Les Québécois – et plus particulièrement les Montréalais – sont familiers avec les embouteillages. Ils doivent prendre leur mal en patience, en attendant qu’ils se résorbent, ou chercher à les contourner par une route de rechange. Toute autre est la situation sur la Voie maritime du Saint-Laurent. Si un accident majeur survenait, il n’y a pas de voie alternative. Et la rapidité d’intervention pour régler le problème est aujourd’hui compromise avec les modifications apportées à son unique « dépanneuse », qui assure la sécurité du pont Jacques-Cartier jusqu’aux Chutes du Niagara.
C’est le message que tient à livrer, dans une entrevue à l’aut’journal, Sébastien Mercier, le président du Local 4320 du syndicat Unifor, qui représente une centaine de membres dont le travail consiste à entretenir et faire fonctionner les infrastructures de la Voie maritime du Saint-Laurent.
« Le VMS Hercules est une grue autopropulsée, capable de soulever des charges énormes, conçue pour les catastrophes maritimes. Il sera transformé en barge, tirée par bateaux-remorqueurs, beaucoup moins performante », s’indigne-t-il.
En fait, le VMS Hercules se verra délester de ses moteurs et amputer des hélices présentes à ses quatre extrémités. « Cela lui permet actuellement de virer sur un dix cennes. Ce ne sera plus le cas. En plus, il faudra attendre l’arrivée des bateaux-remorqueurs », d’expliquer Sébastien Mercier
Les catastrophes ne sont pas fréquentes sur la Voie maritime, mais elles peuvent avoir des effets considérables. Au cours des dernières décennies, le VMS Hercules est intervenu à quatre reprises, une fois à Valleyfield, pour un accident de navire (1985), puis, pour deux navires échoués, l’un à Pointe-aux-Trembles (1989-90) et l’autre à Sorel (2004). À une autre occasion, il s’est agi d’une porte d’écluse à Saint-Lambert (1989).
Entre-temps, la grue aide au déchargement de navires dans le port de Montréal.
Le VMS Hercules a un équipage de neuf personnes, dont deux emplois en permanence sur le navire, à l’année. Ces deux derniers sont en jeu, mais Sébastien Mercier précise qu’ils seront reclassés. « Ce qui me préoccupe avant tout, c’est la sécurité de la Voie maritime et la perte d’une expertise maritime. »
Il ne voit pas non plus les économies réalisées. « On agite le chiffre de 1 500 000 $ sur 20 ans. Mais ça ne fait bien que seulement 75 000 $ par année! Et on ne sait pas combien va coûter le recours aux bateaux-remorqueurs. Il semble que, dans les contrats, il y aura un montant forfaitaire rattaché à celui-ci pour avoir des remorqueurs disponibles dans des délais minimum toujours inconnus à ce jour. Dans l’industrie, le coût d’un remorqueur est de 1500 $ l’heure pour un minimum de 6 heures, et il en faudra deux pour remorquer le Hercules. »
Le contrat de remorquage est encore en litige avec les compagnies de remorquage. Présentement, le VMS Hercules se dirige vers les Méchins pour être dépossédé de ses moteurs. Il sera, par la suite, remorqué jusqu’à Montréal.
« En attendant son retour, précise Sébastien, on a fait venir une grue américaine de Grasse River, mais l’équipage est retourné aux États-Unis. »
Le Syndicat a rencontré le cabinet de Jean d’Amour, le ministre libéral québécois délégué aux Affaires maritimes, et le cabinet du ministre fédéral du Transport, Marc Garneau, pour les sensibiliser au dossier. Sans succès. Il faut dire que ces activités sont administrées par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, une société privée sans but lucratif qui gère 13 des 15 écluses situées entre Montréal et le lac Érié. Sa création résulte de la privatisation de la Voie maritime, en 1998, par Paul Martin, alors ministre des Finances dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Son conseil d’administration est composé de représentants des gouvernements (fédéral, de l’Ontario et du Québec), des armateurs et des transporteurs (acier, sucre, céréales).
« Ce sont donc les mêmes personnes qui, d’un côté, payent les droits de péage et qui, par ailleurs, en fixent le coût. Ils portent à la fois le chapeau d’utilisateur de la Voie maritime et celui de gestionnaire des infrastructures, c’est un peu particulier », fait remarquer le Syndicat.
Rappelons que la Voie maritime du Saint-Laurent est une des plus importantes artères économiques au monde. Elle permet aux navires en provenance de l’océan Atlantique d’atteindre les Grands Lacs. En 2015, 3 781 navires l’ont empruntée transportant 36 249 572 tonnes de cargaison.
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