La Nation Atikamekw de la Manawan

2016/09/13 | Par Gabriel Ste-Marie

Légende de la photo : Gabriel Ste-Marie et André Villeneuve rencontrant le chef Jean-Roch Ottawa et les élus et représentants des organismes de Manawan.

 

L’auteur est député du Bloc Québécois

Le 24 août dernier, avec mon collègue André Villeneuve, député du Parti Québécois de la circonscription de Berthier, nous avons passé la journée à Manawan. Nous avons échangé, lors d’une dizaine de rencontres, avec les élus et les représentants d’organismes et d’entreprises, et des citoyennes et des citoyens.

Située à un peu plus de 90 km au nord de Saint-Michel-des-Saints, la communauté de la nation atikamekw de Manawan compte 2400 membres et connaît une forte croissance démographique. La route qui s’y rend est un chemin forestier qui mène la vie dure aux camionnettes et VUS et contribue à l’isolement de la communauté.

Manawan fait face à de nombreux défis dans plusieurs domaines : logement, santé, éducation, transport et économie. Les conditions de vie sont nettement en deçà des standards de notre société. Par exemple, on compte souvent plus de dix personnes par habitation.

En même temps, la communauté et ses élus, à commencer par le chef Jean-Roch Ottawa, sont déterminés à se prendre en main et à changer la donne. Par exemple, la communauté a récemment lancé une usine de bûches percées à allumage facile destinées au camping de luxe et aux hôtels. L’entreprise emploie une dizaine de personnes et poursuit son expansion afin de répondre à la demande nord-américaine.

L’industrie touristique est aussi en développement, avec une nouvelle auberge à l’entrée de la communauté, en plus d’un service de camping sur une île du Lac Kempt. La promotion de leur culture et de leur patrimoine constitue aussi un attrait important. Enfin, la communauté a annoncé des partenariats avec l’industrie forestière de Saint-Michel.

L’accès difficile à Manawan demeure un obstacle de taille au développement économique et social de la communauté. L’amélioration du chemin d’accès représente des millions de dollars et les différents gouvernements n’y ont jamais donné suite. Ceci accroît l’isolement et force les habitants à consacrer l’essentiel de leur budget dans l’achat de camionnettes, qui ont une durée de vie éphémère.

La prestation des services aux autochtones relève du gouvernement fédéral. Les Atikamekws doivent donc négocier avec le ministère des Affaires autochtones et Santé Canada. Les procédures sont lourdes et rigides et il y a peu de place à l’autonomie, malgré le désir d’une prise en main de la communauté.

Par exemple, les règles du ministère ont forcé la communauté à construire un parc d’habitations dans un milieu humide, d’où une détérioration accélérée et l’apparition, après une dizaine d’années, de problèmes de moisissures.

L’école primaire est en surcapacité et proportionnellement moins bien financée que nos écoles. Le service de garde et la bibliothèque sont localisés dans des espaces de rangement au sous-sol. Les bureaux des travailleurs sociaux sont encombrés, nuisant à leurs interventions. La poussée démographique amplifie le problème.

Leur langue maternelle est l’atikamekw. L’enseignement du français est sous-financé, puisqu’il n’est pas reconnu comme étant leur langue seconde.

Juridiquement, les autochtones sont toujours considérés comme des personnes mineures par Ottawa. La communauté doit justifier chaque décision aux responsables fédéraux, qui accordent ou pas leur aval selon des critères arbitraux.

Santé Canada a par exemple refusé de couvrir les frais de déplacement d’un véhicule qui a transporté des patients vers l’hôpital de Joliette. Le déplacement en ambulance, beaucoup plus cher, aurait été couvert.

Selon les statistiques disponibles, la communauté de Manawan est nettement sous-financée par rapport aux autres communautés autochtones du Québec. Les règles de financement sont basées sur une approche historique qui n’intègre pas bien la poussée démographique. Le gouvernement fédéral ne veut pas rouvrir l’entente et menace de faire diminuer l’enveloppe financière actuelle si jamais le conseil en exigeait un réexamen.

La communauté réussit malgré tout à innover. Par exemple, le centre de santé a mis en place un système de télémédecine, qui permet notamment aux femmes d’assurer un suivi de leur grossesse sur place.

Pour les ainés qui souffrent de diabète et qui ont besoin de soins de dialyse plusieurs fois par semaine, la situation est désastreuse. Ils doivent quitter leur communauté pour aller vivre à Joliette, près de l’hôpital. Après quelques mois à l’extérieur de leur communauté, Ottawa leur coupe tout soutien.

Le fait de dépendre d’Ottawa pour des services, qui sont normalement fournis par Québec, génère un lot de problèmes de ce genre et les personnes dans le besoin se retrouvent fréquemment sans soutien.

Pour pallier cette forme d’exclusion, le gouvernement du Québec vient d’accorder un terrain à côté de l’hôpital de Joliette pour la construction d’un centre multiservices.

À cause de la loi désuète d’Ottawa, nos Première nations ne possèdent toujours pas les leviers pour se prendre pleinement en main. Les Atikamekws de Manawan travaillent à ce que ça change, nous sommes avec eux.

L’auteur est député du Bloc Québécois.