Le 25 janvier 1969, le ministre fédéral des postes, Éric Kierans, prononce un discours dans lequel il pose la question de l’utilité de l’appartenance du Canada à l’OTAN. « Le retrait du Canada de ses engagements militaires dans l’OTAN accélérera la venue du moment où les peuples, des deux côtés du mur de Berlin, réaliseront que tous ces milliards dépensés chaque année ne s’inscrivent pas dans une stratégie de dissuasion face à l’adversaire, mais plutôt dans la volonté de leur imposer un ordre politique », déclare-t-il.
Son discours, approuvé au préalable par le premier ministre Trudeau, allait provoquer une grave crise politique, décrite dans le livre Pirouette. Pierre Trudeau and Canadian Foreign Policy, de J.L. Granatstein et Robert Bothwell (University of Toronto Press, 1990).
Déjà, au mois de décembre, une rencontre quasi-catastrophique avait eu lieu entre le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères Mitchell Sharp, le ministre de la Défense Léo Cadieux et des hauts fonctionnaires.
Le sous-secrétaire d’État à la Défense Marcel Cadieux, un anticommuniste notoire, réalise alors avec stupeur que « Trudeau ne semble pas croire du tout au danger soviétique ». Quant à Sharp, il se demande s’il ne devrait pas démissionner pour alerter le public.
En fait, rapportent Granatstein et Robert Bothwell, Trudeau était plus préoccupé par le danger de guerre civile en Amérique du Nord, avec les soulèvements dans les ghettos noirs états-uniens, que par un affrontement avec l’Union soviétique.
Le débat s’est poursuivi lors d’une session spéciale du cabinet les 29 et 30 mars. Selon le ministre Paul Hellyer, la majorité était pro-OTAN, mais un nombre substantiel de ses collègues prônaient un retrait de l’OTAN pour des raisons morales et de politique nationale.
Lors de cette rencontre du cabinet, Trudeau propose de laisser la protection du territoire européen aux Européens, de réduire le nombre de soldats canadiens stationnés en Allemagne et de mettre fin, le plus rapidement possible, à la présence des troupes canadiennes en Europe. Le ministre Léo Cadieux menace de démissionner. La crise est majeure.
La réunion se termine sans prise de décision. Le 2 avril, Trudeau et Cadieux se rencontrent pour voir si un compromis est possible. Ils s’entendent une réduction de moitié du nombre de soldats canadiens en Europe.
Pierre Dubuc
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