Le troisième budget Morneau, qui a été déposé le 27 février dernier, n’annonce rien de bien nouveau quant à la lutte aux paradis fiscaux et ne convainc pas les membres du collectif Échec aux paradis fiscaux que le problème soit réellement pris au sérieux par le gouvernement Trudeau.
Pourtant, au cours des dernières semaines, artistes, syndicalistes, fiscalistes et gens d’affaires ont publiquement pris la parole. De plus, au-delà de 3 000 lettres ont été envoyées au gouvernement fédéral et aux parlementaires par le biais de la plate-forme VraiesSolutions.com pour revendiquer une action plus énergique du gouvernement fédéral contre les paradis fiscaux. Avec raison, la population est indignée par l’iniquité fiscale mettant les grandes entreprises et les personnes les plus fortunées au-dessus des lois, et elle s’attend à une action plus vigoureuse du gouvernement.
Bien entendu, la question de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal n’y est pas complètement ignorée. Par exemple, le budget annonce de nouveaux investissements afin d’accroître les capacités de vérification de l’Agence du revenu du Canada (ARC). On ajoute également des ressources supplémentaires pour augmenter la capacité de traitement de la Cour canadienne de l’impôt. De plus, des changements législatifs seront apportés afin d’améliorer l’accès à des renseignements sur la propriété effective des fiducies et des sociétés par actions. Finalement, certaines planifications fiscales permettant à des contribuables canadiens et à des actionnaires non résidents d’éviter l’impôt canadien seront revues et mieux encadrées.
Ces mesures ne sont pas vaines, bien au contraire, mais elles sont nettement insuffisantes. Le budget Morneau ne règle aucunement le problème de fond : le gouvernement canadien a facilité et légalisé l’utilisation des paradis fiscaux, et continue de le faire.
Cette attitude doit radicalement changer. Qu’est-il possible de faire?
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Le maintien intégral des conventions fiscales conclues avec des paradis fiscaux notoires est inacceptable. Ces conventions doivent être profondément revues. Aussi, l’avantage fiscal découlant de la signature des Accords d’échange de renseignements fiscaux (AÉRF), comme ceux signés récemment avec la Grenade et Antigua-et-Barbuda, doit être éliminé. Le Canada doit ainsi assumer sa pleine souveraineté fiscale.
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Les peines pour fraudes fiscales doivent être plus lourdes pour les fautifs et pour les professionnels qui ont facilité le recours aux paradis fiscaux, et les poursuites doivent être menées jusqu’au bout.
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Aussi, si le budget 2018 annonce une amélioration de la transparence des informations corporatives, il ne faut pas s’arrêter là, mais viser plutôt la création d’un véritable registre public des propriétaires ultimes des entreprises opérant sur le territoire canadien, afin de percer l’opacité des sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux.
- Enfin, il faut mettre fin au régime fiscal à deux vitesses dans le secteur du commerce numérique. L’exemple médiatisé du cas Netflix parle de lui-même : les géants du Web doivent percevoir les taxes de vente et leurs activités économiques réalisées au Canada doivent être pleinement imposées. Malheureusement, le budget Morneau ne présente aucune mesure allant en ce sens.
Mobilisons-nous contre les paradis fiscaux
La volonté populaire est claire et il est temps que le gouvernement agisse. Le Canada doit non seulement faire preuve de plus de volonté et de plus d’ambition dans la lutte contre les paradis fiscaux, mais il doit aussi assumer un rôle de leadership à l’échelle internationale. La mobilisation citoyenne se poursuivra au cours des prochaines semaines et des prochains mois afin de réclamer une plus grande justice fiscale.
Nous invitons la population à se faire entendre sur notre plate-forme : VraiesSolutions.com.
Signature des membres du collectif Échec aux paradis fiscaux
Carolle Dubé, présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Lise Lapointe, présidente, Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ)
Luc Vachon, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Louise Chabot, présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Jacques Létourneau, président, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Sylvain Mallette, président, Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
Serge Cadieux, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Nancy Bédard, présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Denis Bolduc, président, Syndicat canadien de la fonction publique Québec (SCFP)
Christian Daigle, président, Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ)
Richard Perron, président, Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
Simon Telles, président, Union étudiante du Québec (UEQ)à
Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec
Élisabeth Gibeau, Analyste politiques sociales et fiscales, Union des consommateurs
Estelle Richard, Les Amis de la Terre
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