Un autre manifeste sur l’éducation qui rate la cible

2015/09/24 | Par Pierre Dubuc

Dans son édition du 17 septembre dernier, le Journal de Montréal présentait les grandes lignes d’un manifeste produit pour le forum « Un système d’éducation pour le 21e siècle », organisé par le Parti Libéral, le 25 septembre prochain.

 Sous le titre « Donner une nouvelle impulsion à la réussite scolaire », le Manifeste, rédigé par une vingtaine de personnes impliquées dans le réseau de l’éducation, réclame, selon le Journal de Montréal, « plus de pouvoirs pour les écoles ».

Le Manifeste dénonce en effet la trop grande centralisation du « mode actuel de gouvernance » et affirme vouloir « faire de l’école la clé de voûte du système d’éducation ».

Mais nous y avons surtout vu une défense du rôle des commissions scolaires. L’école, rappelle-t-on, « émane » de la commission scolaire qui « seule possède un statut juridique ».

Au-delà du statut juridique, le Manifeste affirme que « le dynamisme de l’école repose largement sur celui de la commission scolaire, sur sa direction et son personnel d’encadrement, qui sont souvent à l’origine d’initiatives stimulantes et prometteuses en regard de la réussite éducative ».

Ce parti-pris en faveur des commissions scolaires est de bonne guerre dans un contexte où leur existence même est toujours l’objet de débats et n’est pas étonnant étant donné la présence parmi ses auteurs d’un grand nombre d’anciens administrateurs de commissions scolaires.

 

Un bon diagnostic…

Les auteurs s’en prennent avec raison à l’approche « top down » du ministère de l’Éducation dans l’imposition sans consultation des tableaux blancs interactifs, de la lutte contre l’intimidation et la violence, etc. mais leur critique la plus mordante est celle de la « ghettoïsation par le haut » du système d’éducation, qui « met à mal le principe même du bien commun ».

Il vaut la peine de citer intégralement le Manifeste sur cette question.

« Au cours des années, la migration des jeunes de familles plus favorisés vers l’école privée, particulièrement importante en milieu urbain, a entraîné une ‘‘ ghettoïsation par le haut’’, amplifiée par la création de programmes particuliers et sélectifs dans le secteur public. La sélection des élèves n’est pas strictement basée sur la performance scolaire, mais aussi sur la capacité de payer des parents.

« Elle a fait porter une lourde hypothèque sur les écoles publiques où l’on observe une concentration sans précédent d’élèves à risque et des élèves handicapés qui non seulement peinent à réussir, mais alimentent un déficit éducatif structurel. Le principe même de libre choix, tel que vécu actuellement, et la concurrence entre les établissements contribuent à élargir les écarts de réussite en fonction de l’origine sociale et économique, mettant à mal le principe même de bien commun.

« Le Québec n’a pas les moyens, dans le contexte démographique actuel, de soutenir un système qui alimente l’exclusion scolaire et sociale des jeunes. La situation est particulièrement tragique à Montréal, mais elle est préoccupante dans d’autres villes aussi. »

 

mais le vrai remède demeure tabou

On s’attendrait après un tel diagnostic que les auteurs réclament la fin des subventions publiques aux écoles privées. Mais il n’en est rien!

Leur seule proposition à cet égard est que « les établissements privés subventionnés participent à l’effort collectif » concernant les élèves HDAA.

Mais nous savons pertinemment que c’est là un vœu pieux. Les écoles privées sélectionnent les élèves, précisément pour éviter les élèves ayant des difficultés d’apprentissage.

 

L’exemple de l’Ontario

L’omission volontaire des auteurs du Manifeste est d’autant plus grave qu’ils s’inspirent de l’Ontario pour une de leurs propositions les plus originales, soit la mise sur pied d’un Office de la qualité et de la responsabilité en éducation comme en Ontario.

Nous ne voulons pas discuter de la pertinence ou non d’un tel organisme, mais tout simplement rappeler aux auteurs que la caractéristique principale du système scolaire ontarien est qu’aucune subvention publique n’est octroyée aux écoles privées!

Les subventions publiques aux écoles privées demeurent toujours un des principaux tabous au Québec.