L’auteure est députée du Bloc Québécois.
Le 28 octobre dernier, j’intervenais à la Chambre des Communes, suite à la condamnation de Jacques Corriveau, personnage important du scandale des commandites. Voici le texte de mon intervention, dans le cours laps de temps qui m’était alloué :
« Monsieur le président,
Hier, avec la condamnation d’un proche de Jean Chrétien, on se rappelait que le scandale des commandites, c’était un scandale libéral. Un scandale de magouille libérale.
Vingt ans plus tard, c’est toujours le même parti avec la même culture. On le voit avec les cocktails et les soupers avec des ministres pour libéraux privilégiés.
Mais avant tout, le scandale des commandites, c’était un scandale fédéraliste, qui visait à tuer le mouvement indépendantiste avec l’argent des contribuables. Et ça, c’est un échec. Un échec fédéral.
Vingt ans plus tard, nous sommes toujours là, déterminés à faire avancer le Québec vers son indépendance ».
Pour nous rafraîchir la mémoire, rappelons ce qu’a été le scandale des commandites.
Quelques mois après le référendum de 1995, et la victoire de justesse du camp du NON (50,58%), les fédéralistes craignaient un match revanche. Aussi, le gouvernement libéral de Jean Chrétien a transgressé ses propres lois et règlements dans le cadre d’un programme de commandites.
De 1997 jusqu’au 31 mars 2003, 250 millions de dollars seront dépensés pour financer des événements, particulièrement au Québec, dans le but d’assurer une plus grande visibilité du Canada.
Ce programme n’avait jamais été présenté ou approuvé par le Parlement. Le gouvernement fédéral a agi avec une absence flagrante de transparence. Mme Sheila Fraser, la vérificatrice générale du Canada, a déposé en 2004 un rapport explosif, qui révélait qu'environ 100 millions de dollars des 250 millions du programme des commandites avaient été alloués à des agences publicitaires proches du Parti libéral du Canada et à des entreprises publiques pour des prestations insuffisantes, voire aucune prestation réelle.
Une bonne partie de cet argent s’est retrouvé dans les coffres du Parti libéral du Canada, via les contributions de ces mêmes agences.
Suite à ce rapport, une commission d’enquête dirigée par le juge John Gomery a été chargée de faire la lumière sur les faits allégués. Un des aboutissements ultimes de cette commission résulte dans la condamnation de Jacques Corriveau, le 1er novembre dernier. Onze ans après le dépôt du rapport de la Commission Gomery, ce dernier acteur du scandale des commandites a été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation qui pesaient contre lui.
Tout ce scandale pour promouvoir l’unité canadienne, tous ces millions pour faire avaler le Canada aux Québécoises et aux Québécois ! Bref, une vaste opération de propagande à travers laquelle le Parti libéral du Canada y a trouvé son compte.
Vingt ans plus tard, l’histoire est-elle en train de se répéter dans le cadre des fêtes du 150e du Canada? En effet, cette année, le gouvernement fédéral consacrera un demi-milliard de dollars pour promouvoir sa vision du Canada, son histoire.
À la lecture de certains programmes de financement, il est légitime de se demander si nous n’assistons pas à un nouveau programme des commandites.
Le Programme d’infrastructures communautaires du Canada (PIC 150), par exemple, a été créé en soutien à la remise en état et à l’amélioration, y compris l’agrandissement, d’infrastructures communautaires existantes. Les deux thèmes retenus pour l’appel de propositions de 2016 étaient les suivants : « Une économie axée sur une croissance propre » et « Un avenir meilleur pour les peuples autochtones ».
Les projets financés devaient s’inscrire sous l’un ou l’autre de ces deux thèmes. L’infrastructure, que ce soit un aréna, un gymnase, une piscine, des sentiers récréatifs, etc., doit être communautaire et accessible au public lorsque le projet sera achevé.
Cependant, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles un lien avec le 150e anniversaire du Canada fait partie des principaux critères d’analyse des demandes !!!
J’ai en tête un auditorium d’une école secondaire de ma connaissance, qui affichait le sigle du géant des hamburgers McDonald. Pour quelques centaines de dollars, la publicité McDonald est restée à la vue des élèves pendant des années et des années.
Est-ce dire qu’il en sera de même pour les équipements communautaires? De beaux logos ou des affiches du 150e à la vue du public et ce, pour des dizaines et des dizaines d’années? Des panneaux vantant le fédéral et le Canada qui sont là pour durer? Des affiches permanentes qui rappellent que le fédéral a payé 50 % des rénovations? Des logos, des panneaux, des affiches qui ont pour but d’influencer les électeurs en faveur des libéraux, lors des élections de 2019?
Évidemment, il y a d’autres programmes fédéraux pour appuyer toutes sortes de projets ou d’initiatives dans le cadre des célébrations de cet anniversaire.
Cela totalise un demi-milliard de dollars! Un demi-milliard pour une opération de propagande à travers tout le Canada!
À cela s’ajoutent les 200 millions prévus pour célébrer le 375e de la ville de Montréal. Je souligne, au passage, que le conseil d’administration de la Société des célébrations de ce 375e, petit frère du 150e, est dirigé par Mme France Chrétien-Desmarais, entourée d’une brochette de fédéralistes.
Montréal et Ottawa, 700 millions dépensés en fêtes en 2017 !
Les médias francophones se questionnent sur l’importance des sommes consacrées à cet anniversaire.
Même les médias anglophones trouvent que c’est beaucoup ! Dernièrement, le Globe and Mail posait la question suivante: avons-nous tout cet argent pour financer cela, alors qu’au même moment le ministère des Finances annonce que la situation financière du Canada s’est détériorée depuis 2014? Le Globe y va même d’une proposition fort modeste pour l’anniversaire du Canada : un bon party sur la colline parlementaire et des feux d’artifice pour les enfants.
Au Québec, le Parti Québécois a initié L’Autre 150e. Des historiens, des souverainistes, des artistes et plusieurs personnes, toutes bénévoles, ont contribué à une lecture de l’histoire du Québec dans le Canada. Je vous invite à suivre les informations, les vidéos et toutes leurs actions sur leur page facebook et sur leur site internet.
Le professeur d’histoire à l’UQAM Gilles Laporte est partie prenante de cette opération depuis le début. « Le gouvernement fédéral nous invite à parler d’histoire et nous comptons bien en être! Nous parlerons d’histoire, certes, mais sous un jour plus objectif, plus révélateur de la réalité du Québec au sein de la fédération canadienne, afin de jeter un éclairage différent sur l’histoire de la nation québécoise », a-t-il déclaré.
Je salue cette initiative et je ne peux m’empêcher de penser à la phrase de Jacques Parizeau : « Vous savez pourquoi on n’enseigne pas beaucoup l’histoire dans les écoles? C’est parce que ça forme des souverainistes ».
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