CSN : jour 3. Agir ensemble et penser la démocratie syndicale

2017/06/09 | Par Richard Lahaie

Lors de la troisième journée du congrès de la CSN, une discussion sur la démocratie syndicale a été organisée avec Christian Nadeau, professeur titulaire au Département de philosophie à l’Université de Montréal et auteur de l’essai intitulé : Agir ensemble, penser la démocratie syndicale.

Voici les meilleurs moments de cette discussion entre le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie et Christian Nadeau :

J.L. : À quoi doit-on s’attendre à la lecture de votre livre?

C.N. : C’est une invitation à la réflexion sur le sens de la démocratie à l’intérieur du milieu syndical. C’est aussi le rôle que peut jouer le syndicalisme pour démocratiser notre société.

J.L. : Dans votre livre, vous parlez du formel et de l’informel. Comment les syndicats peuvent-ils développer des lieux informels de discussion?

C.N. : La démocratie n’est pas seulement la prise de décision au sujet des options possibles, mais aussi la réflexion sur quels types d’options que l’on peut choisir. C’est comme donner le choix entre bleu ou vert. Pourquoi doit-on choisir entre bleu ou vert et non le jaune. Dans la pratique démocratique, il doit y avoir des lieux de réflexion où l’on peut discuter sans qu’on soit orienté vers un intérêt précis. Le problème dans les assemblées, lorsqu’il y a des interventions, c’est pour défendre un point de vue et non pour ouvrir une possibilité de réflexion. Il faut des instances qui seraient plus informels pour débattre sans avoir en tête un objectif ou une finalité précise.

J.L. : Les gens désertent les assemblées. Comment un lieu informel peut-il activer la participation?

C.N. : La question n’est pas comment rejoindre le monde, mais comment le monde peut rejoindre le syndicat. Lorsque l’on pense en termes de mobilisation ou de participation syndicale, ce n’est pas en distribuant des pancartes avec des slogans déjà écrits. Les militants deviennent des porteurs de messages, mais pas de leurs messages. On doit s’assurer qu’il y a un dialogue constant entre le formel (la structure syndicale) et l’informel (discussion à la cafétéria).

J. L. : Les syndicats ont toujours eu tendance à dire : viens en parler en assemblée. Comment trouver l’équilibre entre le formel et l’informel?

C.N. : Une démocratie est tout sauf un mécanisme représentatif. Les syndicats doivent favoriser une vie démocratique de meilleure qualité et développer une culture de délibération sur des enjeux majeurs, sociaux et politiques. Dans les assemblées, les gens sont là pour voter et être présent. Donc, on leur demande d’être très passif. Si le show est « plate », ils auront moins envie de revenir. Le problème c’est qu’une assemblée délibérative n’est pas un spectacle. C’est un lieu de décision. Il faut donc multiplier le nombre d’instance et développer une culture de délibération sur les enjeux majeurs. Les membres ne veulent pas qu’on leur parle, ils veulent être entendus.

La pire chose que j’ai entendu lorsqu’une personne se plaignait de son exécutif : Si vous n’êtes pas content, vous n’avez qu’à vous présenter aux prochaines élections. Ce n’est pas parce que l’on critique que l’on veut enlever le pouvoir aux membres de l’exécutif. On vous leur a déjà donné le pouvoir de représentation en ayant voté pour eux.

Le syndicalisme n’est pas une police d’assurance ni un service aux membres, c’est un combat politique pour la justice sociale. Le syndicalisme est une lutte collective. Le syndicalisme est comme un mur de brique et on oublie souvent de voir le ciment entre les briques. Ce ciment sont les membres et sans les membres, le mur est fragile et peut facilement tomber.

J.L. : Quelle est la recette idéale?

C.N. : Le grand danger pour le syndicalisme est de se replier sur soi. Il doit plutôt s’ouvrir. Lorsqu’il y a de grandes manifestations syndicales, on voit la grande présence des syndicats. Lorsqu’il y a de grandes manifestations d’organismes communautaires, on voit relativement peu la présence syndicale.

Si on veut lutter contre des politiques gouvernementales, le mouvement syndical doit garder le contact avec ses alliés. Ce n’est pas de mettre les dirigeants syndicaux à l’avant, c’est plutôt de mettre l’accent sur les militants.