Tous ceux qui affirment que seule une poignée d’intellectuels et de « gauchistes » appuie la tenue d’un référendum en Catalogne devraient lire attentivement le dernier numéro du magazine The Economist, qui sert une volée de bois vert au gouvernement Rajoy.
« Quand une démocratie envoie la police anti-émeute frapper à coups de matraques sur la tête de vieilles femmes pour les empêcher de voter, les choses ont vraiment dégénéré. » Ainsi débute l’éditorial de l’édition du 7 octobre du magazine britannique consacré à la Catalogne.
Le reste est à l’avenant. On peut lire les choses étonnantes suivantes dans ce magazine qui est reconnu comme étant la « bible » des milieux d’affaires à l’échelle internationale :
« La démocratie repose sur le consentement des gouvernés. Il y en a même, parmi ceux qui sont en désaccord avec les méthodes de M. Puigdemont, qui croient que la Catalogne constitue une nation. Qu’indépendante, elle peut survivre économiquement.
« Peu importe la légalité de la démarche pour l’indépendance, poursuit l’éditorial, une fois que le désir pour l’indépendance atteint un certain point critique, il ya trois façon pour les gouvernements d’y faire face : écraser le mouvement, s’incliner devant lui ou négocier de bonne foi, tout en sachant que la séparation demeure une possibilité.
« M. Rajoy, ajoute-t-on, n’a pas saisi la nature des choix qui s’offraient à lui. Premièrement, il a fait appel aux tribunaux pour s’opposer aux nationalistes et, le week-end dernier, il a recouru à la force. Le déploiement de policiers pour empêcher les Catalans de voter a non seulement été un cadeau servi aux nationalistes mais, plus important encore, a franchi une ligne de démarcation. Une agression contre une foule de citoyens pacifiques peut peut-être fonctionner au Tibet , mais ne peut être approuvée dans une démocratie occidentale. Si le choix se présente entre la justice formelle et la justice naturelle, la justice naturelle va toujours finir par l’emporter. Les constitutions sont au service des citoyens et non l’inverse. Plutôt que d’être garant de la loi, M. Rajoy a fini par ternir la légitimité de l’État espagnol. »
Bien entendu, The Economist, qui est « la » référence pour la classe dirigeante internationale, est contre l’indépendance de la Catalogne en invoquant les mêmes arguments que les leaders européens. (« Cela encouragerait le séparatisme ailleurs en Europe – en Écosse, encore une fois, sans aucune doute, mais aussi dans le nord de l’Italie, en Corse, et peut-être même en Bavière. »)
Mais le magazine prône la tenue de négociations. Il avance même des pistes de solutions.
« Seule la négociation, écrit-on, peut ramener le calme et elle devrait débuter immédiatement. Une majorité de Catalans pourraient encore être ralliés au maintien de la Catalogne dans l’Espagne avec l’offre d’une plus grande autonomie, comprenant le pouvoir de lever et de conserver une plus grande part des taxes, une plus grande protection pour la langue catalane et une certaine reconnaissance de la Catalogne comme étant une ‘‘ nation’’. M. Rajoy devrait peut-être même reprendre à son compte l’idée des Socialistes de transformer l’Espagne en fédération. »
The Economist va encore plus loin en soutenant que « tout règlement devrait inclure la possibilité de tenir un référendum sur l’indépendance » !!!
Cependant, le magazine propose sa propre conception de la démocratie pour la tenue d’un tel référendum en spécifiant que l’indépendance devrait recueillir une majorité de voix parmi les électeurs inscrits et non seulement une majorité parmi les électeurs votants.
Pour appuyer sa position en faveur de la tenue d’un référendum, le magazine cite l’exemple du gouvernement britannique de David Cameron, qui a permis un référendum en Écosse en 2014.
L’éditorial se conclut par ses mots : « Les arguments en faveur de l’unité de l’Espagne sont solides. Mais l’unité doit être gagnée par la force des arguments. En utilisant seulement la force, M. Rajoy ne prévient pas la rupture de l’Espagne; il l’accélère. »
À notre connaissance, l’éditorial de The Economist est une première brèche dans le front uni des milieux politiques et d’affaires européen. Espérons qu’il contribuera à ce que cette brève s’élargisse et à faire entendre raison au gouvernement espagnol.
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