Bon Grey, mal Grey

2016/10/27 | Par Michel Rioux

Il paraît qu’à l’occasion d’un interrogatoire, deux policiers s’arrogent des rôles différents. L’un se veut intimidant et au verbe accusateur. L’autre, plutôt débonnaire et protecteur. De là l’expression Bon Cop, Bad Cop !

Tout entier consacré à la mise en valeur de sa propre personne, Me Julius Grey recherche constamment le moyen de se présenter dans une posture idéologique et intellectuelle susceptible d’amener quiconque ne prête pas suffisamment attention à ses arguments à conclure que voilà, en effet, un homme de progrès, grand défenseur des causes nobles et justes.

Mais il faut y regarder de plus près. On constate alors, au contraire, que le Maître en question est passé… maître dans l’art de flasher à gauche pour mieux tourner à droite. On ne peut alors que s’écrier, comme Madame Roland avant d’être guillotinée : Ô Liberté ! Que de crimes on commet en ton nom !

Car le Maître n’en a que pour cela, la liberté. Une liberté qui ne peut se concevoir qu’individuelle et qui doit se traduire en droits, encore là individuels. Une espèce de liberté menacée, on s’en serait douté, par des droits collectifs qui ont l’heur de provoquer chez lui des poussées d’urticaire. Il s’en était ouvert il y a plusieurs années dans le Journal de Québec. « Une société où le concept douteux de « droit collectif » non seulement remplace la solidarité entre individus qui était à la base des grandes réformes au 20e siècle, mais obtient une préséance sur les libertés individuelles. Bref, une démocratie totalitaire. » 

Ce contempteur de la Loi 101 devant la Cour suprême a dit de la Charte de la laïcité qu’elle serait pour les musulmans ce que fut Hitler pour les juifs. Rien de moins…

Ce que décrit cet autoproclamé défenseur de la veuve, de l’orphelin et, tout récemment des pittbuls - où il fait cause commune avec une congénère, Me Goldwater -, ce n’est pas la solidarité, c’est la charité, une vertu érigée en système jusqu’au 20e siècle. Or c’est plutôt le concept de justice qui a amené la collectivité à prendre solidairement des mesures pour protéger les moins bien nantis.

Cet avocat qui se dit de gauche a continué de tenir chronique en dépit d’un lock-out qui a sévi durant plus d’un an au Journal de Québec. Il soutenait, contrairement à Lise Payette, qu’il n’avait pas à cesser sa collaboration pour appuyer les travailleurs mis à la rue par Québecor. Il avait alors invoqué un argument particulièrement spécieux : « Il est important que des idées de gauche continuent de circuler ». Il avait à l’époque déploré la sentence de prison prononcée contre Lord Conrad Black sous le prétexte qu’il n’était pas un homme dangereux…

Cet avocat aux idées de gauche et défenseur des nobles causes a déjà choisi de défendre l’Association des garderies privées, qui voulait imposer une surfacturation aux parents. Ce chevalier du kirpan a fait valider le port de ce couteau dans les écoles alors qu’il est interdit dans les cours de justice et dans les avions. Il s’est porté à la défense de l’imam Saïd Jaziri, de triste mémoire. Il a soutenu le droit de travailler dans la construction sans carte de compétence, en combattant l’obligation d’être membre d’un syndicat.

Idée de gauche, aussi, que celle de se porter à la défense des tenanciers de bars, dont le Maître a dit, dans le Journal du Barreau, que la liberté est au centre du débat et que leur volonté de dénoncer la loi interdisant de fumer dans les lieux publics est « très importante pour toute la société, dans la mesure où elle pose des questions fondamentales sur la liberté, sur le droit légitime de faire des affaires, sur la vie quotidienne des citoyens, sur les limites de la règlementation et sur les exigences de la santé publique » ? 

Idée de gauche, celle de faire parvenir en décembre 2007 un SLAPP de 100 000 $ et d’accuser d’antisémitisme un citoyen coupable d’avoir demandé la destitution du richissime Michael Rosenberg de la Commission sur les relations intercommunautaires d’Outremont. Le citoyen accusait Rosenberg de « bafouer allègrement les règlements municipaux » ?

Noble cause aussi que celle de porter jusqu’en Cour suprême la décision de la Cour d’appel sur l’illégalité d’une synagogue et d’une école hassidiques construites illégalement à Val-Morin ?
On l’a qualifié « d’avocat des nobles causes ». Le Canadian Jewish News n’a pas hésité, il y a deux ans, à dire qu’il était «  un défenseur des plus faibles et des plus démunis ». Vraiment « faible et démuni », Mike Ward face au petit Jérémy ? Vraiment « une bonne cause » que celle de cette école musulmane qui accable Djemila Benhabib pour ses propos ? Le vertueux disciple de Thémis a vraiment une conception à géométrie variable de la liberté d’expression.

M’enfin ! Dans quel état serait en effet le Québec si Me Grey n’était pas là pour porter bien haut le flambeau des généreuses idées de gauche, on se le demande !

Photo : montrealgazette.com