« Grande tristesse » : l’art contemporain et la langue française à Montréal

2016/03/10 | Par Colette Bernier

Il y a quelques semaines, je me rendais au Musée d’Art contemporain voir l’exposition de l’Islandais Ragnar Kjartansson. Je ne l’ai pas vraiment vue puisque, dès la première salle, je me suis sentie flouée, humiliée, triste… non par l’exposition elle-même, mais du fait qu’un musée montréalais puisse nous présenter cette série de vidéos exclusivement en anglais, non sous-titrées, hormis le court texte bilingue qui se trouve sur le mur à l’entrée de l’exposition.

C’est comme si, me présentant au cinéma pour voir un film dont j’avais lu la publicité en français, on me le présentait en anglais… Y avait-il au moins un texte d’accompagnement en français?

La jeune fille à l’entrée des expositions s’est montrée tout aussi perplexe que moi, mais n’a pu, pendant la vingtaine de minutes où je faisais le tour des autres expositions trouver quelqu’un pouvant m’expliquer la situation.

Or, ce tour complet du musée m’a aussi permis de voir que plusieurs autres vidéos jalonnaient les expositions dont une seule était en langue française! Est-ce que je me trouvais bien à Montréal?

Je repensai alors à une autre exposition du même musée à l’automne dernier, « Grosse fatigue »  de Camille Henrot, une autre vidéo unilingue en anglais. Or, pour cette artiste d’origine parisienne qui vit maintenant à New York, le consulat général de France à Québec avait offert une traduction sur papier de la vidéo.

Beau progrès, me direz-vous? Peut-être bien si on ne dit pas que, faisant dos aux visiteurs, le présentoir des traductions était vide lors de mon passage… Et, même avec cette traduction en mains, l’obscurité de la salle ne m’aurait pas permis d’en faire la lecture tout en regardant la vidéo!

Il n’est pas si loin le temps où le Musée d’Art contemporain de Montréal, à l’écart du centre-ville, peinait à attirer des visiteurs. Maintenant en plein cœur du quartier des spectacles, il ne semble plus se soucier autant des visiteurs, si ce n’est des seuls habitants et touristes anglophones de Montréal!

Et dire qu’à l’époque, la Place des Arts avait été construite dans ce quartier pour redorer les quartiers francophones de Montréal!

Ça n’est là qu’un exemple du processus d’anglicisation dans le domaine culturel à Montréal. Peut-on seulement souhaiter que la nouvelle politique de la culture annoncée par l’ex-ministre Hélène David en 2017, au-delà de son engagement à faire du français le socle de cette politique, avance des moyens d’action concrets pour remédier à la situation actuelle!

En attendant, je compte bien résilier ma carte de membre du MAC puisqu’elle ne crée chez moi, presqu’à chaque fois où je mets les pieds au musée, qu’une « Grosse tristesse »!