« Back to the future », le retour au Canada français?

2015/11/11 | Par Paul de Bellefeuille

J’ai délibérément choisi un titre bilingue pour cet article puisque certains politiciens fédéralistes cherchent par tous les moyens à nous ramener dans les fers du Canada français, aussi bien dire dans notre passé de colonisés heureux/malheureux dans leur aliénation culturelle. C’est à qui s’emparerait de l’histoire du Québec pour en faire une interprétation qui correspondrait à leurs convictions politiques fédéralistes.

Déterminer l’histoire passée signifie s’assurer d’avoir la mainmise sur l’avenir de cette histoire d’où l’expression « Back to the future ».

Ainsi, la nouvelle ministre du patrimoine Mélanie Joly veut faire coïncider le 150e anniversaire du Canada avec le 375e anniversaire de Montréal. Pourtant, il s’agit de deux événements historiques distincts. Comment peut-on confondre ces deux périodes, soit celle de la présence française en Amérique et celle de la domination anglo-canadienne?

Cette vision de l’histoire du Québec manifeste certainement une volonté politique d’inscrire cette histoire dans une construction identitaire canadienne en opposition à celle du Québec. Il y a certainement un lent travail d’érosion qui s’apparente au titre évocateur d’un essai de Pierre Vadeboncoeur, « Un génocide en douce. »

La récente élection fédérale donne droit à des interprétations assez loufoques des résultats par certains politiciens Québécois. Philippe Couillard, en tête de peloton, ne rate pas une occasion pour affirmer que 80% des Québécois et Québécoises ont choisi le Canada lors de l’élection du 19 octobre dernier.

Le peuple du Québec s’entendait sur une chose, il fallait chasser du pouvoir le gouvernement de Stephen Harper. Ce qu’il a fait. On ne lui a pas demandé si son vote en était un d’adhésion ou non au Canada?

Mais on voit venir M. Couillard avec ses gros sabots constitutionnels. Il n’y a qu’un pas à franchir pour faire adhérer le Québec à l’acte constitutionnel de 1982 et toute sa rhétorique propagandiste pro-Canada ne vise que cela.

Jean-Marc Fournier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie, Québec, déclare dans un texte récent qu’être Québécois c’est notre façon d’être Canadien. Je croirais entendre l’ineffable Elvis Graton nous expliquer quelle est son identité en terre d’Amérique. Comme quoi le ridicule ne tue pas et ce qui ne tue pas renforcit, dit-on.

Michel David, journaliste au Devoir, a raison de parler de régression et même de démission suite à sa lecture du texte de Jean-Marc Fournier. Et encore une fois, cette rhétorique propagandiste du Parti libéral prépare le terrain et les esprits au retour dans « l’honneur » du Québec au sein du Canada.

Le chef de la CAQ, François Legault, n’est pas en reste. La couleur de son parti est passée de l’arc-en-ciel au bleu pâle Québec. Ce parti se définira finalement comme nationaliste et tentera d’aller chercher, dit-il, de nouveaux pouvoirs pour le Québec auprès du gouvernement fédéral.

Il affirme que le Québec autonomiste et nationaliste fait partie du Canada. On croirait entendre parler feu Maurice Duplessis. Il ira donc quémander, car c’est bien de cela dont il s’agit, de nouveaux pouvoirs auprès d’Ottawa. Bref, nous sommes en pleine génuflexion.

Daniel Johnson père, un des successeurs de Duplessis, avait au moins le mérite de menacer le Canada par les termes Égalité ou Indépendance. Il y avait une volonté politique d’établir un rapport de force à l’avantage du Québec. La CAQ de François Legault, pour sa part, attend un signal positif d’Ottawa. Ce parti et son chef se campent dans la position du valet attendant les bonnes grâces de la Reine.

C’est à croire que M. Legault n’a pas attentivement observé l’histoire du Québec des soixante dernières années. L’indépendantisme québécois s’est en grande partie construit sur les échecs répétés du Québec d’obtenir un nouveau partage des pouvoirs entre le Fédéral et le Québec.

Toutes les rondes constitutionnelles se sont traduites par l’échec de voir le Québec reconnu et respecté au sein de la fédération canadienne. Que lui faut-il de plus pour le comprendre définitivement? Je ne croyais pas que le masochisme existait en politique. Mais M. Legault est en train d’en faire la preuve. Le chef de la CAQ s’inscrit donc, lui aussi, au registre du révisionnisme de l’histoire du Québec sur le modèle de « Back to the future ».

 

Être Québécois? Une identité fragile

La construction de l’identité québécoise est un fait observable qui est apparu au détour des années 60 de notre histoire collective. L’interprétation donnée au vote québécois, lors de la récente élection canadienne par les forces politiques fédéralistes, signifierait que ce vote constituerait le retour du Québec au sein de la fédération canadienne.

Justin Trudeau, mais aussi Philippe Couillard, l’ont affirmé sans l’ombre d’un doute. Les dernières déclarations de François Legault, cherchant désespérément une niche politique entre l’indépendantisme et le fédéralisme, est aussi une profession de foi en faveur du Canada.

Les deux échecs référendaires de 1980 et de 1995 ont certainement affaibli la construction de l’identité québécoise. Mais ce sont surtout la diffusion de l’interprétation de ces deux moments importants par les forces politiques fédéralistes, la lecture des résultats de l’élection fédérale du 19 octobre dernier par certains politiciens québécois et canadiens et la nouvelle position de la CAQ nationaliste/autonomiste qui annoncent une volonté politique de ramener le Québec au centre d’une identité culturelle que l’on croyait à tout jamais disparue du territoire québécois, celle du Canada français.

Le peuple Québécois est donc soumis à une volonté politique bien identifiable de le faire retourner dans un passé de survivance annonçant pour l’avenir la déliquescence de sa culture. « Back to the future! » Il est temps de se prendre en main.