« En 2017, on peut passer 3 semaines sans manger, 3 jours sans boire et 3 minutes sans respirer… mais on ne peut pas passer 3 secondes sans Internet haute vitesse ! »
Cette phrase, qui a beaucoup fait rire au Conseil national du Parti Québécois, le 15 janvier dernier, vient d’un militant qui appuyait une résolution au sujet de l’urgence de « brancher » tout le territoire du Québec.
Au-delà de l’image qui frappe, il y a cette réalité de plus en plus décriée : près de 300 000 ménages québécois, principalement en milieu rural, n’ont pas accès à Internet haute vitesse. Le Québec est vraiment en retard par rapport aux pays développés.
L’impact de cette carence est énorme sur le développement des régions, sur la formation, sur les familles et sur les possibilités de télétravail, par exemple. Quand une simple requête Google peut prendre entre 45 secondes et deux minutes pour être effectuée, on comprend aisément qu’il y a urgence d’agir.
Pour vous et moi, une conversation Skype saccadée ou une vidéo qui n’en finit plus de charger, c’est très frustrant ! Imaginez alors l’impact sur la productivité d’une PME, qui n’a pas un accès Internet adéquat…
Selon une des seules études sur le sujet, The Need for Speed: Impacts of Internet Connectivity on Firm Productivity (1), il y aurait un écart de productivité de 7 à 10 % entre les entreprises ayant adopté l’Internet haute vitesse et les autres. Et, il est clair que la haute vitesse d’hier n’est plus la haute vitesse d’aujourd’hui et encore moins de demain.
L’écart entre les possibilités de développement des entreprises « non branchées » en région et les autres se creusera encore davantage. En date de 2015, seulement 16,1 % des entreprises québécoises branchées disposaient d’une telle connexion.
C’est pourquoi la proposition des citoyens de la Côte-Nord, qui demandent « d’exiger du gouvernement du Québec qu’il s’engage à assurer un service Internet haute vitesse partout sur le territoire québécois, en partenariat avec le secteur privé et, si nécessaire, par le biais d’une société d’État » est plus que pertinente.
J’ai déjà eu l’occasion de réfléchir à la question et aussi d’interroger la ministre responsable du dossier, Dominique Anglade, qui a été extrêmement décevante. En effet, au printemps 2016, lors du débat sur les derniers crédits, je l’ai questionnée sur ce qu’elle considérait être de la haute vitesse et elle a bafouillé du 5 Mbit par seconde jusqu’à 25 Mbit par seconde, alors que, déjà en 2015, le président Obama annonçait du 1000 Mbit par seconde pour les États-Unis. Mme Anglade a déjà une vision passéiste.
Au Québec, le service est non seulement trop lent, mais aussi trop cher et disparate. Il n’y a aucune raison valide, qui explique que nous payons le double des pays de l’OCDE. Même au Vermont, des municipalités offrent, à la moitié du prix tarifé au Québec, un service d’accès à 1000 Mbit par seconde.
En mettant en place les mesures nécessaires pour assurer une meilleure compétition, ou en intervenant directement via une société d’État, nous pourrions couvrir tout le territoire du Québec pour qu’un service de 1000 Mbit par seconde soit offert au prix moyen des pays de l’OCDE.
Cela permettrait aux ménages d’économiser jusqu’à 1000 $ par année. Cela permettrait également, aux différentes régions, d’attirer des nouvelles PME et des travailleurs autonomes, qui pourraient alors bénéficier de tous les attraits des régions, tout en étant « branchés » sur le monde.
Il est vrai qu’avec seulement les pouvoirs d’une province, le Québec est encore soumis au CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), qui est loin d’avoir réussi à faire du Canada un champion de l’économie numérique. C’est plutôt le contraire.
Le Canada est à la remorque à tous les niveaux, à la remorque au niveau de l’accès, des prix et même de la réglementation. Un Québec indépendant aura les moyens économiques, légaux et décisionnels pour faire du Québec un leader de l’économie numérique.
C’est pourquoi le Québec doit, en plus des infrastructures d’accès, être proactif sur les contenus pour continuer à faire rayonner sa culture.
En exigeant que les vitrines des plateformes numériques, comme iTunes, Spotify, Netflix, etc., offrent à leurs clients au Québec 65 % de création québécoise francophone, nous permettrons à la culture québécoise d’être également visible sur les plateformes numériques.
Il n’est évidemment pas question ici de restreindre le contenu de l’offre en ligne, mais bien de favoriser la présence d’œuvres québécoises en vitrine sur ces sites.
Les transactions numériques sont de plus en plus nombreuses. Par équité fiscale et pour assurer une saine concurrence, il est essentiel que le gouvernement assujettisse toutes les transactions en ligne aux taxes de vente.
Ces dizaines, voire ces centaines, de millions récupérés pourront être investis tant pour la création de produits culturels qu’en développement économique.
Internet est aujourd'hui un service essentiel, au même titre que l'eau, l'électricité et le téléphone. Si rien n’est fait, on se dirige vers une société à deux vitesses, celle de ceux qui ont accès à la haute vitesse et les autres.
Ceux et celles qui n’ont pas accès au Web se retrouvent désormais désavantagés. Pour rivaliser ou être à la hauteur dans un marché désormais global, il faut être connecté et bien connecté. Il en va, non seulement de la santé, mais même de la survie de la culture et du développement économique pour les régions du Québec.
L’auteure est députée du Parti Québécois
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