L’auteure est présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Comment réagiriez-vous si, votre journée de travail complétée, on refusait que vous retourniez à la maison, qu’on vous obligeait à faire un deuxième quart de travail?
Vous seriez probablement choqué et refuseriez de vous soumettre à cette directive, rappelant que personne ne peut vous obliger à travailler quand votre journée est terminée. Vous crieriez à l’injustice et vous auriez raison.
Pourtant c’est ce que vivent, jour après jour et semaine après semaine, des milliers d’infirmières et infirmiers partout à travers le Québec. Elles et ils sont devenus prisonniers d’un système qui les oblige à faire des heures supplémentaires, sans égard à leur vie privée, à leur degré de fatigue, aux risques sur leur propre santé et celle des patients.
Cette situation est unique au Québec. Il n’existe aucun autre groupe de travailleuses et travailleurs qu’un employeur peut ainsi contraindre à rester au travail contre leur volonté. Aucun autre groupe d’employées et employés qui connaît l’heure du début de son quart de travail sans jamais être certain du moment où il prendra fin. N’oublions pas qu’en plus de la fatigue qu’ils ressentent, ils doivent maintenir une attention de tous les instants. Les infirmières et infirmiers sont les seuls personnes salariées qui voient les besoins de leur employeur l’emporter sur toute autre considération, dont leur vie privée, lorsque vient le moment de déterminer si elles peuvent ou non retourner à la maison.
Est-ce acceptable? Un sondage CROP commandé par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) révèle que 82 % des Québécoises et Québécois considèrent que les heures supplémentaires obligatoires sont totalement inacceptables. C’est un large consensus en appui aux infirmières et infirmiers. Pourtant, le gouvernement ne fait rien pour mettre fin à cette situation injuste.
Il n’est donc pas surprenant qu’une majorité de la population, notamment les patients, constate l’état d’épuisement du personnel infirmier dans nos établissements de santé. Quand on en est rendu à ce que les personnes malades, qui viennent pour recevoir des soins, se questionnent sur l’état de santé du personnel soignant, le problème est plus que critique.
En cette Journée internationale des infirmières et infirmiers, le moment est propice à ce que nous nous arrêtions collectivement afin de réfléchir à certaines conditions de travail inadmissibles qui sont imposées au personnel de soins. Il est urgent que le gouvernement, pour le bien de notre société, prenne soin de celles et ceux qui, quotidiennement, prennent soin de nous. Cela passe obligatoirement par l’abolition des heures supplémentaires obligatoires.
Photo : CSQ