L’auteur est militant indépendantiste depuis 50 ans. Durant son périple l’auteur a d’abord appuyé le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN). Puis il a été membre du Parti québécois. Il milite maintenant à Québec solidaire, parti dont il est un des membres fondateurs. Il signe ce texte à titre personnel.
Les positions prises par les candidats à la succession de Pierre Karl Péladeau, qui se focalisent sur la tenue d’un référendum, indiquent que le PQ n’effectuera pas encore cette fois-ci le changement de paradigme nécessaire pour tirer le projet indépendantiste du bourbier dans lequel il s’est enlisé depuis 15 ans. Remettre ce dernier sur ses rails exigerait plutôt la mise en œuvre d’une politique inspirée par une façon de pensée et d’agir radicalement nouvelle. Il passerait d’abord par une mise en application du principe de la souveraineté populaire comme fondement de la stratégie d’accession à l’indépendance. Il impliquerait aussi qu’on cesse de réduire le projet indépendantiste à la seule dimension de la souveraineté politique de l’État québécois.
Ce qui importe ce n’est pas de tenir à tout prix un référendum lors du premier ou du deuxième mandat d’un éventuel gouvernement indépendantiste, comme le prétendent les aspirants à la chefferie. Ce n’est surtout par de perpétuer la formule éculée des conditions gagnantes comme le fait Alexandre Cloutier lorsqu’il propose que la décision de tenir un référendum ou non durant le premier mandat soit en pratique laissé au pif du chef qui sentirait le vent six mois avant les élections de 2018. On dirait parfois qu’aux yeux des candidats en lice l’alpha et l’oméga de la politique québécoise se résument dans la mécanique référendaire. Cette ambiguïté dans la démarche vers l’indépendance est certes la meilleure recette pour provoquer la désaffectation de la population.
Ce qui importe, au contraire, c’est de placer le plus vite possible les citoyens au cœur de la démarche d’accession du Québec à l’indépendance afin qu’au moyen d’un exercice intensif de démocratie participative ils puissent définir eux-mêmes le projet de constitution sur lequel ils auront à se prononcer lors du référendum qui clôturera le processus. Ce dernier serait donc inversé puisque le référendum conclurait la démarche plutôt que de l’initier. Une telle proposition signifie avant tout qu’on admette la nécessité de recourir au peuple non seulement pour dire oui ou non à la souveraineté de l’État lors d’un référendum dont la question serait dictée d’en haut comme en 1980 et 1995 mais qu’on confie le mandat à la population de définir les contours du pays dans lequel nous voulons vivre.
De façon concrète cela signifierait l’adoption d’une loi créant une Assemblée constituante indépendante de l’Assemblée nationale, du gouvernement et des partis politiques dont les membres seraient élus au suffrage universel ou encore choisis par tirage au sort afin de refléter le mieux possible la diversité du peuple québécois. Comme premier mandat cette dernière se verrait confier la tache d’effectuer une vaste consultation populaire. Puis, en tenant compte des résultats de cet exercice auquel toute la population serait invitée à participer, l’Assemblée constituante rédigerait un projet de constitution qui serait soumis au référendum qui finaliserait le processus.
Pas de projet de pays sans projet de société
En janvier 1995 le gouvernement Parizeau a mis sur pied une commission pour consulter la population sur le référendum qui devait survenir en octobre suivant. La démarche a soulevé un grand intérêt et plus de 6 000 mémoires ont été présentés en l’espace de quelques semaines. De nombreux militants souverainistes ont alors réclamé que la stratégie du référendum en préparation établisse une articulation étroite entre le projet de pays et le projet de société. Un consensus s’est établi sur ce point.
Mais l’idée n’a pas été retenue par le Parti québécois et ses alliés, le Bloc québécois et L’Action démocratique du Québec. On a plutôt pris la décision de limiter la question référendaire à la souveraineté de l’État québécois et de l’associer à la négociation d’un partenariat économique et politique avec le Canada (souveraineté-partenariat). Cela équivalait à proposer un projet de pays sans contenu. Le PQ s’était servi de la commission comme une formule de marketing pour mousser l’adhésion au ‘oui’. Tant pis pour les naïfs qui avaient cru participer à un véritables exercice de démocratie participative!
Il faut se souvenir que Jean-François Lisée, actuel candidat à la chefferie alors conseiller des premiers ministres Parizeau et Bouchard, a joué un rôle important dans cette opération où les militants indépendantistes se sont sentis floués.
Quant à Bouchard il s’est empressé d’envoyer ce rapport encombrant aux oubliettes. Plutôt que d’approfondir la démarche vers l’indépendance en s’associant la population son gouvernement a mis frileusement le cap sur le déficit zéro et l’attente passive de conditions gagnantes. Ses successeurs, Bernard Landry et Pauline Marois, ont conservé grosso modo cette stratégie qui a démoralisé les militants et accentué le déclin du parti. De telle façon, qu’après 16 ans le projet indépendantiste s’est affaibli. Et voici que les prétendants actuels à la direction du PQ s’apprêtent à répéter la même erreur. Sans doute Martine Ouellet est-elle plus volontaire que les trois autres en proposant la tenue d’un référendum dans un premier mandat mais elle est irréaliste en pensant qu’un processus constituant, tel que décrit ici, peut se dérouler en un espace de temps aussi restreint. Par contre, un éventuel gouvernement indépendantiste devrait enclencher le processus dès la prise du pouvoir en faisant adopter par l’Assemblée nationale la loi créant l’Assemblée constituante.
Sortir des sentiers battus du prosélytisme
Le nouveau paradigme signifie qu’on sorte des sentiers battus du prosélytisme et des campagnes menées selon le bon vieux mot d’ordre «sortir, parler, convaincre». Cette stratégie a porté ses fruits jusqu’à la limite lors du référendum de 1995 alors que le camp du oui a failli gagner.
Un règlement durable de la question nationale exige donc que la souveraineté politique soit liée à la souveraineté populaire, non seulement lors du référendum qui clôturera le processus mais pendant toute la démarche qui y mènera. On doit réaliser également que le débat sur l’avenir du Québec n’appartient à aucun parti politique en exclusivité pas plus qu’à un groupe de la société civile en particulier ni même au gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Il appartient à l’ensemble du peuple québécois.
Cette démarche se déroulerait dans un contexte dépassant les cadres partisans et les cercles souverainistes. Elle viserait à refonder l’État grâce à un large processus de démocratie participative et délibérative. C’est donc bien d’un changement de paradigme dont il s’agit. Cette approche compte de plus en plus de supporteurs. L’Organisation unie pour l’indépendance (Oui Québec) l’appuie. Québec solidaire solidaire la préconise depuis sa fondation. La population réalise de plus en plus qu’il ne pourra exister de véritable souveraineté politique sans souveraineté populaire. Il est grand temps que le PQ monte dans le train.
Dans la même catégorie
2008/02/11 | La face cachée du « success story » indien |
2008/02/06 | Débat Gérald Larose / Denis Monière |
2008/02/06 | Pourquoi le Darfour et pas le Congo ? |
2008/02/04 | Vers des universités cotées en bourse? |
2008/01/29 | Le cinéma documentaire des femmes |