Le 27 septembre dernier, les employés de l’hôtel Quality de Sherbrooke ont conclu une entente de principe avec leur direction. La Fédération du commerce (FC-CSN), qui regroupe près de 5 000 membres dans le secteur de l’hôtellerie répartis dans 57 syndicats, déposait alors sa 9e entente de principe. Jusqu’à maintenant, trois ententes de principe ont été ratifiées, soit au Ritz-Carlton, au Marriott Château Champlain et au Hilton de Laval.
Suite à une saison touristique particulièrement bonne cet été, la CSN a entamé des négociations coordonnées dans une vingtaine d’hôtels au Québec de Montréal, Québec, Magog, Sherbrooke, Pointe-Claire et Dorval.
Les ententes conclues à ce jour prévoient des augmentations de salaire de 3 % sur trois ans, puis une augmentation de 4 % la quatrième année. En entrevue avec l’aut’journal, Michel Valiquette, trésorier de la Fédération du commerce de la CSN, se réjouissait de cette amélioration : « D’une part, nous avons répondu à la demande de l’employeur, qui souhaitait une convention collective de plus longue durée ; d’autre part, nous avons également réussi à obtenir une augmentation de 4 % pour la dernière année, pour un total de 13 % d’augmentation sur 4 ans ».
Les employés ont également obtenu des bonifications d’indemnités de vacances : « Nous sommes passés de 10 % à 11 % du salaire prévu pour un employé disposant de 5 semaines de vacances, et de 12 à 13 % pour un employé profitant de 6 semaines de vacances ».
Les syndicats se sont également montrés attentifs aux récentes transformations d’établissements hôteliers en condos ou résidences étudiantes : « Nous voulions protéger nos membres en cas de fermeture, de transformation ou de changement de vocation de l’établissement. Désormais, grâce aux nouvelles ententes, nous assurons une indemnité de départ pouvant aller jusqu’à 35 000 $ ».
Si les négociations vont bon train dans plusieurs établissements, d’autres syndicats n’ont pas encore obtenu de règlement. Le 16 septembre dernier, sept syndicats ont voté à forte majorité l’adoption d’une banque de cinq jours de grève. Les hôtels visés dans la grande région de Montréal sont le Bonaventure, l’Hôtel des Gouverneurs Place Dupuis et le Holiday Inn Laval, et le Delta, le Hilton, l’hôtel Pur et Classique à Québec. Ce mandat, voté à forte majorité par les membres, faisait suite à un précédent vote de trois jours de débrayage au début du mois.
Quelques jours plus tard, les employés syndiqués de l’hôtel Classique, situé sur le boulevard Laurier à Québec, ont adopté à 100 % une résolution déclenchant une grève générale illimitée au sein de leur établissement.
« L’employeur avait rencontré une dizaine de membres du syndicat pour leur annoncer que leurs tâches étaient désormais confiées à un sous-traitant. 75 % de nos membres œuvrant dans le secteur ménager et à la buanderie étaient directement touchés par ce lock-out déguisé. En signant un contrat avec ces prétendus sous-traitants, une agence fondée quelques jours plus tôt, la direction voulait en fait contourner les lois anti-briseurs de grève. Les patrons ont rapidement été rabroués par le tribunal administratif du travail. »
La direction de l’Hôtel Classique, qui s’est forgée une réputation « peu enviable dans le milieu syndical », semble espérer écraser le syndicat, en présentant « des arguments peu rationnels et en faisant preuve de peu de coopération avec les syndiqués. », explique le porte-parole des négociations de la FC-CSN dans l’hôtellerie.
Les négociations s’annoncent également plus ardues à l’Hôtel Bonaventure, avec un débrayage de 36 heures consécutives en période de forte affluence. « Suite à ce débrayage, l’employeur a décidé de mettre en vacances forcées ses employés pour une durée indéterminée. La CSN a alors immédiatement réagi en proposant l’adoption d’un mandat de grève générale illimitée. Ainsi, ce n’est pas à l’employeur de décider quand et à quelles conditions les employés reprendront leurs postes. » C’est à 97 % que ces syndiqués ont voté en faveur d’une grève générale illimitée, lors d’un scrutin secret.
Comme il s’agit d’une négociation coordonnée, les syndicats concernés se consultent et cherchent à obtenir le même règlement dans tous les établissements. La CSN favorise cette pratique depuis plusieurs années. Cela permet à la Confédération de présenter les mêmes revendications pour plusieurs hôtels, dont la convention collective arrive à échéance au même moment. Chaque syndicat reste néanmoins autonome dans l’exercice de ses moyens de pression.
Cette forme de négociation permet également aux syndicats de se coordonner. C’est ce que les différentes organisations ont fait le 9 septembre dernier, au plus fort du mouvement, alors que les syndicats de 10 hôtels de Montréal et de Québec ont débrayé durant 24 heures.
« Nous voyons clairement les résultats de ces 30 ans de négociations coordonnées dans le secteur de l’hôtellerie. Au départ, un emploi dans l’hôtellerie représentait davantage un revenu d’appoint. Les travailleurs gagnaient le salaire minimum et ne bénéficiaient d’aucun régime de retraite, d’assurance ou de vacances. Aujourd’hui, une femme de chambre qui travaille à temps plein dans un établissement hôtelier et qui est membre d’un syndicat peut faire carrière au sein de l’établissement, gagner sa vie dignement et obtenir un prêt pour une voiture ou une maison », explique Michel Valiquette.
Les employés disposent maintenant de vacances pouvant aller jusqu’à 6 semaines, de journées de maladie et d’un régime de retraite. « Les conditions de travail ont évolué de façon exponentielle. Cela dit, plusieurs employés à temps partiel et temporaire occupent toujours des emplois précaires. »
C’est en 1986 que des visionnaires comme Lise Poulin, Gilles Duceppe, Jacques Lessard et plusieurs militants du secteur de l’hôtellerie ont pensé à unir les forces de différents syndicats du milieu pour négocier.
Au courant des années 80, plusieurs syndicats d’hôtels auparavant associés à une section locale d’un syndicat américain corrompu et antidémocratique se sont affiliés à la CSN. La nécessité de coopérer, au lieu de mettre les syndicats des différents hôtels en compétition, s’est rapidement imposée pour créer un rapport de force considérable.
Les syndicats ont donc dû sacrifier une partie de leur autonomie et travailler ensemble pour assurer cette solidarité. On a alors forcé les syndicats à harmoniser leurs objectifs de négociations pour l’intérêt collectif du secteur.
Si la stratégie de la négociation coordonnée a grandement favorisé l’amélioration des conditions de travail pour ces employés, Michel Valiquette tient à souligner la grande détermination et la solidarité des travailleurs de l’hôtellerie. « Une réelle solidarité s’est bâtie au fil des années parmi ces employés, dont plusieurs sont des femmes, des travailleuses immigrées, dont certaines sont à statut précaire. On leur a permis de se retrouver, de reconnaître leur réalité de travail commune. La force du nombre a été un facteur décisif, mais leur esprit d’entraide et leur volonté ont eu, et ont toujours une portée importante au sein du mouvement. »
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