« C’était un secret de polichinelle, mais c’est maintenant confirmé », ont écrit les journalistes de différents médias, lorsque Stephen Bronfman a annoncé qu’il avait cosigné avec le maire Coderre une lettre, envoyée l’automne dernier, aux 30 équipes du baseball majeur, ainsi qu’à son commissaire Rob Manfred, pour leur signifier l’intérêt de sa ville pour le retour du baseball majeur à Montréal.
Le fils de Charles Bronfman, premier propriétaire des Expos, de 1968 à 1990, a déclaré que le financement nécessaire à cette aventure « ne sera pas un problème ». Espère-t-il que la Ville de Montréal et les autres niveaux de gouvernement investissent dans ce projet?
Fort probablement, car il avait déclaré, devant la jeune Chambre de commerce de Montréal, au mois d’avril 2013, qu’il « ne croyait pas qu’un investissement puisse être fait à 100% par le privé » (Blogue de François Pouliot, journal Les Affaires, 24/04/2013).
À cette occasion, il avait aussi affirmé qu’il ne pensait pas « qu’un nouveau stade soit nécessaire. C’est trop cher ». Mais il ne l’excluait pas. « Dans le meilleur des mondes, oui. Avec les Molson comme partenaires qui pourraient faire des shows. »
Il faut croire qu’avec l’élection de Denis Coderre, nous sommes maintenant entré dans ce « meilleur des mondes », car la construction d’un nouveau stade au centre-ville semble maintenant acquise. Même si Montréal a déjà un stade de baseball, comme l’écrivait dernièrement l’économiste Yves Capuano dans une lettre ouverte à La Presse.
L’économiste rappelait que le « stade a été conçu, dès son origine, comme stade omnisport » et qu’il a été « construit penché de façon à avoir plus de spectateurs derrière le marbre que derrière le champ centre ».
De plus, avec le succès populaire de l’Impact, l’argument voulant que les spectateurs des autres quartiers de Montréal boudent l’est de la Ville ne tient plus la route.
Alors, pourquoi vouloir à tout prix construire un nouveau stade au centre-ville de Montréal et, plus particulièrement, au Bassin Peel, qui semble être le site privilégié ?
Serait-ce parce que Stephen Bronfman, par l’intermédiaire de sa société d’investissement Claridge, a investi dans le projet de 1600 copropriétés Les Bassins du Nouveau Havre dans le secteur Griffintown, adjacent au Bassin Peel, et dans le développement de l’îlot Le Seville, un ensemble résidentiel de 450 appartements en copropriété sur la rue Ste-Catherine Ouest, pas très loin non plus du Bassin Peel?
Un grand Montréalais
L’association de Stephen Bronfman avec le maire Coderre ne s’arrête pas au retour du baseball majeur à Montréal. La société Claridge de Stephen Bronfman fait partie du groupe sélect des 10 Grandes Montréalaises, dix firmes qui ont investi un million de dollars chacune pour soutenir la Société du 375e, et dont les représentants siègent à son Conseil des gouverneurs.
Le comité responsable de l’organisation des Fêtes du 375e anniversaire de Montréal est dirigé par France Chrétien-Desmarais, fille de Jean Chrétien et épouse d’André Desmarais de Power Corporation.
Le Mouvement Montréal français vient de dénoncer le fait que « le français soit le grand oublié des Fêtes du 375e anniversaire », après avoir pris connaissance des grandes lignes de la programmation.
Anglais ou français? Cela n’a pas une grande importance pour Stephen Bronfman. Marié à la Québécoise Claudine Blondin, autrefois responsable du marketing chez Molson, il envoie ses enfants à l’école française, mais il a confié au journaliste François Pouliot être en faveur de la « liberté linguistique » et ne pas croire que le Québec perdrait son fait français, si les parents étaient libres de pouvoir envoyer leurs enfants dans l’institution scolaire linguistique de leur choix (Les Affaires, 24/04/2013).
Rappelons-nous que le 375e anniversaire de Montréal coïncidera avec le 150e anniversaire du Canada ! Ça promet !
Un Grand Montrealer
Stephen Bronfman a aussi fait partie, à la demande du maire Coderre, du Comité de travail sur la métropole. Dans son rapport, le Comité s’est prononcé contre « la logique où les municipalités sont vues comme de simples créatures de la province » où « les pouvoirs et la liberté d’action de la Ville de Montréal se limitent à ce qui est expressément et spécifiquement autorisé par les lois ».
Pour le Comité, « une nouvelle loi sur la métropole devrait être l’occasion de renverser la façon de faire actuellement utilisée par Québec pour encadrer l’action des municipalités ».
Dans cette perspective, le Comité recommande pour Montréal « une plus grande autonomie administrative et législative ainsi qu’une capacité accrue de définir sa gouvernance ».
La loi sur le statut de la métropole devrait aussi, selon le Comité, « revoir et élargir les pouvoirs de la Ville de conclure des ententes avec une entité gouvernementale, qu’elle soit canadienne ou étrangère, ou avec des organisations internationales en établissant des balises limitant les autorisations ministérielles préalables ».
Autrement dit, le Comité propose que Montréal établisse des relations directes avec le gouvernement Trudeau, au mépris de la Constitution canadienne, qui spécifie que les villes sont des créatures des provinces.
C’est le programme du néolibéralisme qui fait la promotion des Cités-États au détriment des États nationaux, mais aussi de ces anglophones montréalais qui se définissent comme Montrealers plutôt que comme Québécois.
Avec Justin Trudeau en Israël et à la Maison-Blanche
En 2013, Justin Trudeau a recruté son ami Stephen Bronfman pour financer sa course à la direction du Parti libéral. Ce dernier a rapidement recueilli 2 millions $, ce qui lui a valu d’être nommé, par la suite, à la tête du comité chargé des finances du Parti libéral. En un an, Bronfman avait déjà récolté près de 16 millions $, soit plus que le Parti libéral n’en avait jamais récolté au cours de chacune des années de la décennie précédente.
Mais la contribution la plus importante de Stephen Bronfman a été de permettre à Justin Trudeau et au Parti libéral de renouer avec la communauté juive et le gouvernement israélien. Une tâche difficile étant données les relations privilégiées nouées par Stephen Harper avec le premier ministre Netanyahou et que le Canada était alors considéré comme le « meilleur ami » d’Israël.
Stephen Bronfman a organisé une visite de Justin Trudeau en Israël et, aux dires de Bronfman, Trudeau a été tellement enchanté de son voyage et d’Israël qu’au terme de son séjour il disait « Nous » en s’identifiant aux Israéliens.
À la veille de l’élection d’octobre dernier, le Times of Israël titrait : « Dans les élections canadiennes, le soutien à Israël n’est pas en débat ». Le journal ajoutait que, même s’il était probable que Stephen Harper perde aux mains de Justin Trudeau, ce dernier opérerait sans doute un léger réalignement de la politique canadienne à propos du peuplement des territoires occupés, mais qu’il ne remettrait pas en question la politique pro-Israël du Canada.
Le journal rappelait que Trudeau avait embauché, comme directeur de sa campagne de collecte de fonds, Stephen Bronfman, le fils du « milliardaire juif canadien Charles Bronfman ».
Cependant, le journal émettait un bémol en notant que le frère de Justin, Alexandre, s’était montré très critique à l’égard d’Israël.
Mais la publication rapportait que Justin Trudeau s’était prononcé contre la campagne BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) à l’égard d’Israël, la qualifiant de « nouvelle forme d’antisémitisme à travers le monde ».
C’est sans doute pour tester l’attitude du gouvernement Trudeau à l’égard d’Israël que les Conservateurs ont déposé, dès l’ouverture de la session, une motion à la Chambre des communes condamnant la campagne BDS.
La majorité libérale a appuyé la motion, mais plus d'une douzaine de députés libéraux ont préféré rester assis au moment du vote. Quelques-uns ont brillé par leur absence et trois d'entre eux se sont levés pour voter contre la motion.
Soulignons, enfin, que Stephen Bronfman a été la seule personne invitée à la Maison-Blanche pour la réception offerte par Barack Obama à Justin Trudeau, qui n’était pas de la famille de Justin, ou membre du gouvernement ou de son personnel politique.
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