Après trois consultations publiques, dont deux menées par l’Assemblée nationale, et l’exercice de moyens de pression par les chauffeurs de taxi et leur association, le gouvernement libéral avait finalement consenti à déposer un projet de loi sur l’industrie du taxi.
En établissant un seul régime juridique, une seule catégorie de chauffeurs, le projet de loi 100 rencontrait les principales demandes des chauffeurs de taxi leur permettant de contrer les activités illégales d’Uber.
Mais, à la dernière minute, à 15h30, mercredi soir, sous la pression des jeunes libéraux et de la CAQ, le ministre Jacques Daoust s’est écrasé et a tout chamboulé avec le dépôt d’un amendement-surprise.
Avec cet amendement, le ministre pourra mettre en œuvre des projets pilotes pour une durée de deux ans, renouvelable un an – donc, qui vont durer trois ans – qui créeront une nouvelle catégorie de chauffeurs et de services de transport par taxi en édictant « des normes ou des règles différentes de celles prévues par la loi ».
Ce libellé donne au ministre la possibilité de changer toutes les conditions de travail des chauffeurs de taxi : assurances, immatriculations, etc.
De plus, le ministre a refusé un amendement de l’opposition qui visait à forcer Uber à payer ses arrérages à Revenu Québec avant de présenter un projet pilote. Il y a anguille sous roche.
Autrement dit, la loi va donc dire une chose et son contraire. Le ministre avait donné sa parole aux 22 000 chauffeurs de taxi du Québec qu’il fermait la porte à Uber. Il la renie !
Le gouvernement essaie de légitimer les activités illégales de la multinationale Uber en parlant d’« économie de partage » et de « covoiturage ». Tout le monde sait que c’est faux!
Dernièrement, le juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure du Québec a déclaré que « les chauffeurs d’Uber X se livrent à du transport rémunéré de personnes par automobile, ce qui exige à la fois un permis de taxi et leur inscription selon les lois fiscales en vigueur ».
Le juge Cournoyer a autorisé les perquisitions de Revenu Québec dans les bureaux d’Uber en disant que l’information qui lui était présentée « était suffisante pour établir qu’Uber ne respecte pas les lois fiscales québécoises et canadienne ».
En France, au mois de janvier dernier, un tribunal de grande instance a condamné Uber France à verser 1,2 million d’euros à l’Union nationale des taxis pour pratiques illégales. Un mois auparavant, l’entreprise avait été condamnée à 150 000 euros d’amende pour « pratique commerciale trompeuse ».
Bien qu’Uber soit une multinationale américaine, toutes ses filiales à l’extérieur des États-Unis sont reliées à Uber B.V., établie à Amsterdam, un pôle technologique qui abrite de grandes entreprises, comme Amazon et Google. Lorsqu’une course est payée par un utilisateur au Québec, la somme est versée à Uber B.V. à Amsterdam et le chauffeur reçoit sa rémunération d’Uber B.V. directement dans son compte de banque.
La législation aux Pays-Bas est avantageuse pour les sociétés qui gèrent des entreprises financières. Ces sociétés peuvent verser des redevances ou des royautés à une société installée aux Bermudes, sans payer d’impôt. Uber B.V. appartient à 100% à Uber International C.V., qui est enregistrée dans ce paradis fiscal que sont les Bermudes, comme l’a expliqué Jean-François Poulin, associé au cabinet comptable Raymond Chabot Grant Thornton, et expert en fiscalité internationale, dans une entrevue au magazine L’Actualité du 13 avril 2016.
Invoquer les nouvelles technologies pour permettre les activités d’Uber, c’est faire preuve de mauvaise foi. À Québec, Taxi Coop utilisait des applications de téléphones intelligents, bien avant l’arrivée d’Uber. L’entreprise va bientôt lancer une application permettant aux clients d’évaluer le service offert par ses taxis. Des applications, développées ici au Québec, par des Québécois.
Même chose à Montréal, où Taxi Diamond a pris le virage technologique. D’autres entreprises emboîtent le pas. Et tout le monde au Québec connaît maintenant Téo Taxi, les taxis électriques de l’entreprise d’Alexandre Taillefer, depuis sa participation à l’émission Tout le monde en parle. Affirmer que l’industrie du taxi est un « monopole » est donc une affirmation fallacieuse.
Ne nous y trompons pas, Uber est le cheval de Troie pour des multinationales, qui sous le couvert de « l’économie de partage », vont chercher à faire sauter, dans différents secteurs de l’économie, les législations qui protègent nos travailleuses et nos travailleurs.
Et quel message le gouvernement de Philippe Couillard envoie-t-il à ces multinationales étrangères? Que le Québec est ouvert à la fraude fiscale et à l’évitement fiscal!
Le Parti libéral se targue d’être le parti qui représente le mieux les communautés culturelles du Québec. Il vient de faire la preuve du contraire dans le dossier du taxi. La majorité des chauffeurs de taxi de la grande région de Montréal sont issus des communautés culturelles. Souvent, ce sont des diplômés, contraints à « faire du taxi » parce que ce même gouvernement libéral refuse de mettre ses culottes pour forcer les ordres professionnels à accélérer la reconnaissance de leurs diplômes.
Ces chauffeurs ont acheté à gros prix des permis; ils respectent nos lois et nos façons de faire. Pendant plus de deux ans, ils ont vu leurs revenus amputés par les pratiques illégales d’Uber. Et, aujourd’hui, le gouvernement, avec l’appui de la CAQ, leur envoie le message qu’il les laisse tomber!
Au Parti Québécois, nous allons rester vigilants. Nous allons examiner dans le menu détail, avec les représentants des chauffeurs de taxi, les futurs projets pilotes du ministre Daoust. Et nous ne les laisserons pas tomber !
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