Lors de la dernière campagne électorale, un article de La Presse (1er mars 2007) nous apprenait que le cégep Édouard-Montpetit voulait instaurer un programme entièrement en anglais en maintenance d’aéronefs à compter de septembre 2007, malgré l’opposition du Syndicat des professeurs et du Syndicat du personnel de soutien du collège Édouard-Montpetit.
Jusqu’en 2005, le programme de Maintenance d’aéronefs était donné au cégep anglophone Johh-Abbott et au cégep francophone Édouard-Montpetit (CEM). Mais seul le CEM donnait la troisième année du programme, et les étudiants de John Abbott venaient y terminer leurs études en français (avec des accommodements). Or, en 2005, le cégep John-Abbott décidait de ne plus donner ce programme et le cégep anglophone Champlain a refusé de prendre le relais. Pour accueillir les étudiants anglophones, le CEM demandait carrément l’autorisation d’angliciser son programme !
La direction du cégep a manœuvré en douce, sans consultation interne. Sans avoir obtenu l’autorisation officielle du Ministère, le CEM a procédé à des admissions, mais celles-ci n’ont pas été suffisantes (seulement huit étudiants, dont six provenaient d’institutions francophones). Le Collège a donc reporté son projet pour la rentrée scolaire de l’automne 2008.
Il existe actuellement deux cégeps francophones, l’un à Gaspé et l’autre à Sept-îles, qui donnent des services en anglais parce que la communauté anglophone de ces localités est trop peu nombreuse pour justifier la création d’institutions anglophones à part entière. Une situation qui n’a rien à voir avec celle du CEM, situé dans la région de Montréal.
Selon Yves Sabourin, président du Syndicat des professeurs, « c’est un retour à l’anglais dont les gens ne veulent pas. Il s’agit d’un recul significatif pour le français dans le domaine de l’aéronautique puisque l’École nationale d’aérotechnique (école affiliée au CEM), s’est construite historiquement comme une institution francophone, et que des efforts considérables ont été consentis pour contribuer à la francisation du milieu de l’aéronautique. »
« Ça a l’air inoffensif, mais ça ouvre la porte à bien des choses. Qui pourra empêcher les francophones de s’inscrire en anglais, alors qu’on se bat pour franciser l’aéronautique ? », mentionnait Louise Turcotte, présidente du Syndicat du personnel de soutien du CEM.
Le Syndicat des professeurs soupçonne que l’objectif réel du collège est de projeter, à terme, l’image d’une institution d’enseignement supérieur bilingue, comme marque de commerce dans le cadre du marché de l’éducation en émergence. Dans un premier temps, la direction du cégep avait demandé au ministère de l’Éducation l’autorisation de dispenser quatre programmes en anglais dans les domaines de l’aérotechnique et le programme de Techniques d’orthèses visuelles.
Devant la montée de l’opposition, la direction du cégep a décidé de procéder à de nouvelles consultations et s’est engagée à saisir de nouveau le conseil d’administration de la question, le 12 juin prochain.
Actuellement, le Syndicat des professeurs du CEM travaille à établir une coalition élargie avec des organismes tels que le Mouvement Montréal français car l’issue de cette bataille risque d’avoir un impact majeur sur l’intégrité linguistique des établissements supérieurs de langue française.
L’accès au réseau collégial et universitaire n’est pas balisé par la Charte de la langue française. Le Québec est à peu près le seul État au monde où l’on finance des institutions d’éducation supérieure dans une autre langue que celle de la majorité, sans aucune limite et sans aucune restriction.
Récemment la Fédération des cégeps constatait que le nombre de demandes d’admission dans les cégeps anglophones du Québec augmente plus vite que dans l’ensemble des 48 cégeps du Québec. Entre 2000 et 2010, la clientèle devrait croître de 10 % au collégial anglophone québécois. Dans certaines institutions anglaises de Montréal, cette augmentation pourrait atteindre 35 %.
De plus, la tentative pour angliciser le CEM est loin d’être un cas isolé. Déjà l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Montréal ont tous deux examiné la question des programmes en anglais pour finalement les rejeter. Des programmes en anglais existaient à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Mais après une consultation publique ayant soulevé bien des débats, le conseil d’administration de l’UQO a finalement décidé d’abolir les programmes d’études comprenant uniquement des cours en anglais. Mais la porte est toutefois grande ouverte pour les « programmes multilingues » .
Le président d’Impératif français, Jean-Paul Perreault, notait « qu’à l’UQO, les programmes en anglais ont entraîné une tendance à un recours généralisé à l’anglais lors d’interactions interpersonnelles à l’intérieur des murs de l’université. Par leur silence et leur manque d’initiative, les instances gouvernementales sont complices de l’anglicisation des institutions québécoises. »
L’objectif réel est la bilinguisation de l’institution
2015/09/23 | par Mario Beaulieu
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