sur les Patriotes de Falardeau, le comédien Luc Picard nous parle de ses attentes sur la série Chartrand et Simonne, du personnage Chartrand, de la jeunesse et de ses projets.
Je souhaite, nous dit Luc Picard, que la série ait un impact, particulièrement chez les jeunes. J'espère que les jeunes tomberont en amour avec le couple Michel et Simonne . Bien entendu, Luc voudrait qu'ils retiennent la leçon d'histoire et de politique, mais encore plus la leçon de vie de ce couple engagé. Qu'on réalise, dit-il, qu'avec peu de moyens, en travaillant avec les autres, on peut faire bouger des choses.
Luc Picard porte un regard très critique sur les décennies 1980 et 1990. On a abdiqué individuellement. On a perdu le sens de la communauté. Ce fut le “Me, Myself and I”. On a perdu la notion de savoir combien il était utile, mais également stimulant de s'impliquer. J'espère que la série redonnera le goût de s'impliquer, de faire sa part, de prendre partie.
À partir du moment, poursuit-il, où tu prends tes responsabilités dans la société, vient avec cela un certain pouvoir. Nous ne sommes pas toujours obligés de nous prendre pour des victimes, on peut aussi s'impliquer . C'est, selon lui, un des messages forts de la série.
Chartrand a un talent pour la vie
Qu'est-ce que Luc Picard a découvert sur Michel Chartrand en préparant et réalisant la série ? Peut-être pas énormément de choses au plan politique, parce que Luc est féru d'histoire et de politique. J'ignorais cependant, reconnaît-il, l'association entre Chartrand et Drapeau au cours des années 1950 .
Au plan humain, enchaîne-t-il, j'ai pleinement réalisé son amour de la poésie, de la musique, son sens artistique. Plus encore son amour de la vie. Il résume bien le personnage en disant 0 Je dirais que Michel a un talent pour la vie.
Il ajoute qu'il a été impressionné par l'être politique. C'est un être politique à temps plein. Il voit toute la vie sous un œil politique, toujours dans le contexte du bien commun .
Comment expliquer que Michel Chartrand, à 83 ans, soit une référence incontournable ? Picard répond 0 C'est sûr que c'est un personnage coloré, populaire, un orateur habile. Mais c'est surtout parce que ses convictions ne se sont jamais démenties. Il n'a jamais ramolli. Il n'est pas devenu blasé, ne s'est pas désintéressé de la société. Il est toujours un lutteur aussi acharné. Les gens finissent par respecter un tel engagement. Ça les impressionne .
Enfin, une série télévisée politique
Luc attend beaucoup de la série. Avec un peu de chance, un million 500 mille personnes vont regarder cela, c'est beaucoup, ça peut avoir un impact . Jusqu'ici les critiques des journalistes qui ont visionné la série sont bonnes mais, prudent, Luc attend le jugement du public.
Il souligne avec raison qu'on fait rarement de séries politiques à la télévision. On fait des films politiques, mais il y a peu de monde qui vont les voir. Une série télévisée, c'est différent .
Peut-on s'attendre à une suite à Chartrand et Simonne qui traiterait des années 1960 et 1970. À Radio-Canada, on aurait laissé entendre qu'on aimerait un autre point de vue sur ces années . Luc avoue ne pas connaître les raisons profondes du peu d'intérêt manifesté par la société d'État canadienne. Politiques ? Économiques ?
Est-ce parce qu'ils ne veulent pas se rendre jusqu'aux événements d'Octobre 70 ? Octobre, j'ai remarqué, c'est toujours délicat. lance-t-il. Ou peut-être ne veulent-ils plus de séries coûteuses, maintenant qu'ils se sont rendus compte qu'ils pouvaient aller chercher des cotes d'écoute avec des séries peu chères, tournées vite ?
En attendant, Luc se consacre au cinéma. Il tourne présentement dans le film sur les Patriotes de Falardeau, avec lequel il a déjà tourné Octobre. Par la suite, un autre projet de film l'attend. Un bon scénario, dit-il. Ça se passe dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve au cours des années 1940-1950. Ça s'appelle La femme qui boit. Un film de Bernard Emond.
Au cinéma, au théâtre, Luc aime choisir des projets à contenu social mais, dit-il 0 Ça reste peu de choses. Je devrais me botter le cul et m'impliquer encore plus dans la société .
À n'en pas douter, la série Chartrand et Simonne aura un impact social.
La moue de Chartrand
Bien que son souvenir le plus lointain de Michel Chartrand en soit l'imitation qu'en faisaient les Cyniques, la prestation que Luc Picard donne de Chartrand est aux antipodes de l'imitation, de l'avis de tous ceux qui ont visionné la série. Comment avoir pu rendre crédible un personnage connu en évitant le piège de la caricature ?
Luc Picard en donne d'abord le crédit aux conditions de tournage. Le scénario était bon. J'étais bien entouré avec Alain Chartrand et Hélène Cailher et nous avions le temps de bien faire les choses. De plus, ajoute-t-il, comme j'ai tendance à croire aux mêmes choses que Michel, ça aide !
Malgré tout, il reconnaît qu'il n'est pas facile pour un acteur de personnifier quelqu'un de connu. Bien sûr, il a consulté des documents d'archives, lu sur son personnage, mais, confie-t-il, le souper que j'ai pris en sa compagnie a été plus important que toutes les cassettes visionnées .
C'est là que j'ai saisi le genre d'énergie qui l'animait, son bouillonnement intérieur . Pour lui, là était l'essentiel. Il faut d'abord le ressentir de l'intérieur. Une fois que tu peux pénétrer dans cet état, cet espace, le reste est plus facile. Pour les discours, l'intonation, c'est comme parler avec un accent étranger, l'accent marseillais, par exemple. Il ne faut pas que tu t'arrêtes à chaque mot. Il faut que tu te laisses aller sans penser à l'exécution .
Cependant, pour que le personnage soit crédible, il fallait bien s'approprier certaines de ses mimiques caractéristiques. Luc me parle d'une d'entre elles que tous ceux qui fréquentent Michel Chartrand reconnaîtront facilement 0 J'ai remarqué que Michel faisait souvent la moue avec sa bouche, tout en regardant vers le sol. Il t'écoute, souvent ne te laisse pas finir, et là il explose. J'ai pogné ça lors du souper que nous avons pris ensemble. |186|
729|Moumoute masquée ne s'assoit plus, il se répand...|Pierre Gélinas| La restructuration municipale
Prologue
Un soir à la taverne, un jardinier, devenu maire il y a 5 ans, se commande un troisième pichet en compagnie de son frère.
— Ouais, Pierre... Tu donnes peut-être ton salaire à une fondation, mais ton compte de dépenses...
— Coudon, André, connais-tu le principe de la patate?
— La patate? Moi? Non! Ça fait 5 ans que j'en suis rendu au caviar.
— Y a rien de trop joli pour la grosse bourgeoisie! Écoute-moi bien... La patate, c'est l'incarnation de la déesse de la fertilité, rien de moins. Au-dessus de la terre, la patate est une petite tige avec des feuilles. Mais en dessous... la patate a des racines qui forment un petit tubercule - une patate - qui fait des racines lesquelles font un autre tubercule, et ainsi de suite. Puis, woups, 10 pieds plus loin, sort une autre tige avec des feuilles! De tubercule en tubercule jusqu'à la victoire finale!
— Ouais, pis?
— Si on faisait la même chose avec Montréal...
— Quossé, Moumoute Masquée? Tu trouves pas qu'on en a assez avec nos fraudes électorales, le patronage, les magouilles...
— Maudit qu't'as pas d'envergure! Penses-y0 si on agrandissait notre empire à toute l'île de Montréal, une île, une ville, on jouerait dans la ligue majeure planétaire! A quoi ça sert, tu penses, la mondialisation?
— Oh boy! Tu m'ouvres des horizons grandioses... J'pourrais m'ouvrir un compte dans une banque suisse...
— Mes fonctionnaires ont rédigé un document de propagande pour une île, une ville.
— Minute, Moumoute Masquée, minute! Si on met 29 villes ensemble pour en faire une seule, on va être obligé d'augmenter prodigieusement le nombre de conseillers municipaux0 l'opposition risque de se renforcer...
— Épais! Tu sais ce qu'on en fait de l'opposition0 on la bâillonne, à moins qu'elle ne se bâillonne elle-même! A part ça, ma proposition règle ton problème0 60 conseillers municipaux pour toute l'île! 1 pour 30 000 personnes! Déjà que la population n'a pas de contrôle sur nous-autres à 1 ppurr 20 000 à Montréal, imagine-toi 1 pour 30 000.
— Pis comment tu justifies ça?
— Le plus simplement du monde0 on va faire des économies de 27 à 30 millions. Tu sais à quel point le monde trippe sur la réduction du déficit... On va pouvoir se bâtir un petit conseil d'administration comme une compagnie privée...
— Pendant que je pense à ça, commande donc un autre pichet et... sur ton compte de dépenses!
Partie où l'auteur fait plaisir à son rédacteur en chef en lui montrant qu'il est sérieux et qu'il a fait des recherches.
• Comparativement aux 27 autres villes de l'île (excluant la ville de l'Île de Dorval), Montréal est bonne dernière dans pratiquement tous les domaines concernant la vie démocratique;
• dernière pour le nombre de citoyens représentés par chaque conseiller municipal. Un conseiller de Montréal représente en moyenne 19 929 citoyens, alors que la moyenne des 27 autres villes est de un conseiller pour 3 713 habitants. Montréal-Nord arrive avant-dernière avec un conseiller pour 8 158 habitants, soit 59 % de moins que Montréal.
• Un conseiller municipal de Montréal représente plus de citoyens que 14 maires (sur 27) de l'île! Sur ces 14 maires, 4 ont une rémunération supérieure à celle d'un conseiller montréalais (sans ajouter le salaire des conseillers municipaux);
• dernière en ce qui concerne le coût par citoyen, par année, de la vie démocratique (salaires des conseillers et du maire)0 2,46 $ par citoyen montréalais alors que la moyenne des autres villes est de 5,48 $. Les citoyens de Anjou, ville qui arrive avant-dernière sous ce chapitre, paient 3,75 $, soit 52 % de plus que les Montréalais;
• dernière quant au pourcentage du coût de la démocratie sur le budget total de la ville0 Montréal y consacre 0,12 % de son budget (incluant les budgets alloués aux partis politiques) alors que la moyenne des autres villes de l'île se situe à 0,34 %. La Ville de Pointe-Claire, avant-dernière, y consacre 0,20 %, soit 66 % de plus que Montréal.
Partie où l'auteur fait plaisir à son rédacteur en chef en lui montrant qu'il sait réfléchir.
• Allons-y de deux truismes0 plus le nombre de citoyens représentés par un élu est grand, moins les citoyens ont d'emprise sur ses actions, ses politiques, son travail d'élu... et d'autre part, plus son élection coûte cher et plus il a de dettes (réelles et politiques) envers ses bailleurs de fonds0 boss, compagnies, cartels, banques...
• Un député canadien représente, en moyenne, 99 069 habitants. Un député québécois, quant à lui, représente, en moyenne, 58 704 habitants. Nous, les citoyens, qui ne sommes ni Lavallin, ni Alcan, ni Conrad Black, ni la Banque de Montréal, ni Molson ni les Expos... avons-nous une emprise quelconque sur ces députés, une fois qu'ils sont élus?
• Lors d'une éventuelle restructuration municipale - comme celle qu'on discute actuellement dans les officines et les antichambres du pouvoir, entre notables et possédants - deux principes devraient être avancés0 a) ce sont les citoyens concernés qui doivent discuter et décider de leurs formes de gouvernement et b) le pouvoir doit se rapprocher des citoyens et non s'en éloigner. Et c'est à nous de les imposer, les élites occultant sciemment ces principes pourtant fondamentaux, en démocratie. Parce que si la démocratie, dans le bilan de santé d'une société, ne s'inscrit que dans la colonne dépenses, aussi bien l'abolir!
Partie où l'auteur fait plaisir à son rédacteur en chef en faisant preuve d'initiative.
• Rapprocher le pouvoir des citoyens, cela veut dire, entre autres, un ratio citoyens / conseiller municipal le plus bas possible. Bourque propose de passer de 19 929 citoyens par conseiller municipal à 30 000. Il n'y a pas de meilleure façon d'ajouter au déficit démocratique actuel et d'exproprier les citoyens de leurs droits.
• Montréal-Nord a 1 conseiller pour 8 158 citoyens (le plus haut ratio de l'île, à part Montréal); la Ville de Québec de 1 pour 8 365; la Ville de Longueuil de 1 pour 7 528.
Une hypothèse de travail
• Regardons ce qu'un ratio de un pour 8 500 donnerait pour Montréal. Ajoutons que le salaire d'un conseiller serait, dans cette hypothèse, de 30 000 $ par année, que celui du maire serait de 100 000 $ et que les partis politiques seraient dotés d'un budget global annuel de 1 000 000 $.
• Si rien ne changeait sur l'île de Montréal (29 villes), selon cette hypothèse, la ville de Montréal, avec 120 conseillers municipaux, arriverait toujours au dernier rang (sur 28) quant à son ratio conseiller / habitants, au 21e rang quant aux coûts de la démocratie par habitant (4.62 $) et au 25e rang quant au pourcentage des coûts de la démocratie sur son budget total (0,22 %).
• Si Une île, une ville du maire Bourque s'appliquait, on en arriverait à ceci0 un maire et 208 conseillers. Par rapport aux 28 villes actuelles de l'île, cette éventuelle méga-cité arriverait évidemment au dernier rang quant à son ratio conseiller / habitants, au 25e rang quant aux coûts de la démocratie par habitant (4.13 $) et au 25e rang quant au pourcentage des coûts de la démocratie sur son budget total (0,22 %). Pas de quoi se péter les bretelles...
• Si l'on ajoute la proposition de FOCUS-Montréal d'instaurer un scrutin à la proportionnelle pour la Ville de Montréal ainsi que la proposition du RCM des années '70 d'établir des conseils de quartier décisionnels, nous pourrions commencer à parler de démocratie, d'une ville par et pour ses citoyens.
• On ne ré-organise pas des organes de représentation des citoyens comme on rationalise des compagnies privées. A moins que l'on considère Montréal comme une business0 les petits payent et les gros empochent...
Épilogue
— Coudon, André, connais-tu le principe du peuplier?
— Bon... C'est quoi encore c't'affaire-là?
— Quand un peuplier pousse quelque part, tu peux être certain qu'il n'y aura pas d'autres arbres autour parce que le peuplier absorbe, à lui seul, toute l'eau disponible. Si on appliquait ce principe à Montréal, je deviendrais roi de droit divin!
— Call un autre pichet, Moumoute Masquée, que je pense à ça...|186|
730|Ce qui est clair, c'est qu'il faut organiser la résistance|Paul Rose| Loi sur la clarté 0
Il faut faire beaucoup plus que dénoncer le projet de loi Chrétien-Dion. Il s'agit à ce jour de la plus grande action connue d'oppression nationale issue du plan B du gouvernement Libéral fédéral et, en cette fin de siècle, une basse tentative de détournement d'attention devant ses responsabilités quant à la grave dégradation des conditions de vie des couches populaires, notamment des sujets les plus vulnérables, le enfants, alors même qu'il accumule honteusement surplus sur surplus.
Il faut montrer aux Chrétien, Dion et Cie que, contrairement à ce qu'ils croient, les choses n'en resteront pas là! Nous nous devons d'enrayer par tous les moyens démocratiques possibles la machine de guerre politique, économique, sociale et culturelle du fédéral au Québec. N'attendons surtout pas après le PQ. On doit s'organiser sur nos propres bases, à nos échelles respectives, à notre rythme, partout, un petit peu plus chaque jour, chaque semaine, chaque mois pendant tout le temps qu'il faut et qu'il faudra.
Ne rien attendre non plus des grands médias du Québec qui, à quelques rares exceptions près, sont demeurés plutôt tièdes sinon carrément confinés à l'autocensure de leurs propriétaires et ce particulièrement depuis le dépôt de l'avant-projet de loi en Chambre.
Si un tel projet de loi avait seulement été vaguement évoqué par les autorités terre-neuviennes et les opposants à l'entrée de l'île dans la Confédération lors des deux référendums tenus à la fin des années quarante, on n'ose même pas imaginer ici le tollé qu'il aurait soulevé chez les intellectuels et les Canadiens en général.
Ce silence complice de la majorité des grands médias dès la fin de la session de l'Assemblée nationale, le Premier ministre du Québec doit malheureusement en porter une part de responsabilité. Plutôt que de faire confiance à la population et de miser sur la mobilisation du peuple du Québec, il a préféré s'en tenir à des tactiques de palais et à la stratégie crétiniste de l'hypocrite main tendue aux Jean Charest et Cie, de l'appel aux gens d'affaire et, parmi ceux-ci, à ceux qui ont le plus vendu leur âme au pouvoir de la $. Alors que de l'autre main, d'un mouvement contraire, il tuait dans l'œuf toute stratégie populaire de résistance en s'empressant de dissocier la situation de crise de toute velléité référendaire.
Certes, Lucien Bouchard n'était pas trop chaud à l'idée de soulever la ferveur populaire au moment même où son administration affiche un des pires bilans sociaux de toute l'histoire des gouvernements provinciaux du Québec, mais nous étions en droit de nous attendre de notre premier ministre à un comportement d'homme d'État au dessus de ses intérêts de parti.
Un gouvernement condamné aux mêmes peurs qu'hier!
Fatalement, le PQ n'aura-t-il été que sporadiquement, et de façon très opportuniste, du bord des oppriméEs, au moment où ça faisait son affaire, c'est-à-dire en période électorale ?
Quant à ses deux référendums, ils demeureront des chefs d'œuvre d'opportunisme. Au total, en 20 ans, une campagne émancipatrice minimaliste d'à peine une soixantaine de jours ! Tout le reste du temps nous n'aurons entendu parler de souveraineté que par les députés et ministres ténors du contre ; quant aux quelques tenants autorisés du pour, la parole aura été délaissée aux plus tièdes, aux plus hésitants, aux plus étapistes, et, encore, dans des débats frileux qui ont rarement dépassé le stade primaire de la défensive. Deux campagnes référendaires menées donc par défaut, à la sauvette, faites uniquement de slogans cannés, de faux-fuyants, sans possibilité de réels débats de fond. Fatalement, sans mobilisation populaire large.
De l'idéal inavouable de l'indépendance, à celui à demi inavoué de la souveraineté, en passant par les entourloupettes de la souveraineté-association avec ou sans trait d'union, avec ou sans partenariat, finalement le PQ aura été un parti qui, jusqu'au bout, se sera volontairement maintenu à mille lieues de toute forme de libération nationale et d'émancipation sociale. Plus dramatique encore 0 plutôt que de lier politiquement ces deux aspects indissociables de la réalité populaire québécoise, il aura tout fait pour les séparer et les opposer. Ironiquement, le principal élément séparatiste (à la sauce apocalyptique Chrétien-Dion) des gouvernements péquistes aura été de couper le peuple du projet souverainiste, réduisant alors un mouvement profond d'émancipation et de lutte contre l'oppression en une simple démarche constitutionnelle socialement et politiquement désincarnée.
L'inacceptable, plus jamais !
La formation indépendantiste de gauche que je dirige, le Parti de la démocratie socialiste, appelle ses 25 000 électrices et électeurs de tous les coins du Québec, ainsi que toutes les forces vives démocratiques, au-delà de toute partisannerie, à la résistance jusqu'au retrait non seulement de l'inique projet de loi Chrétien-Dion mais aussi de toutes les autres mesures qui s'inscrivent dans le plan B, y compris le retour au Québec des 10 milliards $ et plus qu'Ottawa ces dernières années a usurpés dans les fonds de paiement de transfert constitués à même les impôts fédéraux qu'il perçoit dans sa province.
Il faudra envisager des actions civiles concrètes, récurrentes, comme par exemple des rassemblements périodiques (bihebdomadaires ou hebdomadaires) devant les officines fédérales 0 manifestations, vigiles, sit-in, occupations, etc. dans toutes les régions, dans toutes les localités. En commençant petit à petit… et de façon répétée.
La situation ne commande plus de simplement protester mais bien de maintenir la pression démocratique, petite ou grande peu importe, jusqu'à l'atteinte des objectifs poursuivis.
À cet effet, le Parti de la démocratie socialiste, de par son rôle de quatrième parti en importance au Québec et chef de file des formations anti néolibérales, a lancé une invitation aux formations politiques et autres organisations de la gauche à une rencontre large, dès janvier, en vue de développer des positions et un plan d'action en commun.
L'inacceptable … Plus jamais
* Paul Rose est leChef du Parti de la démocratie socialiste|186|
731|Ottawa préparait une intervention militaire|L'aut'journal| Référendum 1995
Le gouvernement ontarien croyait en la possibilité d'une intervention de l'armée canadienne au Québec dans l'éventualité d'une déclaration unilatérale d'indépendance si le Oui l'avait emporté lors du référendum de 1995. Cette hypothèse est évoquée dans les documents secrets obtenus par le Globe and Mail en vertu de la loi d'accès à l'information.
Une telle éventualité n'aurait pas été évoquée dans des documents du Cabinet ontarien, s'il n'y avait pas eu de tels préparatifs à Ottawa. S'il y a un gouvernement au Canada bien informé de ce qui se trame à Ottawa, c'est bien celui de l'Ontario.|186|
732|Nous sommes libres... en autant que le permettent les lois anglaises !|Pierre Dubuc|Dans la Proclamation Royale de 1763 par laquelle la Nouvelle-France était cédée à l'Angleterre, il est écrit que les droits des francophones sont reconnus en autant que le permettent les lois anglaises .
Depuis, l'élasticité de notre dépendance dépend des vicissitudes de l'histoire et de la géopolitique. Après la Conquête, le rapport démographique défavorable à la puissance coloniale - 3 500 soldats pour maintenir assujettie une population de 65 000 francophones - et surtout l'imminence de la Révolution américaine obligent l'Angleterre aux concessions (libertés religieuses, droit civil) inscrites dans l'Acte de Québec (1774) qui, d'autre part, rétablissait le Québec dans ses anciennes frontières en y réintégrant le Golfe Saint-Laurent et la région des Grands Lacs.
Au détour, toujours l'armée
Cela n'a cependant pas empêché le conquérant de réprimer toute velléité d'indépendance, au besoin par la force armée 0 d'abord en 1837-1838 lors du soulèvement des Patriotes, puis au lendemain de la Confédération lorsque se profile au Manitoba, avec les Métis de Louis Riel, la perspective de la création d'une deuxième province francophone.
En 1918, la troupe est dépêchée au Québec pour mater le mouvement contre la conscription, qui trouve ses racines dans la lutte contre le Règlement 17 en Ontario qui imposait aux francophones l'anglais comme langue d'enseignement. Enfin, en 1970, le Parlement canadien adopte la Loi des mesures de guerre pour écraser le mouvement populaire d'une révolution de moins en moins tranquille .
Toujours des règles démocratiques claires
Entre deux interventions armées, le conquérant modifie les règles démocratiques au gré des besoins. En 1791, on accorde un parlement séparé aux loyalistes pour empêcher leur soumission à la majorité francophone mais, en 1840, le reversement démographique fait découvrir aux anglos le Rep by Pop . Ils nous imposent l'Acte d'Union, avec en primes les dettes du Haut-Canada.
Avec la Confédération de 1867, notre statut minoritaire est définitivement scellé, sans que la population soit consultée. En fait, les minces droits qui nous sont reconnus ne l'ont été, une nouvelle fois, uniquement à cause de la menace annexionniste américaine. Furieux de l'appui de la Grande-Bretagne aux forces sudistes lors de la Guerre de Sécession (1861-1865), les Yankees envisagent, comme le déclare le New York Herald en février 1863 l'annexion du Canada paisiblement si possible, de force si nécessaire .
Ils peuvent compter sur l'appui des marchands anglophones de Montréal qui, après avoir incendié le Parlement en 1842 pour protester contre un projet de loi indemnisant les Patriotes, réclament maintenant l'annexion aux États-Unis. Le gouverneur général Lord Elgin plaide alors en faveur de la mise au rancart temporaire des recommandations assimilatrices de Lord Durham en disant 0 Le sentiment de nationalité canadien-français... peut encore, si l'on sait l'utiliser, fournir la meilleure sauvegarde qui reste contre l'annexion aux États-Unis .
L'heure de vérité a sonné
Après avoir tenté sans succès de nous enfoncer dans la gorge le rapatriement de la Constitution en 1982, le gouvernement canadien nous offre pour le nouveau millénaire une camisole de force référendaire. Tant qu'ils pensaient que nous ne pouvions gagner, les fédéralistes nous ont laissé voter. Mais, sachant n'avoir gagné en 1995 que par la tricherie, en manipulant les lois d'immigration comme cela vient d'être prouvé, ils ne veulent pas un troisième référendum.
L'heure de vérité a sonné. Maintenant que la classe d'affaires canadienne a complété son intégration à la bourgeoisie américaine à la faveur du libre échange, il n'y a pas plus, comme en 1774 ou en 1867, de motifs justifiant de nouvelles concessions au Québec.
Plus besoin de faire croire que le Canada est issu d'un soi-disant pacte entre deux nations, entre deux peuples fondateurs . Notre réalité historique éclate au grand jour 0 nous sommes un peuple conquis.
Notre destin sera désormais tributaire d'une question et d'une majorité claires - comme le stipule la loi C-20 - définies par la Chambre des communes en tenant compte de l'avis des partis d'opposition à Québec (c'est-à-dire essentiellement de la minorité anglophone), de l'avis des autres provinces et autres territoires, du Sénat et de tout autre avis qu'elle estime pertinent !
Ça ne peut être plus clair ! Nous sommes libres... en autant que le permettent les lois anglaises !|186|
733|La bataille des 35 heures|Pierre Klépock| Avec la loi des 35 heures, la France est le pays où la classe ouvrière donne l'exemple à tous les travailleurs du monde. Définitivement adoptée par le gouvernement de la gauche plurielle (regroupant communistes et socialistes), cette loi est l'aboutissement d'une longue lutte engagée depuis plusieurs années. Pour commencer l'an 2000, l'aut' journal s'est rendu à la Fédération des travailleurs de la Métallurgie, affilié à la Confédération générale du travail (FTM-CGT), première centrale syndicale avec ses 700 000 membres, rencontrer des militants syndicalistes.
La loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail du 13 juin 1998 a provoqué une première vague de négociations, tandis que la seconde loi, votée le 15 décembre 1999 à l'Assemblée nationale, a fixé les modalités définitives d'application des 35 heures. À ce jour, 18 000 accords d'entreprises ont été signés. Actuellement, un véritable bras de fer se joue entre les syndiqués et le patronat pour une application effective des 35 heures. C'est que la loi ouvre la porte à la réduction de la semaine de travail, mais permet des assouplissements à l'aménagement du temps de travail dans les entreprises. L'existence même d'une loi fixant à 35 heures la durée légale est une grande avancée sociale, mais l'expérience a démontré que les patrons tentent de reprendre d'une main ce qu'ils sont obligés de concéder de l'autre.
Avantages et désavantages de la loi des 35 heures
Nous avons rencontré Daniel Sanchez, secrétaire-général de la Fédération des travailleurs de la Métallurgie, une des plus importante à la CGT, avec ses 67 000 membres.
A.J0 Quel est l'intérêt de la loi des 35 heures pour l'emploi?
Daniel Sanchez0 La réduction du temps de travail est une vieille revendication de la CGT. Elle répond au développement des capacités de production grâce à des machines de plus en plus automatisées. Malheureusement, cette technologie n'est pas au service du progrès social quand on sait qu'en moins de temps nous produisons plus. Les gens en ont marre du discours des patrons des 15 dernières années. Leur principale préoccupation concerne leur famille et plus de temps libre pour s'en occuper. En ce sens, la loi Aubry est intéressante sur deux aspects0 elle fixe la durée légale de travail à 35 heures et elle oblige la négociation dans toutes les entreprises.
AJ0 Quels sont les désavantages de cette loi?
Daniel Sanchez0 Le contenu de la loi reste à des kilomètres de ce que souhaite la CGT. Ce n'est pas une loi assez ferme et les patrons vont pouvoir l'utiliser à leur propres fins car elle leur permet d'intervenir à la baisse. Elle ouvre la porte à la flexibilité, notamment avec l'annualisation du temps de travail. Un patron pourra faire travailler selon ses besoins un employé jusqu'à 60 heures une semaine et 15 heures l'autre sans permettre la création d'emploi. Le temps de travail n'est pas calculé à la semaine mais plutôt sur l'année et il ne peut excéder 1600 heures par an. C'est pourquoi nous revendiquons une loi plus vigoureuse.
Suite à l'Hiver de la colère de novembre-décembre 1995, les 35 heures ont été adoptées comme slogan et non comme solution pour faire payer les patrons. La loi de la ministre Aubry ne nous satisfait pas et nous allons nous battre pour l'améliorer et non l'abolir comme le souhaite le patronat. Notre capacité de mobilisation sur les 35 heures est très élevée et c'est à nous d'obtenir une bonne application des 35 heures effectives pour le mieux être de tout le monde et aussi pour forcer l'embauche.
Un point de vue critique d'un militant
Invité par Hervé Brocaille, secrétaire-général de l'USTM Nord-Pas-de-Calais, l'aut journal s'est rendu au pays de Germinal, région marquée par de nombreuses luttes ouvrières. Il nous livre quelques réflexions sur les 35 heures.
Telle qu'elle est inscrite, la loi des 35 heures est inacceptable car elle fournit un cadre pour la réorganisation du travail soi-disant trop rigide en France. En fin de compte, elle va permettre d'accroître la flexibilité et les gains de productivité des entreprises sans compensation majeure pour les salariés.
Le patronat s'est saisi des 35 heures pour faire éclater nos acquis. Avec cette loi, il décide des horaires, il peut par exemple obliger ses salariés à travailler un samedi. Les travailleurs doivent toujours être à sa disposition. Déjà, les salariés subissent la discipline du travail et cette loi n'oblige pas les patrons à diminuer les cadences en usine.
Avec cette loi, les syndicats subissent des pressions énormes pour s'intégrer à la politique de collaboration de classe et intégrer les salariés aux objectifs du capital. Cette loi n'empêche pas l'extension du travail précaire, partiel, la casse des statuts et des conventions collectives.
Ce n'est pas aux salariés à s'adapter aux besoins des patrons, mais c'est aux patrons à s'adapter aux besoins des ouvriers. Il est certain qu'avec une application réelle des 35 heures sans perte de salaire amènerait une amélioration des conditions de travail, car la loi doit libérer les gens du temps de travail pour pouvoir accéder à des loisirs.|186|
734|Entrevue avec Jean-François Carré, chargé des questions internationales à la FTM-CGT|Pierre Klépock| AJ0 Comment les 35 heures ont été mises en place en France?
Jean-François Caré0 Il faut revenir aux événements de novembre-décembre 1995 quand le gouvernement de droite a proposé une série de mesures contre la retraite, la sécurité sociale et les nationalisations. Une grève a alors réuni 5 millions de salariés et le gouvernement a été contraint de démissionner. Dans la campagne des partis de gauche, il y avait une proposition pour créer des emplois et contrer le chômage en passant aux 35 heures. Une fois élu, en 1997, le gouvernement a commencé à négocier une loi sur les 35 heures. La CGT a défendu l'idée d'un accord cadre pour l'ensemble des salariés du pays. La CGT s'est aussi battu pour que les négociations aient lieu, par la suite par branche d'industries, sur la mise en place des 35 heures en fonction des professions.
A.J0 Est-ce que le passage aux 35 heures en France peut s'étendre à d'autres pays européens?
Jean-François Caré0 Nos camarades allemands de la Métallurgie ont les 35 heures depuis 2 ans, les Italiens et les Espagnols font des manifestations pour avoir eux ausi les 35 heures. Il y a en effet un phénomène d'extension sur cette question.
A.J0 Quelles sont vos relations avec les syndicats québécois?
Jean-François Caré0 Nous avons d'excellentes relations avec la Fédération de la Métallurgie-CSN et avec les Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA-FTQ). Depuis 5 ans nous organisons des rencontres régulières entre syndicalistes de différentes multinationales comme par exemple avec Pratt & Whitney. Nous nous sommes aperçus que, dans notre profession, nous avions à faire à quelques groupes mondiaux qui ont la même attitude, quelque soit les pays dans lesquels ils sont installés. Ils essaient de mettre en compétition les salariés des différents pays pour abaisser le niveau social et nous avons la responsabilité, en tant que syndicalistes de communiquer ensemble et de créer des convergences de rapport de force pour éviter le recul social et, éventuellement, passer aux conquêtes sociales.
A.J0 Est-ce que vous mener toujours la lutte contre le capitalisme pour une société sans classe?
Jean-François Caré0 La Fédération de la Métallurgie est la plus ancienne de la CGT et notre analyse de la société n'a pas variée depuis plus de 100 ans, c'est-à-dire qu'il y a une contradiction antogonique entre le capital et le travail. Il est évident qu'on ne peut aborder une société plus juste qu'à partir du moment où on en termine avec une poignée de détenteurs des richesses et des usines qui exploitent le travail intellectuel ou manuel du reste de la population. Ce sont nos fondements, il faut les moderniser mais la situation reste la même.
Pour le syndicat Tour Effeil 0 Un accord gagnant
Roger Ferrand, militant depuis plusieurs années à l'USTM-Paris, nous parle d'un accord gagnant sur les 35 heures.
Le syndicat de la Tour-Eiffel, aussi combatif que le syndicat des cols bleus de Montréal, a obtenu les 35 heures effectives sans perte de salaire en 1998, bien avant la loi Aubry. Avec trois jours de grève et une semaine de manifestations, les 200 salariés de la Tour-Eiffel, dont la moyenne d'âge est de 30 ans, ont réussi à faire plier leur employeur. Leurs principales revendications0 faire progresser les effectifs, la création d'emplois stables, l'embauche avec des salaires convenables, les 35 heures effectives pour s'occuper de sa famille et avoir du temps pour vivre sans perte de revenu. 25 nouveaux emplois ont ainsi été créés et tous les employés bénéficient des 35 heures.
Comme nous le rappelle Roger Ferrand, les employés de ce syndicat étaient très motivés. Ils se sont mobilisés afin d'imposer un rapport de force suffisant avec leur employeur pour remporter cette victoire. La loi des 35 heures ne sera efficace que si, dans chaque usine où elle se négocie, les travailleurs se mobilisent et exercent un bon rapport de force, comme dans le cas de la Tour-Eiffel. Sinon elle restera une loi que les patrons pourront détourner à leur avantage et la création d'emplois souhaitée ne se fera pas.|186|
735|Être pauvre aux portes du paradis|Michel Bernard|Être pauvre, c'est être obsédé par des questions de survie. La chasse aux aliments devient un sujet d'inquiétude pour 800 000 Canadiens ayant recours aux banques alimentaires. Le coût de la pauvreté zéro serait de quelque 3,6 milliards $ annuellement au Québec, un montant équivalent à celui réclamé en baisses d'impôts par les patrons. Contre les effets pervers de notre système de collaboration sociale, nous avions engendré une socialisation de la responsabilité 0 le droit social. Allons-nous enfin donner suite à cet engagement où laisserons-nous le droit social se dissoudre dans l'aléatoire de la charité ?
Le coût de la pauvreté zéro
Il aurait fallu 18,6 milliards de revenus annuels en plus en 1997 au Canada pour que personne ne soit sous le seuil de pauvreté1 (encadré 1ère colonne). On sait que 19,5% des pauvres vivent au Québec (1 472 000 ¸ 5 121 000). Cela signifie que quelque 3,6 milliards $ par année (18,6 milliards x 19,5%) serait l'ordre de grandeur du montant nécessaire à la pauvreté zéro au Québec. C'est pour dire qu'un revenu de citoyenneté ciblé sur l'objectif de pauvreté zéro est chose abordable.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante réclamait justement 3,6 milliards de réductions d'impôts annuels au Québec à mettre en vigueur d'ici 20042. Des économistes de banques parlent de baisses d'impôts de 5,1 milliards pour le Québec dès 2004 appuyées sur un surplus budgétaire annuel anticipé3. La deuxième colonne de l'encadré est importante, car elle donne un aperçu du coût brut du revenu de citoyenneté en supplément des coûts redéployés des programmes actuels. En réalité, le coût net serait beaucoup moindre à cause des retombées économiques directes, la réduction des coûts sociaux, la réduction des immenses coûts administratifs des programmes conditionnels actuels, etc.4
Les pauvres et les très pauvres.
Les mécanismes du marché laissent des masses considérables de personnes dans la pauvreté. En 1997, le taux de pauvreté était de 17,2% au Canada, 19,6% des enfants sont pauvres et 17% des personnes âgées sont pauvres. Au Québec il y avait 1 472 000 pauvres soit 20,1% de la population. Évidemment, la droite en quête d'une élimination des coûts de la solidarité rejette ces calculs des seuils de pauvreté5.
Je vous invite à consulter l'encadré et à tirer vos propres conclusions. Ceux qui travaillent ont de plus en plus tendance à demeurer pauvres 0 le taux de pauvreté était supérieur au taux de chômage de 3 à 5% depuis vingt ans; il le dépasse de 6% en 1996 et de 7% en 1997. Environ 55% des pauvres sont des working poors ; 21% des chefs de familles pauvres avaient un emploi à temps plein et 35% à temps partiel .
Le travail partiel est insuffisant 0 les personnes seules qui ont réussi à accumuler de 20 à 29 semaines de travail en 1997 subissent un taux de pauvreté moyen de 51,5%. Les couples qui ont accumulé à deux de 40 à 48 semaines de travail sont demeurés pauvres à 30,3%. Il y a vingt ans, le salaire minimum se situait à 18% au-dessus du seuil de la pauvreté 0 aujourd'hui, il est à 20% en dessous du seuil de pauvreté6. Il faudrait 9,70$ de l'heure pour 48 semaines de 35 heures à Montréal pour qu'une personne seule atteigne le seuil de pauvreté.
Aux États-Unis, 35 millions de pauvres se cachent derrière le beau taux de chômage de 3,9% et c'est le plus long cycle d'expansion économique de leur histoire. Par exemple, une seule banque alimentaire, Second Harvest, a reçu 21 millions d'usagers en 1997, dont 40% provenaient d'un foyer ou au moins une personne travaillait.7
Les jeunes familles sont frappées durement, rien à craindre pour un deuxième baby boom… le taux de pauvreté est de 80,2 % dans une famille ayant une femme seule à sa tête et comptant deux enfants de moins de 7 ans. Les mères seules de moins de 25 ans sont pauvres à 93,3%. Les jeunes couples de moins de 25 ans sont pauvres à 34%. Le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans est de 19,6% au Canada et 20,9% au Québec. Il y avait 1 384 000 enfants pauvres au Canada sur un total de 7 053 000 enfants et 343 000 enfants pauvres au Québec en 1997. Le taux de pauvreté est de quelque 60% pour les enfants de moins de 18 ans élevés par une mère seule. Ça va nous rebondir dans la face en coûts décuplés dans 10 ans.
Croissance parallèle de la richesse et de la pauvreté
Où va la croissance ? Le 14 décembre 1999, l'indice boursier torontois TSE-300, le phare de la Bourse canadienne, atteignait le record de 8 014 points, une hausse de 26% depuis un an. Une augmentation de 26% par année qui ira s'ajouter aux fortunes de l'oligarchie financière canadienne des 1% qui détiennent 40% des actions ou des 10% qui en détiennent 70%8.
La distribution de provisions chez Moisson Montréal (60 tonnes par jour) a augmenté de 65% et les repas communautaires de 75% de 1995 à 19999. Une croissance comparable au TSE, 75% de 1995 à 1998, mais moins que le NASDAQ, 75% pour l'an dernier seulement. Les médias des affairistes ont parlé des augmentations de salaires de 1,5% par année comme de cadeaux de Noël . Si on tient compte de l'inflation, le gain moyen réel de l'ensemble des salariés québécois a reculé de 4,9% de 1983 à 199710. Avec 1,5% d'augmentation, le salaire réel, le pouvoir d'achat recule car l'inflation canadienne excède 1,5%.
Le nombre de Canadiens devant recourir aux banques alimentaires pour traverser chaque mois a doublé dans la dernière décennie pour atteindre 800 000 personnes, c'est plus que la population de Terre-Neuve. L'an dernier, l'augmentation a été de 10% et 300 000 enfants forment 40% des usagers11. La population des pauvres est mouvante 0 chez les personnes seules, 46,8% de la population totale ont été pauvres à un moment quelconque entre 1993 et 1996 ; chez les pauvres, 61,5% l'ont été pendant quatre ans, mais 13,5% s'en sont sortis après un an, 12% après deux ans, 13% après trois ans.
Au Québec, devant le blâme du Comité des droits économiques et sociaux de l'ONU, le gouvernement répondait 0 loin d'être négative, l'existence des banques alimentaires démontre la volonté d'une société de partager ses ressources avec ses membres les plus démunis et ce, d'une façon volontaire, non gérée par l'État12. Façon volontaire non gérée par l'État , ça veut dire en charité plutôt qu'en droit. Le gouvernement y trouve prétexte au désengagement. On ne construit plus de logements sociaux, mais on garroche un os de 700 000 $ dans l'Accueil Bonneau0 c'est pour accueillir une infime proportion de ceux que la réduction des programmes sociaux a jetés dans la rue. Le fédéral a fait un show en nommant un ministre sans portefeuille pour les sans-abri .
Dernièrement, on se félicitait de l'activité économique supplémentaire générée par le bug de l'an deux mille qui a coûté 68 milliards au Canada. Quand nous féliciterons-nous de l'activité économique provoquée par les coûts de la pauvreté zéro?
1. Les données sur la pauvreté sont tirées de la dernière publication du CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, Profil de la pauvreté, 1997, automne 1999, ici p. 61
2. BUZZETTI, Hélène, « Les entreprises prônent une baisse d’impôt de 20% », Le Devoir, 7 sept. 99.
3. CLOUTIER, Laurier, « Québec pourrait baisser les impôts de 5,1 milliards en 2004, conclut une étude », La Presse, 14 sept. 99.
4. BERNARD, Michel, CHARTRAND, Michel, Manifeste pour un revenu de citoyenneté, Éditions du Renouveau Québécois, chpt 2.
5. PICHER, Claude, « Les faux seuils de pauvreté », La Presse, 25 octobre 1997.
6. Voir aussi 0 GOLBERG, Michael, GREEN, David, Higher minimum wages confer social, economic benefits, The CCPA Monitor, vol 6, no.7, Déc. 1999, p.12.
7. TAILLEFER, Guy, «pauvre avec emploi », Le Devoir, 14 juillet 1999.
8. STANFORD, Jim, “Debunking the myth of “people capitalism” 0 Vast majority of shares held by élite of well-off families” The CCPA Monitor, vol 6, no.4, Sept. 1999.
9. DUFOUR, Valérie, « Aide alimentaire 0 le besoin croît sans cesse » Le Devoir, 4 novembre 1999.
10. LANGLOIS, Simon, « Tendances de la société québécoise » dans Québec 1999, Fides Le Devoir, p.43.
11. The Canadian Centre for Policy Alternatives, « Food bank users mumber more than population fo Newfoundland », The CCPA Monitor, déc. 1999, vol. 6, no.7
12. Ligue des droits et libertés, «Le Canada et le Québec au banc des accusés », Rapport du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, mars 1999.|186|
736|Le Monde diplomatique en faveur du Revenu de citoyenneté|Ignatio Ramonet|Dans son édition de janvier 2000, le Monde diplomatique, sous la plume de son directeur Ignatio Ramonet, réclame le Revenu de citoyenneté, aussi appelé revenu d'existence.
Il faut imaginer, aussi, une nouvelle distribution du travail et des revenus dans une économie plurielle dans laquelle le marché occupera seulement une partie de la place, avec un secteur solidaire et un temps libéré de plus en plus important.
Établir un revenu de base inconditionnel pour tous, octroyé à tout individu, dès sa naissance, sans aucune condition de statut familial ou professionnel. Le principe, révolutionnaire, étant que l'on aurait droit à ce revenu d'existence parce qu'on existe, et non pour exister. L'instauration de ce revenu repose sur l'idée que la capacité productive d'une société est le résultat de tout le savoir scientifique et technique accumulé par les générations passées. Aussi, les fruits de ce patrimoine commun doivent-ils profiter à l'ensemble des individus, sous la forme d'un revenu de base inconditionnel. Lequel pourrait s'étendre à toute l'humanité, car d'ores et déjà, le produit mondial équitablement réparti suffirait à assurer une vie confortable à l'ensemble des habitants de la planète.
Pour en savoir plus sur ce concept nouveau et révolutionnaire, procurez-vous le Manifeste pour un Revenu de citoyenneté de Michel Bernard et Michel Chartrand (voir coupon en page arrière).