L’auteur est professeur, ex-ministre et ex-président (fondateur) des OUI Québec
Le chroniqueur Michel David nous livre, dans Le Devoir du mardi 7 février, une excellente analyse du débat qui entoure la candidature de la députée Martine Ouellet à la chefferie du Bloc québécois. Il souligne dans un premier temps que celle-ci « redonnera au Bloc une visibilité médiatique qu’il n’a pas eue depuis l’époque de Gilles Duceppe » et que la conjoncture des prochaines élections fédérales « pourrait bien se révéler favorable ». Personne, en effet, dans la classe politique ou chez les commentateurs, ne remet en doute l’impulsion que la députée de Vachon pourra donner à un parti indépendantiste déjà doté d’une solide équipe de 10 députés et d’un effectif qui dépasse au Québec ceux du Nouveau Parti démocratique et du Parti conservateur réunis. Cette victoire possible en 2019 doit en effet être la préoccupation principale de tous les indépendantistes et, plus largement, de tous ceux qui ont à coeur les intérêts du Québec et son avenir politique.
Michel David met toutefois le doigt sur le coeur d’une question qui semble inquiéter certains indépendantistes, bien au-delà de la prétendue difficulté pour un chef du Bloc québécois de siéger temporairement à Québec. Il s’agit de l’impact sur la dynamique interne du mouvement indépendantiste. En effet, l’élection de Jean-François Lisée comme chef du Parti québécois et le retour à une approche étapiste ont été largement acceptés par les membres du PQ. Cette approche sera-t-elle remise en question par un Bloc québécois dirigé par Martine Ouellet davantage centré sur la promotion de l’indépendance ?
Les indépendantistes « pressés », dont je suis (mais peut-on être trop « pressé » après 22 ans d’attente depuis 1995), sont évidemment déçus de l’orientation prise récemment par le Parti québécois. Toutefois, il ne saurait être question de mettre des bâtons dans les roues du nouveau chef, de quelque façon que ce soit. Les convictions indépendantistes de Jean-François Lisée ne peuvent être mises en doute, démontrées à plusieurs reprises dans le passé. Nous souhaitons, nous aussi, qu’une majorité d’indépendantistes soient élus à l’Assemblée nationale en 2018 et nous voulons contribuer à la convergence de tous les indépendantistes pour ce faire. C’est pourquoi certains d’entre nous ont d’ailleurs contribué à la création des Organisations unies pour l’indépendance (OUI), qui travaillent à cette nécessaire convergence.
Faire croître les appuis à l’indépendance
Disons-le clairement, l’objectif du Bloc québécois ne peut être de créer ou de renforcer une opposition au Parti québécois au sein du mouvement indépendantiste. L’objectif de Martine Ouellet et de ceux qui la soutiennent est de faire croître les appuis à l’indépendance au Québec. Pour cela, le débat démocratique doit se faire avec la population, autour d’une vision indépendantiste et d’une résistance active et systématique au régime canadien. Les jeunes du Québec et les membres des communautés culturelles doivent savoir pourquoi il faut sortir de ce régime déresponsabilisant, qui nous minorise, niant tous les jours nos valeurs environnementales, sociales et culturelles et nous empêchant de jouer à fond notre rôle international. Parce qu’il est le seul parti indépendantiste à Ottawa, le seul parti ayant comme unique intérêt de faire du Québec un pays, le Bloc québécois doit se donner comme mission principale de remettre en route le débat démocratique vers notre émancipation nationale comme peuple.
Devant l’importance de cet objectif, est-il vraiment utile de débattre de la prétendue difficulté pour Martine Ouellet de terminer son mandat comme députée indépendante « amie du PQ » ? Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, ce n’est pas une question d’argent puisque le Bloc pourrait verser un salaire au chef ou à la chef qu’il choisira le 22 avril. Martine Ouellet est une femme qui respecte ses engagements, en premier lieu celui qu’elle a pris en 2014 à l’égard de ses électeurs de la circonscription de Vachon. Laissons-la terminer son mandat jusqu’à l’élection de 2018, sans rémunération du Bloc. Cela lui permettra de continuer d’avoir une présence active dans sa circonscription, comme elle l’a fait quand elle était ministre dans le gouvernement Marois, tout en agissant comme chef et principale porte-parole du Bloc à Ottawa, comme l’ont fait d’autres avant elle sans détenir un siège au Parlement.
Cette action indépendantiste renouvelée du Bloc québécois ne peut qu’aider à obtenir une victoire des indépendantistes à Québec en 2018 et à Ottawa en 2019. Elle contribuera en même temps à l’appui à l’initiative de convergence entreprise par les OUI Québec. Le Bloc québécois regroupe déjà des membres de tous les partis politiques indépendantistes au Québec. Voilà pourquoi il doit maintenir un effectif et une organisation distincte de chacun d’entre eux pour que tous puissent ensemble prendre « le chemin des victoires », jusqu’à celle qui fera du Québec un pays.
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