Fort d’une expérience de voyage qui l’a porté un partout dans la diversité du monde, l’auteur et metteur en scène Philippe Ducros fait du matériau théâtral l’oeuvre utile d’un documentariste.
Contacté par L’aut’journal pour discuter de sa proposition théâtrale, celui-ci a partagé ses visées derrière la création de Bibish de Kinshasa qui sera présentée à l’Espace libre du 13 au 24 octobre prochain.
D’abord inspiré par un voyage en République démocratique du Congo (RDC) en 2010 qui a donné naissance à une oeuvre, La porte du non-retour, qui s’est présentée comme un déambulatoire théâtral et photographique, et dont les éditions L’instant même en a immortalisé le souvenir en 2012, Philippe Ducros a décidé de revenir sur cette expérience marquante, voire traumatisante, après être entré en contact avec le roman Samantha de Kinshasa de Marie-Louise Bibish Mumbu.
Du Congo, il en parle avec un sentiment d’urgence, parce que, notre regard sur la scène internationale est obnubilé par des enjeux futiles comme celui du niqab dans le cadre de la campagne électorale alors qu’il s’y sévit un des conflits les plus meurtriers (jusqu’à 6 millions de morts) depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Ducros dénonce allègrement la responsabilité du Canada de Stephen Harper, sans négliger cependant la responsabilité des gouvernements libéraux précédents, qui ont fait un «paradis légal» (l’expression est de Ducros) pour les sociétés minières qui accaparent entre la moitié et les trois quarts des gisements congolais. L’auteur insiste: «Nous sommes directement impliqués».
Par ailleurs Alain Denault, connu pour la poursuite-bâillon que lui a intenté la société aurifère canadienne Barick Gold après la publication de son ouvrage Noir Canada, sera présent le 22 octobre prochain à l’Espace libre, tout de suite après la représentation, afin d’échanger sur la problématique minière en RDC.
Le metteur insiste cependant sur le fait que, bien qu’il sera présent sur scène, c’est Marie-Louise Bibish Mumbu, journaliste, écrivaine, qui est au centre du projet Bibish de Kinshasa. Elle sera même doublement présente sur scène étant donné que l’actrice Gisèle Kayembe interprétera son rôle afin de livrer des passages de son roman Samantha à Kinshasa.
Ces lectures seront entrecoupées d’interventions de Bibish, de Ducros, mais également de Papy Maurice Mbwiti qui parlerons de la vie congolaise, le tout dans un esprit de franche camaraderie, comme une bouffe entre amis.
Le caractère festif entourant le grave sujet des crimes de guerre qui sont commis en RDC souligne la résilience de ce peuple capable de lucidité. La dignité dont il fait preuve, dit Ducros, est un vecteur de fierté. Sa pièce est un hommage à ce peuple, un hommage à la vie.
Philippe Ducros n’a que des éloges à offrir à ces comparses qui partageront la scène avec lui. Il parle d’eux comme du peuple congolais en général comme des survivants qui perpétuent cette survivance au Québec dans une toute nouvelle dimension.
Ici, tout est à refaire. Comme ils ont tous la fibre artistique, le metteur en scène ne cache pas que cette expérience théâtrale qu’ils s’apprêtent à vivre servira de carte de visite. Nous avons tout à gagner à les connaître.
Mais Ducros va plus loin en disant qu’on a tout à gagner dans le rapport à l’altérité. Il confie avoir découvert de nouveaux codes théâtraux par le contact de Gisèle Kayembe, une actrice dont il vante le talent et qui gagne à être connue.
Dans notre confort et notre indifférence, apprendre de cet instinct de survivance ne serait pas fâcheux pour nous. Lorsqu’il lui a demandé comment il allait, un quidam congolais rencontré à Kinshasa a répondu ceci à Ducros: «On se bat». Voilà bien une leçon de vigilance contre les inepties quotidiennes auxquelles nous sommes confrontés et une invitation à s’en tenir à l’essentiel.
Crédit photo : David Ospina (photo de l'affiche) et Guillaume Simoneau ( photo de Philippe Ducros)
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