L’auteure est députée du Bloc Québécois
Beaucoup de gens avalent leur café de travers en apprenant que les nouvelles mamans, qui perdent leur emploi pendant ou au retour de leur congé parental, sont exclues de l’assurance-emploi et abandonnées à leur sort.
Ça semble absurde ! Pourquoi les femmes seraient pénalisées pour avoir donné naissance ? C’est pourtant la réalité des Québécoises en raison d’une brèche dans la loi canadienne de l’assurance-emploi.
On imagine bien la situation intenable dans laquelle se trouvent des familles qui, du jour au lendemain, perdent un revenu, alors qu’elles s’adaptent à la vie avec un nouvel enfant.
On imagine facilement à quel point c’est encore plus dramatique dans le cas de mères monoparentales.
Entendons-nous bien ! Les hommes peuvent également être touchés au lendemain de leur congé parental. Mais, en pratique, près de 90 % des demandes de congés proviennent des femmes.
Au Bloc Québécois, nous avons été consternés lorsque des citoyennes de nos circonscriptions nous ont fait part de pareilles injustices. Parce qu’il y a urgence d’agir, j’ai déposé mon tout premier projet de loi au Parlement afin de protéger les nouvelles mères qui perdent leur emploi.
Mais le gouvernement libéral, lui, ne partage pas ce sentiment d’urgence.
La source du problème est toute simple. Les prestations de l’assurance-emploi sont calculées selon les revenus des personnes pendant les 52 semaines précédant leur demande. Or, bon nombre de mères, qui se sont prévalues de leur congé de maternité et de leur congé parental, n’ont pas accumulé suffisamment d’heures pendant ces 52 semaines pour être admissibles au régime.
Les Québécoises sont particulièrement touchées, parce que le Québec s’est doté d’un régime de congés parentaux beaucoup plus généreux et progressiste que celui auquel ont droit les Canadiennes.
Et ça porte fruit ! Depuis la mise en place de la politique familiale québécoise, il y a 10 % plus de Québécoises sur le marché du travail. Elles apprécient manifestement les congés parentaux mieux adaptés à leur réalité, puisqu’elles sont 14 % plus nombreuses à s’en prévaloir et ceux-ci durent en moyenne six semaines de plus.
En contrepartie, les Québécoises sont aussi plus à risque de ne pas pouvoir amasser le nombre d’heures travaillées nécessaires pour avoir accès à l’assurance-emploi. Elles sont donc pénalisées par le retard canadien en matière d’égalité homme-femme.
Si la source du problème est simple, la solution l’est tout autant. La Loi de l’assurance-emploi a toujours prévu des cas d’exception. La période de référence a été doublée, passant de 52 à 104 semaines, pour les détenus, les blessés et les malades. Les femmes en situation de retrait préventif peuvent également profiter de cette mesure. Mais pas les femmes dont la grossesse se déroule bien !
Le gouvernement pourrait très bien modifier la définition de grossesse prévue à ce règlement pour y inclure la vaste majorité des nouvelles mères. Et une modification règlementaire, c’est simple comme bonjour. Il n’y a pas obligation d’en saisir la Chambre et de passer par tout le processus législatif.
Tout ce que ça prend, c’est un coup de plume pour qu’un règlement digne du XXIe siècle entre en vigueur. Tout ce que ça prend, c’est un peu de volonté politique pour que l’assurance-emploi cesse d’être à contre-courant de la réalité des femmes, qui sont sur le marché du travail et qui attendent de l’État des politiques facilitant la conciliation travail-famille.
J’ai alerté la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, MaryAnn Mihychuk, sur ce préjudice envers les femmes qui perdure. Je lui ai parlé, je lui ai écrit, conjointement avec mon collègue Simon Marcil, pour lui préciser quel règlement modifier et comment le faire. Nous lui avons offert notre entière collaboration. Presque cinq mois plus tard, j’ai dû déposer un projet de loi pour lui mettre un peu de pression.
Sans surprise, lorsque j’ai questionné le gouvernement en Chambre, c’est de consultations dont on m’a parlé. La ministre Mihychuk passe la rondelle à son collègue Jean-Yves Duclos, le ministre de la Famille, qui consulte actuellement la population sur les congés parentaux au Canada.
Son bureau a réagi en déclarant qu’il en incombera aux participants à ses consultations de soulever la question des nouvelles mères abandonnées par l’assurance-emploi.
Je répondrai au ministre que la question, elle est soulevée ! Je l’ai posée par écrit ! Je l’ai même posée en Chambre !
Si le Canada veut se doter d’un meilleur programme de congés parentaux, d’un programme à l’image de celui du Québec, grand bien lui fasse. Mais ce n’est pas pour demain.
En attendant, les libéraux, et en premier lieu la ministre Mihychuk, ne doivent pas se cacher derrière leurs consultations pour laisser les femmes en plan.
C’est la ministre Mihychuk qui est responsable de l’assurance-emploi. Elle peut très bien agir immédiatement pour protéger les femmes en modifiant un simple règlement.
De toute évidence, la députation libérale du Québec, qui est courant de la situation, ne pèse pas lourd dans la balance à Ottawa, malgré ses 40 députés.
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