L’auteure est première vice-présidente, FIPEQ-CSQ
Les compressions libérales dans le réseau québécois de la petite enfance font couler beaucoup d’encre. Mais si le sort des CPE attire avec raison l’attention médiatique, on parle beaucoup moins d’une autre composante essentielle du réseau, les responsables de services de garde en milieu familial régis et subventionnés par l’État québécois.
Pourtant, ces milliers de responsables, presque exclusivement des femmes, sont les premières à subir les contrecoups des décisions néfastes des libéraux en petite enfance.
Œuvrant dans le système public, les responsables d’un service de garde en milieu familial (RSG) travaillent au quotidien au développement de plusieurs dizaines de milliers d’enfants de 0 à 5 ans. Ces RSG appartiennent à un large réseau encadré et supervisé par le gouvernement, et dont le tarif pour les parents est le même qu’en CPE.
La qualité de ces services de garde est garantie en raison d’exigences strictes, notamment en matière de qualité des services, de sécurité des enfants, de salubrité et de normes éducatives et alimentaires. De plus, puisque ces services sont dispensés dans des résidences privées, ils sont peu coûteux pour l’État québécois.
On ne peut pas en dire autant du réseau privé de services de garde, qui se développe à l’abri des normes de qualité et de sécurité auxquelles s’attendent les parents québécois. Ce réseau est alimenté par des crédits d’impôt sur lesquels il y a peu de contrôle, souvent versés de façon anticipée. À ces crédits s’ajoute la modulation récente des frais de garde imposée au réseau public.
Résultat : le réseau de garde privé semble plus attrayant pour de nombreux Québécois. Des milliers d’enfants quittent donc le public pour des garderies privées à la qualité beaucoup plus incertaine, et les RSG ont de plus en plus de difficulté à combler leurs places.
Pour la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), il est important d’alerter l’ensemble de la population sur ce recul majeur. Notre société s’était pourtant dotée d’un projet ambitieux pour assurer, entre autres, l’égalité des chances de nos enfants et des services de garde éducatifs de qualité et sécuritaires. Le glissement actuel vers le privé constitue une perte certaine pour la société québécoise, qui voit des milliers d’enfants se développer sans aucune garantie d’encadrement de qualité.
Le gouvernement doit freiner le développement du secteur privé par des mesures telles que l’imposition d’un moratoire sur l’émission de permis aux garderies privées, le retour à la contribution réduite universelle et le réinvestissement des sommes dévolues aux crédits d’impôt dans le réseau public. De telles mesures permettraient au réseau public de souffler, et les milliers de RSG pourraient combler les places qu’elles sont en train de perdre, garantissant une meilleure qualité des services donnés à ces enfants.
Tandis que le réseau de la petite enfance s’annonce comme un des sujets chauds pour l’hiver et le printemps 2016, il est essentiel que le milieu familial public soit au cœur de nos discussions en tant que société, tout comme il est au cœur de notre réseau de la petite enfance.
Photo : CSQ