Les 23 et 24 septembre dernier avait lieu le quatrième Forum des idées du Parti libéral. Au cours de cet événement, les deux principales questions abordées ont été le salaire minimum à 15 $/h et l’idée d’un revenu minimum garanti.
Au sortir de cette rencontre, le premier ministre Couillard a déclaré qu’il « fallait réfléchir avant d’agir ». Le ministre des Finances, Carlos Leitao, et le ministre de l’Emploi, François Blais, seraient déjà à l’œuvre pour élaborer une politique de lutte contre la pauvreté. Sans s’engager sur un échéancier précis, M. Couillard nous dit que, si cela est possible, des mesures pourraient être annoncées dans le prochain budget.
La bonne nouvelle, à mon avis, c’est que le salaire minimum à 15 $/h est toujours d’actualité. Cette campagne, lancée le 1er mai dernier par la FTQ, aurait pu tomber dans l’oubli au cours de l’été. Mais, heureusement, il n’en est rien. Elle a d’ailleurs été débattue pendant le Forum social mondial, qui a eu lieu au mois d’août dernier à Montréal.
Daniel Boyer, président de la FTQ et Alexandre Taillefer, propriétaire de la flotte de taxi^s Téo, ont animé un atelier sur le sujet. Rappelons que l’un des objectifs de la campagne pour un salaire minimum à 15 $/h est que ce sujet devienne un enjeu de la prochaine campagne électorale au Québec, en 2018.
Les détracteurs du salaire minimum à 15 $/h n’ont pas chômé durant l’été. Nos bons amis de la droite y sont allés de théories plus subtiles les unes que les autres. La théorie des pertes d’emploi en masse n’ayant pas eu l’effet désiré, ils en ont élaboré de nouvelles. En voici quelques-unes, entendues de la bouche des représentants de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI), de l'Institut économique de Montréal (IEDM), de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et, bien entendu, répétées en chœur par leur porte-voix, c’est-à-dire nos bons amis les analystes politiques et économiques de la droite.
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Augmenter le salaire minimum risque de rendre tous les travailleurs plus gourmands;
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Il pourrait y avoir un effet domino si on décide d’augmenter de beaucoup le salaire de certains;
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Les hausses de salaire seraient refilées aux consommateurs, ce qui annulerait leur effet;
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Les employeurs diminueront les heures de travail et couperont les bénéfices reliés à l’emploi (assurances collectives, régime de retraite, etc.);
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Les emplois seront remplacés par des robots;
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Il serait préférable d’augmenter les mesures de lutte à la pauvreté (crédits taxes, allocations diverses offertes par les gouvernements) plutôt que d’augmenter le salaire minimum.
Toutes ces théories ne tiennent pas la route lorsqu’on les examine de plus près.
Prenons d’abord la théorie qui réfère aux risques de rendre les travailleurs gourmands et aux possibles effets domino qu’aurait l’augmentation du salaire minimum. Pour être honnête, cette théorie est tout à fait vraie ! Il y a de fortes chances que tous les travailleurs qui touchent un salaire qui se situe près du salaire minimum, veuillent voir leur salaire augmenter. Et c’est normal.
Quand on sait que 10,5 % des clients des banques alimentaires sont des travailleurs, que 25 % des personnes qui habitent à Montréal vivent sous le seuil de la pauvreté et qu’une famille sur cinq dépense plus de 30 % de son revenu pour se loger, il est clair qu’un trop grand nombre de travailleurs vivent dans la pauvreté. Leur appétit pour une meilleure rémunération est déjà là. Ce n’est pas de la gourmandise, mais de la nécessité. Pour eux, tout est hors de prix !
On nous dit également que nos emplois seront remplacés par des robots. Quand j’entends cet argument, mon premier réflexe consiste à me demander « Où étiez-vous ces 30 dernières années ? » La robotisation et l’arrivée des nouvelles technologies sont présentes depuis plusieurs décennies et c’est loin d’être terminé.
Avec la hausse du dollar canadien et la délocalisation, la robotisation est l’un des principaux facteurs qui explique les pertes d’emploi dans le secteur manufacturier. Le grand paradoxe, c’est que ce phénomène est également créateur de nouveaux types d’emploi.
L’augmentation du salaire minimum n’y changera rien. Pour les entreprises, les travailleurs sont un outil de production qui est remplacé par un outil plus performant lorsqu’il est disponible.
D’ailleurs, si le niveau de salaire avait un lien direct avec le taux d’emploi, il n’y aurait aucun chômeur ni aucune nouvelle technologie en Chine ou au Mexique.
D’autres théories prédisent une hausse des prix à la consommation et une diminution des heures de travail ou des bénéfices sociaux pour pallier la hausse des salaires. D’abord, le salaire ne représente qu’une partie de ce qui constitue le prix d’un bien ou d’un service. Une multitude de facteurs influence les prix de ce qu’on consomme. L’offre et la demande, la compétition entre ceux qui offrent le produit, tous les coûts indirects de production pour n’en nommer que quelques-uns. Il y a également la marge de profit de l’entreprise, dont il faut parler, même si c’est un sujet tabou. Elle existe, eh oui! Les entreprises font des profits qui pourraient être distribués en partie à leurs travailleurs.
Toutes ces belles théories dégagent une triste réalité : nos bons amis de la droite et leurs porte-voix ne veulent pas la répartition de leur richesse.
Pour ma part, je pense que nos décisions collectives doivent être prises en fonction du genre de société que nous voulons. Toutes les entreprises existent pour répondre à un besoin de consommation et pour faire du profit. Il est normal et même souhaitable qu’une entreprise fasse des profits. Mais doit-on accepter comme société qu’un pourcentage toujours croissant de travailleuses et de travailleurs vivent dans la pauvreté pour ne pas nuire aux entreprises et à l’accumulation de richesse de leurs dirigeants ? Je ne le crois pas.
L’idée mise de l’avant par la FTQ et reprise par l’ensemble du mouvement syndical et de nombreux groupes sociaux d’une augmentation graduelle du salaire minimum à 15 $/h est une proposition tout à faire viable. Nous vivons dans une société parmi les plus riches du monde, il est inacceptable que les travailleuses et les travailleurs y vivent dans la pauvreté.