Le nouveau gouvernement Trudeau vient d’abaisser le taux d’imposition s’appliquant aux revenus compris entre 45 000 $ et 90 000 $ de 22 % à 20,5 %. Inversement, le taux d’imposition des revenus dépassant 200 000 $ passera de 29 % à 33 %.
Lors de la campagne électorale, Justin Trudeau avait affirmé que la mesure se ferait à coût nul, c’est-à-dire qu’elle ne ferait que déplacer 3 milliards $ de revenus d’une catégorie de contribuables à une autre.
Le nouveau ministre des Finances Bill Morneau affirme plutôt aujourd’hui que l’opération privera Ottawa de 1,2 milliard $ annuellement.
Pourquoi? Parce qu’on aurait sous-évalué l’ampleur de l’évitement fiscal auquel s’adonneront les mieux nantis.
En rectifiant le tir, le ministre Morneau se rallie à l’opinion du C.D. Howe Institute, qu’il présidait jusqu’à tout récemment, et d’un autre organisme pro-patronal, le Fraser Institute.
Le C.D. Howe évalue même l’écart à 2,5 milliards $, soit une baisse des recettes de de 3,5 milliards $ et des revenus additionnels de seulement 1 milliard $.
Le Fraser Institute a produit récemment une étude démontrant que les hausses de taxes des mieux nantis engrangeraient moins de revenus parce que ces derniers varlopaient l’impact de ces hausses sur leurs revenus en trouvant des astuces pour être rémunérés par des moyens autres que le salaire, soit par des options d’achats d’actions – imposés à 50 % plutôt qu’à 100 % comme les salaires – ou en s’incorporant comme entreprise ou encore en déplaçant leurs revenus vers des paradis fiscaux.
Une étude du Département des finances à Ottawa a confirmé l’effet de ces entourloupettes fiscales en montrant que le 1% le plus riche de la population réduisait leurs revenus déclarés de 0,72% pour chaque 1% d’augmentation de l’impôt sur leurs revenus.
L’évitement fiscal
La rémunération moyenne des p.d.-g. des 100 plus grosses compagnies au Canada a augmenté de 47 % au cours des dernières années passant de 4,3 millions $ en 2008 à 6,3 millions $ en 2014. Elle était de 103 fois le salaire moyen des travailleurs; elle est maintenant de 130 fois.
Presque la moitié de leur rémunération (3 millions sur 6,5 millions $) est encaissé sous forme d’options d’achat d’actions, imposé à seulement 50 %, et d’autres combines semblables.
L’évitement fiscal – la forme légale de l’évasion fiscale – ne se limite pas aux p.d.-g. des grandes corporations. Les professionnels ont trouvé le moyen de payer moins d’impôts en s’incorporant comme entreprise. Pour donner une idée de l’ampleur du phénomène, 42 000 entreprises au Québec n’ont aucun employé!
Tout cela a des conséquences. Une récente étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), révèle que les particuliers absorbent la hausse de la charge fiscale, alors que la contribution des entreprises poursuit son recul.
Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, dont fait partie le Canada, les recettes tirées de l’imposition du revenu des particuliers ont augmenté de 8,8 à 8,9 % du Produit intérieur brut (PIB) entre 2007 et 2014, alors la part des entreprises a décliné de 3,6 à 2,8 %.
Selon Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE « ce sont les citoyens qui ont fait les frais de la grande majorité des hausses d’impôt observées depuis la crise sous la forme d’augmentations de cotisation sociales, de la taxe sur la valeur ajoutée et des impôts sur le revenu. Cette situation montre bien qu’il est urgent d’agir pour faire en sorte que les entreprises supportent leur juste part du fardeau » (Le Devoir, 4/12/15).
Justin Trudeau semble vouloir aller à contre-courant. Mais, à défaut de mettre en place des moyens pour lutter contre l’évitement et l’évasion fiscale, la classe moyenne en viendra à devoir régler la facture de cette baisse d’impôts le jour où il faudra rembourser la dette.
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