Avec l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale du projet de loi 134, les firmes d’ingénierie avait de quoi sabler le champagne en fin d’année.
Le Conseil mondial de l’eau ou, pour être plus précis, la chambre de commerce des multinationales de l’eau, a décidé de ne plus faire la promotion de la privatisation des infrastructures de l’eau (c’est-à-dire, la vente d’actifs). À l’avenir, les multinationales préfèrent les gérer et laisser les difficultés et risques liés à la propriété entre les mains des gouvernements.
Cette décision, prise sous le règne de William Cosgrove, ancien président du Conseil et maintenant président du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), est aujourd’hui consacrée dans des lois québécoises grâce à une belle unanimité des partis politiques à l’Assemblée nationale du Québec.
Quelques mots d’histoire : il faut se rappeler que le premier gouvernement à se lancer dans les PPP fut celui de Lucien Bouchard, en introduisant un programme de construction de petites centrales hydroélectriques gérées par des entreprises privées. Ensuite, on trouve Joseph Facal, président du Conseil du trésor sous Bernard Landry, qui contribue à la création de l’Institut de promotion des partenariats public-privé. Dans la dernière année, le Parti Québécois a voté deux fois pour les PPP dans le domaine de l’eau et la dernière fois, le PPP couvre tout service des villes et non seulement l’eau.
Pourtant, le Parti a un nouveau programme qui dit non aux PPP dans le domaine de l’eau. Son nouveau chef dit oui aux PPP sur les ondes de Radio-Canada et dit respecter le programme comme si c’était une bible ! En décembre 2005, l’aile parlementaire accepte le projet de loi 134 dans la foulée de la fin de session et le critique en environnement sort un communiqué de presse pour fustiger les libéraux… Holà ! un peu de cohérence est requis ici !!!
De son côté, le Parti libéral du Québec a fait un dogme des PPP dès son élection de 2003. La privatisation étant mal vue par les Québécois, les stratèges des partis politiques ont toujours su jouer avec les mots. Il faut bien comprendre que, dans le débat sur la privatisation, les élus ont toujours parlé de trois choses, mais ils les ont rarement expliquées à la population.
1- Il y a la privatisation de l’eau : c’est-à-dire le liquide (H2o).
2- Il y a la privatisation de la gestion de l’eau : ou sous-traitance, ou affermage, ou clef en main, ou impartition des activités professionnelles des ingénieurs, techniciens et cadres s’occupant de la gestion de la qualité du liquide, des équipements ou infrastructures avec financement provenant du secteur privé (ici c’est un PPP).
3- Il y a la privatisation des infrastructures : c’est-à-dire la vente des actifs que représentent les aqueducs, égouts, usine de production d’eau potable et usine d’assainissement des eaux usées.
Si pour le moment le 1 et le 3 ne sont pas en discussion, il est quand même incroyable que la ministre Normandeau nie qu’elle fait un PPP en votant une loi qui fait exactement ce qui paraît en 2.
Pour le gouvernement Charest, le risque était grand d’introduire ce mode de gestion de l’eau, qui est un pas vers la privatisation pure et simple. Il ne souhaitait pas une levée de boucliers de plus. Alors il a réalisé son objectif sur une période d’un an et demi. Un premier coup avec les projets de loi 60 et 61, un deuxième avec le 62 et, en décembre passé, avec le 134.
Alors maintenant, les villes qui s’y adonneront paieront plus cher le loyer de l’argent en l’empruntant d’une firme d’ingénierie plutôt que d’un règlement d’emprunt émis par le gouvernement. Contrairement à ce qu’avancent certains politiciens, cela n’aidera en rien les petites villes. Le secteur privé refusera de s’y rendre, ne voyant pas là les bénéfices d’échelle attendus sur le capital investi. Dans les villes de grandeur moyenne, où le privé pourrait être intéressé, il y a une solution qui se nomme Régie inter-municipale d’eau. Mais c’est trop simple pour ceux et celles qui gagnent leur vie à partir de ce que l’on appelle maintenant la nouvelle gouvernance.
Non seulement l’introduction de ce mode de gestion dans la fonction publique fait augmenter les coûts des services mais elle fait aussi augmenter les risques de corruption. Quant aux conflits d’intérêt, c’est déjà commencé. Par exemple, l’ex-attaché politique de Monique Jérôme-Forget, devenu lobbyiste, travaille pour GL Events, multinationale française qui tente de convaincre le gouvernement de lui confier la gestion du Centre des Congrès de Québec et du Palais des Congrès de Montréal. À l’emploi du Cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Patrick Doyon était chargé du dossier des partenariats public-privé. Trois jours après avoir fait ses boîtes, il entrait au service du groupe Capital Hill, une entreprise de relations gouvernementales privée qui lobbie le gouvernement au nom de GL Events.
Voilà un exemple de jeu de chaises qui se répète trop souvent et à tous les niveaux de gouvernements. Une nouvelle classe d’entremetteurs en conflit d’intérêts. Des mercenaires des affaires qui ne voient pas de différence entre les intérêts de l’État et les intérêts des entreprises privées. Des lobbyistes consultants s’enrichissant en mangeant à tous les rateliers.
Voilà pourquoi les partenariats public-privé dans le domaine de l’eau sont si inappropriés pour gérer l’eau source de vie. Nous paierons plus cher pour boire et risquerons la santé de nos familles pour que des gens à l’éthique élastique fassent la passe du pognon !!!
Note au lecteur : Afin de faciliter la lecture, chacune des références précises n’apparaît pas dans le texte. Les sources proviennent du livre « Tout doit disparaître » par Gaétan Breton et du site de référence d’ Eau Secours ! - La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau, à ww.eausecours.org
L’avenir est dans la gestion de l’eau
2015/09/23 | par André Bouthillier
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