La Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, par la voix de son Président général, Me Maxime Laporte, a vertement dénoncé mercredi les modifications apportées par le gouvernement Couillard aux règles en matière d’affichage commercial. De façon détaillée, la SSJB a taillé en pièces la nouvelle mouture du Règlement sur la langue du commerce.
Renoncement libéral
Ces développements interviennent à la suite d’un important revers judiciaire essuyé par le Québec devant la Cour d’appel en 2015, jugement «que notre très provincial gouvernement a renoncé à porter en Cour suprême, puis renoncé à renverser législativement, se satisfaisant plutôt de simples modifications règlementaires, lesquelles se révèlent remarquablement timides.» En juin dernier, la SSJB avait rendu publique une série de critiques constructives destinées au ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, monsieur Luc Fortin, mais celles-ci n’ont visiblement pas trouvé écho dans le nouveau règlement…
Des consultations de façade pour une politique de façade
Monsieur Laporte a fait valoir: «Ainsi, monsieur Fortin se contentera des «mesures de façade» projetées dès le départ, n’en déplaise à tous ceux et celles qui, depuis l’an dernier, les ont fermement pourfendues. À la lecture du nouveau règlement, il appert que le gouvernement libéral a eu beau mener une consultation large, celui-ci a manifestement fait semblant d’écouter les défenseurs du français et les représentants des travailleurs et travailleuses québécois dans ce dossier, sans compter tous les citoyens qui en ont mare d’assister, malgré eux, à la ré-anglicisation du paysage commercial québécois, surtout dans la région métropolitaine.»
"French flavour"
«Ces nouvelles dispositions ne répondent ni à l’objectif de faire du français la langue publique et commune au Québec, ni à celui de garantir le droit des travailleurs d’évoluer dans un environnement de langue française, ni à celui de protéger les consommateurs, dont on présume implicitement qu’il leur appartient de comprendre d’autres langues que le français...», a renchéri Maxime Laporte.
«Bien mièvrement», les nouvelles dispositions du Règlement commanderont aux entreprises affichant une marque de commerce dans une autre langue que le français, non de se franciser, mais d’assortir telles marques d’une «présence suffisante» de la langue officielle. Sur les façades extérieures de leurs places d’affaires, elles devront désormais faire apparaître, en caractères plus petits, une expression ou un «slogan» français quelconque, «en privilégiant» une information portant sur leurs produits ou services.
Monsieur Laporte a commenté: «Outre de donner une "french flavour" à quelques vitrines de magasins, tout indique qu’on continuera à se sentir au centre-ville de Montréal et en certains autres lieux au Québec, comme on se sent «dans le Maine ou le Massachusetts», pour emprunter la formule d’Hélène David, prédécesseure du ministre Fortin. On est loin de la vision de Robert Bourassa qui, au tournant des années 90, était allé jusqu’à invoquer la clause nonobstant pour maintenir l’affichage unilingue français au Québec…»
Champ d’application
«Concernant le domaine d’application du règlement, nous aurions souhaité qu’en plus de s’appliquer aux «devantures», le règlement s’étende à l’intérieur des magasins, de même qu’aux installations éphémères et aux biens meubles comme les véhicules de transport. Il nous semblait également légitime et nécessaire que les nouvelles règles visent tout document publicitaire et médium où apparaît la "trademark" d’une entreprise: notamment, puisque nous sommes au 21e siècle, les communications électroniques comme le publipostage par courriel et les sites Internet…», a indiqué le Président général.
Des slogans plutôt que des génériques
Monsieur Laporte a ajouté: «D’autre part, il n’eût pas été téméraire, à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle, d’obliger les entreprises à accompagner leurs marques de commerce anglaises, non de termes indéfinis, mais de génériques ou descriptifs français… Cette mesure aurait assurément constitué une limite raisonnable à la liberté d’expression commerciale garantie par les chartes, coïncidant de plus avec les objectifs de la Loi sur la protection du consommateur.»
La présence suffisante du français
L’avocat de formation a mentionné: «Inusité, le concept de «présence suffisante du français» pourrait se révéler une entorse à la notion de nette prédominance de la langue officielle dans l’affichage, développé par la Cour suprême dans l’arrêt Ford (1988), lequel se voulait déjà un ‘net’ recul à l’époque pour le Québec français. Ce concept de «présence suffisante» consacre le fait que les normes linguistiques québécoises fonctionnent désormais à deux vitesses, créant objectivement deux classes de citoyens corporatifs: d’une part, les entreprises affichant une marque de commerce en anglais, – typiquement des grandes multinationales, qui pourront continuer à profiter de notre dissonance cognitive constitutionnelle pour se soustraire au principe de la nette prédominance en invoquant la compétence fédérale sur les marques de commerce, à laquelle se plie d’ailleurs le projet de règlement. Et d’autre part, les entreprises ayant enregistré une marque de commerce française, – typiquement les PME, qui n’auront guère le choix, elles, de se conformer à cette règle.»
D’autres aspects inchangés
«Enfin, tant qu’à rouvrir le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, on aurait au moins pu en profiter pour redresser certaines des lacunes qu’il traîne depuis trop longtemps. Parmi celles-là, il y a le bilinguisme de facto tel qu’il s’affiche dans les zoos, musées, jardins botaniques, découlant de la règle de l’équivalence minimale du français contenue dans le Règlement… Pourquoi le français n’y apparaîtrait pas de façon «nettement prédominante»?»
«Le ministre Fortin aurait également pu étendre la règle de l’unilinguisme français à tous les panneaux-réclame ou affiches visibles sur les chemins publics, et non uniquement ceux d’une superficie de 16 m2 et plus», a conclu Me Laporte.
Fondée en 1834, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est le plus ancien organisme citoyen dédié à l’avancement de la cause du français en Amérique du Nord et des intérêts du peuple québécois.
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